L'absence de concurrents capables de changer cette donne en important du mouton et de créer une dynamique dans le marché, livré à un « libéralisme » sauvage, en est, dans une certaine mesure, la principale cause de cette flambée du prix local du bétail. Les maquignons - ou les trabendistes du bétail - imposent simplement leur diktat dans le marché à l'approche de cette fête. Les Algériens devront ainsi casser leur tirelire pour pouvoir s'offrir un mouton à sacrifier. Les petites bourses seront obligées de recourir à des prêts chez des proches ou voisins pour pouvoir faire plaisir aux enfants. Une virée aux points de vente à bestiaux de la capitale renseigne sur les prix pratiqués sur l'agneau. Des prix inabordables. Un maquignon, qui faisait paître ses bêtes près du quartier populaire de Bachdjarah, exhibe, d'emblée, l'origine de ses khrouf ramenés d'Ouled Djellal (Biskra) comme un label de qualité. A ses yeux, le prix proposé de 28 000 DA vaut bien ce qu'il vaut. Un tarif qu'il défend bec et ongles devant ses concurrents. « Ce prix n'est-il pas exagéré ? », l'avons-nous interrogé. Comme réponse, il évoque le motif de l'importance des frais que lui occasionnent ses bêtes durant tout son séjour dans une infrastructure d'accueil à Alger. Il évalue à 10 000 DA les frais par 100 têtes pendant son séjour. Dans la foulée, il avance les prix de l'aliment du cheptel, notamment le foin, qu'il achète à 500 DA la balle dans certains commerces. Selon lui, la balle peut atteindre jusqu'à 800 DA. L'orge est proposé à 25 DA le kg. Autre explication : le coût du transport est estimé à 100 DA/tête et les frais de la location sont de 20 000 DA par mois pour les infrastructures d'« hébergement » du cheptel. Mais cela c'est pour convaincre les pères de famille qui affluent vers les différents marchés algérois et qui, souvent, repartent sans mettre la main dans la poche. Certainement pas. Les prix pratiqués sont en deçà des petites bourses. « Avec de tels prix, je serai contraint d'acheter de la viande chez les bouchers des environs. Cela me reviendra certainement moins cher », nous dit un père de famille rencontré dans un marché à bestiaux à Bachdjarah. Car, selon lui, à ce prix, le kilogramme de viande revient à 1000 DA. Dans ce point de vente, le mouton, dont le poids varie entre 20 et 25 kg, est proposé à 24 000 DA. La même bête vaut au niveau de sa région d'origine (Djelfa) entre 16 000 DA et 18 000 DA. Cette hausse tient du fait que la vente du mouton se fait rarement de la première main, nous explique ce père de famille. La vente du bétail s'effectue parfois jusqu'à la troisième, voire une quatrième main. Cela peut expliquer la hausse des prix. Portées sur le gain facile, plusieurs personnes ont dû changer d'activité pour se lancer dans le commerce du bétail. C'est le cas d'un jeune ouvrier d'une papeterie à Baraki qui s'est converti, à l'occasion de l'Aïd, en maquignon. Grâce à de bons contacts noués avec des éleveurs de Djelfa, il se fait livrer à domicile ses commandes d'ovins. Ainsi, le premier lot de 70 têtes, qu'il a reçu, pourra lui faire gagner jusqu'à un million de dinars. Interrogé sur le certificat de vaccination qui devra normalement accompagner ses bêtes avant de rentrer dans le marché, notre interlocuteur s'est mis à montrer les traces de vaccin que ses bêtes ont subi. En somme, aucun des vendeurs de moutons rencontrés à Alger ne possède cette pièce attestant que le mouton est indemne de toute maladie.