La présidente du tribunal de Milan, Giulia Turri a énoncé, tard dans la journée de mercredi, les peines infligées aux «intermédiaires algériens et auteurs de blanchiment d'argent». Farid Bedjaoui écope de 5 ans et 5 mois de prison pour «corruption internationale» ; Samir Ourayed et Omar Habour de 4 ans et un mois pour «blanchiment d'argent». Pietro Varone et Pietro Tali (ancien administrateur délégué de Saipem) ont été condamnés chacun à 4 ans et 9 mois de prison, alors que Alessandro Bernini, ancien directeur financier, a écopé de 4 ans et un mois. Saipem devra également payer une petite amende de 400 000 euros et la somme de 197 millions d'euros sera mise sous séquestre du compte de la société. L'issue de ce procès très médiatisé, qui se tient depuis trois ans à la quatrième section pénale du tribunal de Milan, était en quelque sorte prévisible depuis que le principal témoin et grand accusateur des dirigeants du groupe énergétique Eni, P ietro Varone, ancien directeur des opérations de Saipem, avait surpris l'accusation en rétractant presque la totalité de ses précédents aveux. Plus de cinq années d'enquêtes judiciaires et des dizaines de commissions rogatoires internationales n'ont pu aider les juges milanais à remonter complètement la filière de la corruption internationale, qui aurait permis, selon la thèse de l'accusation, à Saipem de décrocher sept contrats d'exploitation d'hydrocarbures en Algérie, pour un montant de 8 milliards d'euros. Les pots-de-vin qui sont passés des caisses de Saipem à ceux de «proches du ministre de l'Energie Chakib Khelil», selon les déclarations de Varone, enregistrées lors d'un incident probatoire en 2014, aurait dépassé les 197 millions d'euros. Seuls 10 millions ont été repérés en Italie, dont 2 millions sur le compte de Varone, d'abord licencié par Saipem, puis arrêté et incarcéré en Italie. L'ancien administrateur délégué d'Eni, Paolo Scaroni (acquitté mercredi) avait été jusqu'à admettre «avoir donné l'ordre de chasser Varone de Saipem, car c'est un voleur». Réunions secrètes Pour se défendre, l'ancien directeur de Saipem a vidé son sac et affirmé avoir appris l'organisation de «réunions secrètes entre Scaroni et Chakib Khelil dans des hôtels de luxe, à Milan, Paris et Vienne». Il avait expliqué que les dirigeants d'Eni étaient informés des pots-de-vis versés à Farid Bedjaoui, considéré comme «l'homme de confiance» de l'ancien ministre de l'Energie, et avait expliqué être au courant que Bédjaoui «versait cet argent à Khelil». Les juges avaient en effet démontré que ces sommes figuraient dans le bilan financier de Saipem approuvé par Eni. Mais en septembre 2017, un coup de théâtre est venu démolir la procédure accusatoire (Voir El Watan du 5 octobre 2017). Le procureur Isidoro Palma, en interrogeant, durant l'audience du procès, s'est trouvé face à une personne qui invoque des «trous de mémoire» et des «pressions subies» de la part de ses anciens avocats, pour infirmer tout ce qu'il avait affirmé durant la phase de l'instruction de l'enquête. Varone a rétracté ses déclarations concernant le rôle de Bedjaoui expliquant que ce dernier était «un précieux consultant» et que Saipem «n'avait pas besoin de graisser des pattes en Algérie puisque ses offres étaient avantageuses pour Sonatrach car les moins onéreuses». A l'annonce de l'acquittement d'Eni et de Scaroni, ce dernier a déclaré : «Je suis content et je dois dire que j'ai toujours été serein et confiant dans le travail des juges.» Il peut retourner à sa vie tranquille de président du club de football AC Milan. Son ancien accusateur, Varone, quant à lui, coule désormais des jours heureux à Dubaï où des «amis bien intentionnés» lui ont trouvé un boulot dans une société koweitienne qui l'a nommé consultant en énergie..