L'accord Opep – Non-Opep spectaculaire d'Alger de septembre 2016, qui a réussi à mettre fin à la dégradation des cours du brut est mort. Son rôle dans la conjoncture pétrolière est terminé. Il a produit son effet en réduisant la production des pays producteurs, à un moment où les déficits budgétaires des principaux exportateurs devenaient dangereux. Les stocks mondiaux se sont progressivement réduits tout au long de l'année 2017 et les cours ont amorcé une remontée soutenue à partir du 2e semestre de l'année dernière. Les cours du brent, aujourd'hui supérieurs à 77 dollars le baril, ne sont jamais redescendus sous les 70 dollars depuis mars 2018. Pour autant, la réunion informelle OPEP-Non OPEP, qui s'est tenue à Alger ce week-end, pouvait-elle se permettre le luxe de laisser filer une nouvelle guerre des parts de marché, synonymes de chute des prix ? Elle n'en avait pas besoin. Les sanctions américaines contre l'Iran et le Venezuela ont fonctionné comme un combustible, de fait, pour maintenir des prix fermes. Le relâchement d'abord de la discipline de limitation de la production chez les pays membres, puis son abandon formalisé par l'OPEP en juin dernier, n'a pas infléchi le cours du marché depuis près d'un semestre. De 2 à 3 millions de barils jour assurés par l'Iran et le Venezuela vont potentiellement manquer au marché à cause du zèle idéologique de Trump. Ils seront compensés en bonne partie par les gros producteurs, l'Arabie Saoudite et la Russie. La part de l'Iran ainsi dépecée au profit direct de ses voisins et adversaires géopolitiques, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, ouvre une brèche béante dans le cartel largement fragilisé par la montée en puissance de la production des huiles non conventionnelles aux Etats Unis, ajoutée à celle des pays producteurs non-OPEP. Les injonctions de Donald Trump, intimant sur Tweeter l'ordre à l'Organisation de baisser le prix du pétrole, ressemblent dans un tel contexte à une opération de politique intérieure. S'il existe pour les économies avancées – Etats Unis compris – un risque de retour des pressions inflationnistes à cause de l'énergie carbonée, Donald Trump en porte la principale responsabilité. L'intérêt dominant au sein du réseau OPEP -Non-Opep n'est bien sûr pas d'obtempérer à Trump. Le ministre saoudien de l'Energie, Khaled Al Falah, a indiqué déjà à deux reprises que le prix optimal pour le pétrole était de 70 dollars. Un prix d'équilibre qui réduit les déficits des pays producteurs dopés pendant 10 ans par des recettes budgétaires colossales brutalement fondues et qui ne donne pas de primes décisives aux énergies concurrentes au pétrole, le pétrole de schiste en premier, mais aussi, et de plus en plus l'électricité, utilisée dans les transports. Si le brent se stabilise de quelques dollars au dessus des 70 dollars ciblés, les Saoudiens ne s'en plaideront jamais. Leurs besoins de financement des dépenses publiques sont restés et importants, et Riyad, engagé en plus dans un effort de guerre au Yémen, va boucler en 2018 une cinquième année consécutive de déficit budgétaire. L'heure est donc objectivement au statu quo du côté de l'offre pétrolière. La conjoncture convient aux principaux producteurs. Et si elle devait se tendre dans un sens haussier, ils peuvent revendiquer, grâce au bellicisme de Donald Trump, qu'ils n'en sont pas responsables. Exactement l'inverse d'il y a deux années, lorsque les prix du brut qui était passé quelques jours durant l'année 2016 sous les 30 dollars exigeait une réaction pour réduire la surproduction. Le statu quo, appelé officiellement «stabilité» que propose la réunion d'Alger à l'offre pétrolière mondiale, et donc au marché du brut, ne convient pas au gouvernement algérien. L'explication en est simple. L'Algérie n'a pas rompu avec les budgets de l'époque d'avant 2014, lorsque le pétrole était à 110 dollars en moyenne. Une faille système dans le pilotage des politiques publiques face au contre–choc pétrolier. En dinars constants, le dernier budget esquissé en période de vaches grasses, celui de la PLF pour 2014 (le décrochage des cours venait juste de survenir en juin), proposait un budget de 7600 Mds de dinars. En dinars non déflatés de la dévaluation, le budget de 2018 est supérieur, avec 8 628 Mds de dinars. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) a pallié sur deux ans et demi la perpétuation de ce niveau de dépenses totalement anachronique avant de disparaître début 2017, les réserves de change divisées par deux en 3 ans, sont sur le même itinéraire de l'extinction. A 75 dollars le baril en moyenne annuelle, le déficit se perpétue. La partie dinars est désormais prise en charge par la planche à billets. La partie devises continuera de baisser d'environ 10 milliards de dollars par an à ce niveau des dépenses publiques et des importations qui leur sont souvent liées. Le rêve d'un redressement des cours jusqu'au proche voisinage des 100 dollars le baril n'a jamais cessé d'être secrètement caressé dans le sérail à Alger. Pour alimenter cette «prospection», une tendance historique au renchérissement des coûts d'extraction, les gisements nouveaux étant de plus en plus difficiles d'accès, ce qui accentuera rareté et prime aux gisements historiques performants pour ce qui leur restera d'années d'exploitation. Le problème est que cette prospective ne peut fonctionner –sous certaines conditions non maîtrisées– qu'au- delà de 2025. Dans l'intervalle, les prix pétroliers devraient rester dans le ventre mou d'un marché à la lisière d'être excédentaire aussitôt que ces prix deviennent rémunérateurs pour la moyenne des producteurs. En conséquence, la réunion d'Alger qui a donné il y a deux ans une bouée de secours aux finances publiques n'a fait qu'entretenir l'illusion que le changement de politique économique pouvait être évité durablement. La vérité est bien sûr qu'il ne l'est pas. L'Algérie a engrangé régulièrement plus de 60 milliards de dollars de revenus énergétiques par an entre 2006 et 2013 –à l'exception de 2009. Le gouvernement s'est habitué à se tailler un budget XXL, à la dimension de sa nouvelle fiscalité pétrolière de riches. Cette période s'est terminée en 2014 sans que le gouvernement accepte l'idée de redimensionner ses dépenses, notamment celles de fonctionnement. Le pétrole à 70 dollars le baril, que visent Riyad et Moscou, dans la durée, est déjà appréciable, compte tenu des gesticulations inquiétantes de Donald Trump en faveur d'un pétrole à plus bas prix. Il faudra bien commencer à repenser l'avenir algérien avec un budget à la taille compatible avec ses revenus. Cela s'appelle du moyen long-terme et le projet déraisonnable d'un cinquième mandat de Bouteflika n'obéit, lui, qu'au court terme électoral.