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«La succession dépendra du modus vivendi entre le clan Bouteflika et les militaires»
Dalia Ghanem Yazbeck. Chercheur à Carnegie Middle East Center de Beirut
Publié dans El Watan le 30 - 07 - 2018

– La «face obscure» du système algérien, ses acteurs nébuleux, son fonctionnement retors, ses logiques complexes, ses évolutions possibles… alimentent les études, fantasmes et appréhensions du gotha de chercheurs universitaires de la Méditerranée (et au-delà). Le devenir de «l'Etat pivot» dans l'antiterrorisme, le «grand» fournisseur d'énergie...inquiète les partenaires de l'Algérie qui cherchent à comprendre. Récemment, à l'université de Milan, vous avez participé, en tant que chercheur associé au Carnegie Middle East Center de Beirut, à une conférence organisée par l'ISPI, l'Institut italien pour les études de politique internationale, et où il était question de clés de compréhension du système algérien : cette grande «énigme», ce «mystère total» des sciences politiques modernes. Vous expliquez cela, entre autres, par le fait qu'il soit un modèle «hybride»…
En effet, c'est un régime hybride qui mélange des éléments d'un régime autoritaire avec des éléments d'un régime démocratique. C'est-à-dire qu'il y a des parties politiques, des élections, une opposition, une certaine liberté de presse..., mais tout cela ne constitue pas un vrai, un réel challenge face au régime. Le régime a su comment faire des concessions sans trop donner, donner assez sans trop céder.
Tout cela sert à contenir le mécontentement social en donnant l'impression de changer, et donc préserver le régime et ses acteurs. Le régime offre des concessions politiques et économiques à des moments T (révolutions arabes en 2011 et 2012, baisse des prix du pétrole à la mi-2014...) afin de donner l'impression d'encourager le changement politique et économique.
Le régime a appris des erreurs du passé surtout de celles des années 1990. Aujourd'hui plus que jamais, il maîtrise l'art de faire des concessions suffisantes mais limitées et ainsi maintenir son contrôle et sa survie. C'est ce que j'appelle l'art de faire des concessions sans changement fondamental.
– Vous dites que la matrice du système, l'antre du pouvoir réel, demeure l'armée qui dispose, régente et dirige... par délégation (aux civils). Ces fonctions, elle les exerce du haut de la pyramide du pouvoir où cohabitent et/ou s'affrontent intérêts de l'armée, du FLN et des élites politiques et économiques. Le pluralisme n'est qu'une façade derrière laquelle manœuvrent des centres d'intérêt, des centres d'influence et des pouvoirs cachés. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce propos ?
Alors, oui l'armée reste un acteur incontournable de ce régime, voire l'acteur pivot. L'armée est l'institution la plus stable et la plus organisée en Algérie. L'armée, avec la guerre d'indépendance mais aussi la guerre contre le terrorisme dans les années 1990 s'identifie à la nation. Pour les leaders militaires, abandonner leur rôle politique et laisser la gestion du pays aux mains de civils, reviendrait à mettre en danger la nation.
C'est pour cela que l'armée continue à jouer un rôle politique prépondérant. Malgré les efforts de Bouteflika de réduire l'influence de l'armée, le fait est qu'aujourd'hui, rien ne peut se faire sans l'accord de l'armée. Il n'y pas un seul Président qui puisse arriver au sommet de l'Etat sans l'accord et le soutien de certains leaders au sein de l'armée.
Avec ce qui se passe aujourd'hui dans la région et la guerre contre le terrorisme et les dangers venant du Maghreb mais aussi du Sahel, il serait naïf de penser que l'armée va céder du lest. Aujourd'hui, plus que jamais l'armée s'identifie à la nation et ne saurait – selon sa vision –la mettre en danger.
– Dans le système algérien, écrivez-vous, la corruption est «un mode de gouvernance», un «levier d'arbitrage» entre différents groupes et factions. Vous dressez les contours d'un pays quasi «irréformable», puisque toute velléité de réforme est contrée, contestée à l'intérieur même du système. Vous donnez l'exemple de l'ex-Premier ministre Abdelmadjid Tebboune et sa croisade ratée contre l'argent sale en politique. La courte parenthèse de ce Premier ministre participe-t-elle de ce concept inventé par le duc Giuseppe Tomasi de Lampedusa : «Changer pour que rien ne change», devenu la devise des pouvoirs successifs en Algérie ?
Alors oui, comme l'analyse brillamment le chercheur algérien Mohammed Hachemaoui, de qui j'ai repris le concept, la corruption est un mode de gouvernance, en effet, elle sert à gérer les conflits et elle est un mode de résolution de conflits entre les différentes factions, les différents groupes dont les allégeances sont aussi fluides que divergentes.
Le fait que les frontières entre public et privé sont floues, cela augmente les risques de népotisme, de favoritisme et de corruption. Le récent cas des 700 kg de cocaïne en est la dernière preuve. Au-delà des questions sur l'ascension fulgurante et douteuse d'un ancien boucher, il faut se poser la question des complicités ? Comment est-il possible que 700 kg de cocaïne entrent dans le pays dans un conteneur prévu pour de la viande, sans la complicité de quelques figures au sein même du régime ?
Ceci relève de l'impossible. Qui est-ce qui donne les licences d'importation, qui régule ? La libéralisation sélective de l'économie a mené au remplacement des monopoles publics par des monopoles privés, des oligopoles qui sont proches des décideurs, des militaires et de leurs cercles. L'ouverture économique, ou du moins la libéralisation contrôlée de l'économie, ne vise pas à étendre l'accès aux ressources et à changer les structures du pouvoir, au contraire, elle a été contrôlée et limitée de manière à ne servir que les intérêts de ceux qui ont déjà accès aux ressources.
Regardons aujourd'hui les sociétés d'import-export. Je donne plusieurs exemples dans mon étude, surtout dans le secteur pharmaceutique. Les nouveaux barons, les nouveaux businessmen ont eu de généreux prêts, privilèges et des monopoles ou semi-monopoles taillés sur mesure pour eux. En contrepartie, ils offrent leur loyauté et leur soutien à ceux qui les ont aidés. Le cas Haddad parle de lui-même. En résumé, en construisant ces liens avec cette nouvelle business class, les décideurs ont élargi leur réseau et leurs clients et de ce fait leur base sociale.
C'est ainsi que les intérêts de tout un chacun se mêlent et s'entremêlent et il devient crucial pour chacun des acteurs engagés dans ces réseaux de maintenir le régime et le statu quo. Mais rappelons-nous ici que les alliances sont fragiles et changeantes et le cas Khalifa en est le parfait exemple. Il devient dangereux pour chacun des acteurs de challenger le statu quo.
– Moyeu de ce système qu'il a contribué à façonner, le président Abdelaziz Bouteflika (au pouvoir depuis 1999) fait parler (plus qu'il n'en parle lui-même) de sa succession, ordonnée ou désordonnée, déchaînant les passions (des groupes) et les actualités. Vous dites que l'après-Bouteflika est une chimère contrairement au 5e mandat qui est d'ores et déjà à sa phase de promotion. Le «successeur potentiel», qui doit avoir l'onction de l'armée, sera, dites-vous, une copie conforme de ce système, étonnamment en vigueur depuis plus de 55 ans. Alors quels seraient, d'après vous, les secrets de sa longévité ?
Le système que le régime a mis en place prouve son efficacité. On en est à un 5e mandat et le statu quo semble préservé, en tout cas pour le moment. Comme je le dis dans mon étude, c'est cette hybridité qui donne un semblant de changement sans véritable changement et qui fait que les choses restent inchangées. Les mécanismes utilisés sont : 1) le patronage et le clientélisme 2) la répression et la fragmentation de l'opposition et de la société civile 3) la libéralisation sélective mais contrôlée de l'économie et enfin la corruption en tant que mode de gestion et de résolution des conflits.
Le successeur du président Bouteflika sera un enfant du régime, il aura été socialisé à ces modes de fonctionnement et sera le pur produit de ce régime et de son système. Il ne faut pas attendre de miracle. Ils continueront, lui et les décideurs (militaires, barons et leaders politiques, bureaucratie, FLN), à employer les mêmes mécanismes pour préserver le régime et sa continuité.
– Une succession dynastique (exemple des Al Assad en Syrie) est-elle probable en Algérie, sachant que Hafez Al Assad s'est toujours défendu de préparer un de ses fils ?
Selon les données actuelles, il est certain que la succession ne se fera pas sans un modus vivendi entre le clan Bouteflika et les militaires. Ces derniers sont ceux qui ont/auront le dernier mot. Nul Président n'atteint la fonction de Président sans l'aval de certaines figures clés de l'armée.
– Al Djazaïr, dites-vous, est cet îlot de paix et de stabilité (dans une région sahélo-maghrébine incandescente) qui peut basculer quand il n'y aura plus rien à redistribuer, autrement dit quand la fonction distributive s'en trouvera saturée. Vous retenez dans vos études l'hypothèse d'une réaction violente du régime comme scénario d'évolution possible et la «poursuite» de la politique de «changer pour que rien ne change». L'hypothèse d'un changement radical, vous l'évacuez complètement ?
Le régime a appris de ses erreurs, la violence sera le dernier recours. La violence est, comme l'a montré Omar Carlier, cyclique en Algérie : l'été 1962, Octobre 1988, la guerre civile, les émeutes en Kabylie en 2001... L'Algérie change et la jeune génération a soif de changement. Les décideurs doivent comprendre que la jeunesse a le nombre en sa faveur, avec 55% de la population ayant moins de 30 ans.
Cette jeunesse, il faudra l'écouter à un moment donné et faire en sorte de répondre à ses attentes. Il est crucial, en ce sens, de mettre en place une politique pour la jeunesse, pour mieux l'intégrer sur le plan local aussi bien que sur le plan national. La jeunesse n'est pas l'avenir, elle est le présent.


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