C'est de partout que les gens nous appellent pour se plaindre du manque d'eau, ou pour fustiger sur les réseaux sociaux les responsables qui n'ont pas tenu leurs promesses. Le programme d'urgence lancé par le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, en automne, au lendemain de la grave crise de l'eau qui a entraîné tout l'été des émeutes à Annaba et la fermeture d'un haut fourneau du complexe sidérurgique d'El Hadjar, n'a pas été à la hauteur des attentes de la population, à qui on a promis de l'eau quotidiennement, pour le moins, dans les chefs-lieux des 24 communes de la wilaya. Le ministre se déplacera à trois reprises à El Tarf pour s'enquérir de l'état d'avancement de ce programme de plusieurs actions, dont les principales sont le dédoublement d'une conduite sur 22 km, des forages d'urgence et une remise à niveau de la station de traitement du barrage de Mexa. Aux dernières nouvelles, la conduite dédoublée n'est toujours pas opérationnelle, car les essais ne sont pas terminés sur un dernier tronçon de 200 mètres. Selon la direction des ressources en eau d'El Tarf, ces essais exigent 350 litres/secondes et les prélever maintenant va perturber l'alimentation en eau potable des localités du couloir El Tarf-Annaba. C'est dire le dilemme des responsables de ce secteur. Il n'aurait pas existé il y a quelques semaines. Dans la partie ouest de la wilaya, dans les localités de 3 daïras (Dréan, Besbès et Ben Mhidi), la noria des camions-citernes qui vendent de l'eau potable tourne toujours à plein régime. L'eau douce très attendue, qui doit provenir de la station des Salines (Annaba), n'arrive toujours pas. Deux des 3 pompes récemment installées sont hors service. Elles devaient donner 4 000 m3/jour. Un problème de gestion qui concerne l'ADE, selon les responsables de la direction des ressources en eau. A Raml Souk, après avoir attendu la fin de la réalisation de la conduire de 4 km, le forage qui devait mettre fin à la crise aiguë que connaît cette commune a été saboté. Oui, saboté ! A El Ayoun, la pose de la conduite est toujours en cours, et à El Kala, on dit que c'est réglé, alors que c'est absolument faux, nous rapportent les citoyens de cette ville, dont la population double en été. Des quartiers de la ville alimentés à partir du barrage de Mexa sont restés sans eau presque un mois, pour un raccord entre le barrage et la station de traitement, qui, décidément, se distingue été comme hiver pour ses nombreuses avaries. Les quartiers alimentés par les forages de Bordj Ali Bey souffrent de la même manière et il semble que, pour satisfaire un quartier à Gelas sud, récemment raccordé à un nouveau forage, on a réduit l'alimentation vers un quartier à Gelas nord. Ceci pour montrer que la promesse est tenue d'une alimentation quotidienne. Selon le wali, Belkateb Mohamed, la crise de l'eau est enrayée à El Tarf, puisque sur 17 communes qui manquaient d'eau, il n'en reste plus que 4. Quelques coups de fil dans les communes nous ont indiqué tout le contraire. La commission ministérielle conduite par le SG du ministère des Ressources en eau, qui se rend aujourd'hui à El Tarf, aurait une seule mission : en finir avec la crise dans la partie sud de la wilaya, les communes de la daïra de Bouhadjar. Elles souffrent cruellement depuis de nombreuses années, plus que partout ailleurs, de la soif et à quelques encablures du barrage de Cheffia (Bounamoussa). Une station de pompage flottante avait été installée l'année dernière et tambour battant à la surface des eaux du lac de barrage, mais pas d'eau, parce que la station de traitement indispensable n'a pas été raccordée pour être opérationnelle. La commission vient pour s'enquérir de l'état d'avancement, qui consiste, selon nos interlocuteurs, au remplacement d'un groupe électrogène de 800 KWA par un plus puissant de 2000 KWA. Ceux qui savent faire des comptes nous ont affirmé qu'il y a eu l'équivalent de 20 milliards de dinars consacrés aux projets d'AEP. Pour beaucoup, les autorités centrales et locales initient des actions pour améliorer la situation et les ressources mobilisées, superficielles et souterraines, suffisent, si ce n'est la gestion de cette ressource confiée à l'ADE. Une entreprise très en deçà, toujours selon des observateurs avertis à El Tarf, des missions qui lui sont dévolues. Elle a été au centre de scandales financiers et de détournements et les compétences de ses agents sont montrées du doigt. Elle gère un quotidien fait de colmatage de fuites sur les conduites, de remplacement d'équipements détériorés par le manque d'entretien ou par un mauvais usage. Lassée par le nombre grandissant des prises d'eau interdites, elle ne court plus derrière les mauvais payeurs et les piquages illicites. C'est pourtant à cette entreprise que vont les félicitations des autorités. Faute de mieux, car les expériences précédentes pour la gestion de l'eau ont lamentablement échoué, il y aurait comme un deal entre les pouvoirs publics et ce qui reste d'entreprise pour masquer cette faillite par le financement de projets de rattrapage.