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L'Etat a la responsabilité d'assurer l'équité territoriale et celle de la distribution des richesses nationales
Docteur Djidour Hadj Bachir. Politologue, université de Ghardaïa
Publié dans El Watan le 24 - 08 - 2018

– Les organisateurs de la manifestation de Ouargla, le 26 juillet dernier, ont appelé les autorités à reconsidérer les priorités de l'action publique et à allouer les fonds destinés aux manifestations artistiques au développement de la ville. Ils disent que leur action est spontanée, conjoncturelle et exempte d'idéologie, une sorte de cri du cœur. Qu'en pensez-vous ?
Elle est certes spontanée et liée à des circonstances particulières, elle est pacifique. L'année dernière à peu près à la même époque, des concerts similaires ont eu du succès, Cheb Khaled a chanté à Ouargla et les citoyens se sont plu à y assister et apprécier des moments de détente.
Mais cette année a connu un déclin de l'action publique dans divers domaines et un manque de motivation pour ce qui est des projets de développement qui impactent directement la vie quotidienne du citoyen. Ce qui est considéré comme «l'administration publique», à savoir «l'Etat», est responsable de cette situation.
L'Etat est forcé d'assurer l'équité territoriale et celle de la distribution des richesses nationales. Ce qui a été perçu comme un manquement à ces obligations a contribué à élever l'ébullition du front social à Ouargla à son paroxysme. A mon avis, deux facteurs majeurs sont à l'origine de cette colère.
D'une part, l'émergence de signes avant-coureurs démontrant l'échec du projet d'éradication de la remontée des eaux à Ouargla, connu sous l'appellation de «projet du siècle» qui s'est étalé de 2006 à 2010 et a coûté 4700 milliards de centimes au Trésor public.
L'échec renouvelé dans la maîtrise du traitement des eaux usées et de la lutte contre la remontée des eaux s'est matérialisé par une dégradation progressive de l'hygiène publique et la résurgence de nombreux points noirs ; plusieurs quartiers ont renoué avec les inondations chroniques d'eaux usées que les autorités peinent à résoudre.
Et le citoyen ne s'explique pas pourquoi un projet aussi colossal, exécuté par des sociétés étrangères et présenté comme la solution aux problèmes d'égouts à Ouargla, soit un échec avec la hantise de la menace permanente sur la santé publique et le retour de certaines maladies.
A Ziaïna, Beni Thour et Mekhadma, le ressentiment des citoyens est fort ; nous avons assisté tout au long de l'année à des rassemblements et des sit-in où les gens ont exprimé leur désarroi devant cette situation et leur insatisfaction de la qualité des travaux.
Le deuxième facteur qui a présidé au choix du boycott des soirées musicales est le manque de satisfaction de la rue locale par rapport à la nomenclature des projets visant le développement de leur ville, des projets inachevés ou carrément gelés par l'administration centrale, en l'absence de justifications raisonnables hormis l'austérité et le détérioration de la prospérité financière du pays et du Trésor public.
Ainsi, les trois thèmes sans cesse mis en avant lors des revendications de la société civile ne sont autres que la réalisation de l'hôpital universitaire et de celui des grands brûlés, actuellement gelés, et aussi de remédier aux insuffisances du secteur de la santé, en particulier par le recrutement de nouveaux médecins.
Ils demandent aussi le réaménagement des urgences médicales de l'hôpital Boudiaf pour lesquelles de nombreux rassemblements ont eu lieu dans la cour même de cet établissement public ; ils réclament une vraie mise à niveau de l'hôpital de Ouargla en attendant le CHU et surtout un enquête sur les discordances concernant la réalisation des nouvelles urgences et le non-respect des schémas initiaux de construction ainsi que les équipements nécessaires.
Et puis, il y a l'objectif de réaliser la dernière tranche du projet du tramway de Ouargla qui été amputé, l'itinéraire initial prévoyant 12 km au lieu des 9 actuels et un terminus aux confins du ksar de Ouargla au lieu du centre commercial. La raison invoquée est l'incapacité de l'Etat à fournir suffisamment de fonds pour ressusciter le projet et le compléter selon l'étude initiale préliminaire.
Ainsi, la manifestation citoyenne a été considérée comme une action très compréhensible et prévisible comme moyen de pression sur le pouvoir central, pour rétablir l'ordre des choses et demander à reconsidérer les priorités. La manifestation de Ouargla est la preuve d'une prise de conscience citoyenne.
Les Ouarglis se sont insurgés du fait qu'on vienne distraire le citoyen avec des soirées musicales alors que des projets vitaux, de leur point de vue, sont gelés. Le citoyen local a le sentiment que le gouvernement devrait plutôt montrer son intention de faire preuve de justice dans le développement et dans la distribution des richesses.
– Le mouvement social de Ouargla perdure depuis plus de deux décennies. Qu'est-ce qui distingue cette dernière manifestation des précédentes ? Comment expliquez-vous la disparité du traitement médiatique entre les médias nationaux et internationaux et les prises de position contre la prière collective qui a suivi le rassemblement ?
Il me semble qu'il y a eu dès le départ une intention délibérée de condamner cette prise de position citoyenne contre une manifestation culturelle pour régler un passif, en essayant d'en minimiser le message aux autorités qui, elles, ont bien compris la signification du rassemblement. L'accent a été mis sur la prière pour détourner l'attention des vrais problèmes et décrédibiliser la manifestation.
Deux facteurs sont à retenir. Ce rassemblement revêt un caractère nouveau et inédit à travers le pays, voire à travers le monde ; il n'a pas été préparé suffisamment à l'avance vu que les circuits habituels de détection des autorités locales ni même des différents corps de sécurité n'ont été actionnés.
L'originalité et l'imprévisibilité de l'événement ont suscité une fougue et un buzz international vu que la manifestation a été largement couverte dans les médias locaux, nationaux et internationaux.
Le second point à retenir est que l'accomplissement des prières du maghreb et de l'îcha est somme toute un acte banal, s'agissant pour la première d'une prière qui ne doit pas être retardée. Objectivement, j'estime qu'il y a eu une erreur d'appréciation par de nombreux médias qui ont décrit un mouvement de protestation par la prière, ce qui est tout à fait faux !
Le rituel de la prière fait partie des obligations quotidiennes observées le plus normalement du monde et qui se pratiquent lors des regroupements, mariages, banquets, funérailles, en cours de voyage, sur une plage, ou en faisant du shopping.
Des salles y sont dédiées et ces manifestants n'ont pas dérogé à la règle. Nous n'avons jamais entendu parler de «voyage par la prière», ou d'«enterrement par la prière», pourquoi donc associer la manifestation à la prière jusqu'à en occulter les objectifs ?
– Quels sont, à votre avis, les répercussions de cet événement qui a pris une telle ampleur qu'il suscite un clonage méthodique ailleurs, jusqu'à susciter des inquiétudes ?
Ce mouvement a eu un retentissement qui aura plusieurs conséquences, non pas immédiates mais à court terme. Nous verrons sous peu des initiatives des autorités centrales tendant à motiver un changement comportemental des autorités locales.
Une lecture à froid des résultats de ce mouvement et ses répercussions sur le climat social permettront de tâter le pouls de l'opinion publique, jauger les tendances de la rue et étudier ses préoccupations et ses intentions.
Nous verrons aussi l'émergence d'une volonté — qui pourrait être sincère — de la part du pouvoir central de s'intéresser avec plus de réalisme et d'intérêt au développement local et à certaines franges marginalisées et oubliées.
– Quelle analyse faites-vous de la position des autorités centrales vis-à-vis de cet événement en particulier et du mouvement social dans le Sud plus globalement ?
Il faut d'abord différencier les prises de position officielles de membres du gouvernement et celles des responsables de parti. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, est connu par sa perspicacité et sa prudence ; il n'a pas voulu réagir en tant que tel pour se donner une marge de manœuvre et éviter d'affecter sa position d'homme politique, son image et son avenir d'homme d'Etat.
Il a donc endossé la veste de secrétaire général du RND pour parler à deux reprises des événements de Ouargla. Il a ainsi voulu se libérer du poids d'une prise de position officielle en tant que chef du gouvernement.
Mais le message du pouvoir exécutif est assez clair et Ouargla a bien compris cette fébrilité à attaquer le comportement des citoyens et le considérer comme une sortie pacifique pour marquer un refus des concerts et un cri de détresse aux institutions publiques, pour leur assurer un cadre de vie acceptable, le logement et l'emploi.
On peut ainsi comprendre que derrière les mots d'Ouyahia, le pouvoir s'est montré très compréhensif de la vision des jeunes et des circonstances difficiles qui les ont poussés à manifester, de sorte que le ministre de l'Intérieur est apparu peu après pour lancer un message ferme a priori, mais qui dénote d'une position normale si elle est lue objectivement, vu que Bedoui gère avec autorité les volets sécuritaire et administratif.
– Les activistes de Ouargla se sont opposés aux partis politiques, aux dignitaires dont ils se sont affranchis et même aux élus. Leur mobilisation est-elle condamnée à rester dans le cadre informel de la rue ?
La mobilisation ininterrompue des jeunes à Ouargla a dévoilé l'incapacité des élites traditionnelles — notables, chefs de confréries religieuses et zaouïas et même élus — à prétendre à une représentativité de la société, à un quelconque leadership ou à jouer leur rôle de passerelle entre la rue et les autorités, pour transmettre les préoccupations de la base au sommet et s'imposer comme force de proposition au profit du peuple.
Ces instances traditionnelles sont condamnées à l'extinction, leur charisme et leur aptitude à la gestion des affaires locales ne sont plus d'actualité parce que le pouvoir a réussi à les apprivoiser.
Leur vulnérabilité face aux tentations du système politique et des hommes d'affaires font d'eux le maillon le plus faible du système. Ils sont en train de perdre leur réseau de relations et même le tissu social subalterne, qui reposait jadis sur l'écoute, l'obéissance et la loyauté.
Dans le paysage actuel, nous retrouvons des militants de la société civile relativement libres dans leurs relations avec les élites traditionnelles qui limitaient leur enthousiasme et désapprouvaient leurs ambitions et leurs projets, soumis d'ailleurs à l'approbation d'un cercle capricieux.
Les activistes ont trouvé dans la rue une meilleure représentativité et un moyen de pression qui leur permet d'atteindre leurs objectifs plus facilement et à moindre coût.
– Où en est l'université de Ouargla ? Qu'en est-il des universitaires à propos de ce phénomène social ?
L'université est un partenaire-clé au service du développement de la communauté locale et nationale, elle a également un rôle et une responsabilité dans l'émergence d'une frange d'intellectuels chargés de l'étude des problèmes et phénomènes de société, de proposer des solutions appropriées et la création d'équipes de recherche et laboratoires à même de répondre au nouvelles problématiques opposant la base au centre. C'est le principal enjeu de notre université.
Il est impératif de considérer la responsabilité de l'université dans le lancement d'un débat scientifique, académique, avec une dimension purement politique, principalement liée au diagnostic des erreurs du système politique et de la société civile.
Elle doit mettre en évidence que l'erreur fatale de notre système politique est d'avoir fermé le jeu politique et créé des institutions ajustées à ses aspirations, refusant l'implication des acteurs de la société civile dans la vie des institutions publiques, réduites à être creuses et inutiles. C'est ce qui a poussé le mouvement social vers la protestation et le choix de la rue comme alternative aux institutions.
En outre, les erreurs des acteurs de la société civile sont majoritairement liées à une modeste participation à la construction des institutions et à l'édification d'une économie forte, en présentant de vrais représentants grâce à une véritable participation aux élections, afin d'exercer un contrôle et ne pas laisser libre cours aux acteurs «apprivoisés», hommes d'affaires et autres parties prenantes du pouvoir pour tenir d'une main de fer les institutions de l'Etat.


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