Après une minute de silence observée par l'assistance en hommage aux deux artistes disparus il y a quelques jours, Rachid Taha et Djamel Allam, l'avant-première du film Fouilleurs nés a été finalement programmée, en présence des acteurs de ce long métrage, du réalisateur, Djamel Azzizi, et d'un grand nombre d'actants du monde du cinéma. Et pour cause, sa projection inaugurale a traîné en longeur. «Cela fait 16 mois que je cours pour cette diffusion publique, une avant-première. Un film ne doit pas être mis en quarantaine. On n'a pas le droit de délaisser un film dans un tiroir…Le film Fouilleurs nés a été sélectionné au Festival de Montréal (Canada). Mais il n'a pas pu participer et être projeté, parce qu'on (les décideurs cultuels algériens) n'ont pas voulu débourser 400 000 DA pour couvrir le prix des billets d'avion des comédiens du film. Alors que le casting était entièrement pris en charge par le Festival de Montréal…Le film Fouilleurs nés n'a pas été retenu et programmé au Festival du film arabe d'Oran parce qu'il parlait de drogue. En même temps que l'affaire dite de «la cocaïne» (qui a défrayé la chronique en Algérie), poussera son coup de gueule Djamel Azzizi. Et d'ajouter : «Fouilleur nés, n'est pas un film facile. Je remercie la DGSN (Direction générale de la Sûreté nationale algérienne) qui nous a guidés et aidés. C'est une écriture différente, un autre exercice de style.» GUERRE CONTRE LES BARONS DE LA DROGUE Le pitch du film Fouilleurs nés? C'est un tandem de flics algérois. Omar (Mustapha Laribi) et Rachid (Ali Zarif). L'un est jeune et célibataire, aimant consommer les sardines, Rachid, et son collègue, Omar, plus âgé que lui, ayant une famille et une petite fille. Le duo choc découvre un jour un cadavre dans une décharge publique à la périphérie d'Alger, à Oued Smar. Il faut donc identifier le corps. De fil en aiguille et au gré de l'investigation, les deux compères dévoilent une grosse affaire de trafic d'ecstasy. Le cadavre n'est autre que celui d'un pharmacien impliqué dans l'affaire. Ainsi, lors de l'enquête, pour des raisons qu'ils ignorent, ils subiront des pressions pour abandonner l'affaire…On les dirige vers une fausse piste. Celle d'un suicide. Mais en réalité il s'agit d'un meurtre. Un crime maquillé. Leur boss, bien que «ripou», cède au flair de ses «jeunes loups» exerçant leur métier avec un code d'honneur et puis cette fixation, cette hargne pour «coffrer» ces «intouchables», ce vocable est récurrent dans le film. Du coup, ils entrent en guerre contre le trafic de drogue qui mine la ville d'Alger… Mustapha Laribi et Ali Zarif crèvent l'écran Certes Omar (Mustapha Laribi) et Rachid (Ali Zarif) sont les vedettes du film Fouilleurs nés, mais l'acteur principal n'est autre que la ville d'Alger, et surtout cette ode filmique à la pittoresque et «imprenable» Casbah. Avec ses zonards, ses petites gens, ses enfants angéliques, ses pêcheurs, ses «gavroches» en marge et oubliés de la société, ses nantis à l'argent sale, ses planqués vivant d'expédients…C'est un thriller ayant une brillance de par une belle qualité d'image, tantôt crépusculaire, tantôt insulaire, tantôt urbaine, tantôt glauque. Une manière de filmer très brève, fluide et digeste. Lors du tournage les plans-séquences pris sous toutes les coutures sont ouverts par l'assistante Karima, qui est aussi actrice dans le film, sous les auspices de la première assistante marocaine, Fatiha Allam, «œil design» du directeur de la photo, le Canadien Louis Martin …Le jeu d'acteurs de Mustapha Laribi et Ali Zarif se complètent en flics flegmatiques, spartiates, vifs. Cette débrouillardise algérienne. Un jeu crédible. Les deux font la paire! Ahmed Benaïssa, Mohamed Arslane Lerari, eux aussi crèvent l'écran. Par contre, on aurait aimé que le cinéaste «allonge» le rôle ce témoin clé, la jeune fille, campé par Rania Gourari, abordée par l'inspecteur Rachid (Ali Zarif) pour identifier le cadavre sur des photos. Rachid n'était pas insensible à son charme, à chaque fois qu'elle passait devant lui. Des répliques qui font mouche Et puis, ces répliques et autres dialogues qui font mouche. «C'est la suite (de la Bataille d'Alger». «Eux ou nous». «Le film Fouilleurs nés est un regard différent. Sortir du cinéma officiel. Un autre regard sur l'Algérie. Une approche différente. Un polar. Le choix de La Casbah marque le côté pittoresque. Une unité de valeur…», présentera le réalisateur son film. Djamel Azzizi a déjà signé des films comme Message d'Alger, Le blouson vert, Transporteurs de bonheur, Prophète en son pays, Transporteur de rêves, J'ai 50 ans, ou encore Le dernier Safar. Fouilleurs nés est un film actuel (l'affaire de la «cocaïne»), évoquant les ravages et les méfaits de la drogue sur la population jeune, et surtout frais et détonant. Un bon polar algérien.