Quand on voit Mohamed-Cherif Abbas, l'un des membres fondateurs du RND et ex-ministre des Moudjahidine, installé confortablement depuis qu'il a quitté le gouvernement, pour aller vivre le reste de sa vie chez le pays colonisateur, la France, d'une part, et d'autre part, quand on croise un citoyen qui vit dans le dénuement total, Maâdoune Mustapha, né le 20 août 1940 à Cherchell (Tipasa), nous raconter ses déboires avec la Fédération de France (FLN) et le ministère des Moudjahidine, lorsqu'il a entrepris les démarches pour faire valoir ses droits, pourtant, il avait été un fidaï reconnu qui avait exercé en France durant la Guerre de Libération nationale, on s'interroge sur l'impact des discours de nos hautes autorités, relatifs à la vulgarisation de l'authentique histoire de notre pays auprès des populations algériennes, notamment la jeunesse, 56 années après l'indépendance. Notre interlocuteur arrive difficilement à tenir debout en raison de ses problèmes de santé. Il nous exhibe une attestation de la direction de l'immigration du ministère français de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire, signée à Paris le 12 octobre 2009 par Mme Marie-Paule Demiguel, chef du bureau de l'immigration familiale, document officiel dans lequel est indiqué son internement du 26 août 1960 jusqu'au 6 décembre 1961, respectivement aux CARS (Centre d'assignation à résidence surveillée) de Vadenay et de Thol et du Larzac. Il nous dévoile cet autre document signé le 13 novembre 1998 par le procureur de la République du tribunal de grande instance de Strasbourg, auquel est joint l'extrait de registre d'écrou référencé n°1129 du 27 juin 1959, lequel document souligne que le nommé Mâadoune Mustapha a commencé à subir sa peine à partir du 26 février 1959. «Les faits se sont déroulés dans un café à Strasbourg qui appartenait à un Tunisien. Si Tahar, un militant de Sidi Bel Abbès émigré m'avait remis un pistolet que je devais à mon tour donner secrètement à un autre militant, le nommé Rebouh Rabah d'Ahmeur El Aïn. Notre mission consistait à abattre à Strasbourg un traître qui collaborait avec la sécurité française, les policiers sont venus encercler le café et m'ont arrêté. J'avais 19 ans. J'étais actif. J'agissais dans la clandestinité à Strasbourg sous les ordres d'un militant de Constantine, le nommé Chaâbna Abdelhak dit Ibrahim. Maâdoune Mustapha faisait partie des vingt-cinq Algériens emprisonnés à Larzac. En décembre 1961, nous avons été transférés de la prison française vers le camp de Sidi Chahmi à Oran. Je sais que de nombreux Algériens n'ont rien fait durant la Révolution, mais jouissent hélas de beaucoup d'avantages grâce à leurs complices. Je ne demande pas la lune. Je viens de vous dévoiler ma situation, afin que les hautes autorités prennent en charge mon cri de détresse afin qu'elles puissent m'aider pour mieux finir mes jours. Je vous assure que je souffre, aucun responsable local n'a daigné m'écouter, j'ai fini par abandonner. Je suis malade, n'ayant aucun revenu, ni assurance. Je vis le calvaire, noyé par la misère totale. Seuls mes enfants, malgré leurs difficultés sociales, me soutiennent. Je survis, dans l'attente d'un acte de nos hautes autorités, pourtant je me suis sacrifié pour mon pays, même en résidant en France, alors que j'étais jeune et célibataire. J'étais fier d'être un fidaï et moussabel à Strasbourg pour servir mon pays dans sa lutte contre le colonialisme», conclut-il. Avant de nous quitter, Maâdoune Mustapha nous fait découvrir un document de la DGSN signé le 11 novembre 2003 sous la référence 05445, stipulant son «délit» (port d'armes, ndlr) commis en France en 1959, à l'origine de son arrestation.