Classé bien culturel protégé en 2016, le site archéologique Rusubiakri de Zemmouri El Bahri, à 12 km à l'est de Boumerdès, a subi des actes de saccage avant-hier par des inconnus. Ces actes de pillage interviennent quelques jours seulement après la reprise des travaux de fouille entrepris sur place par une équipe de chercheurs et d'étudiants de l'université d'Alger 2. «On y a découvert des pièces de céramique et d'autres objets de grande valeur, dont certaines remontent à l'an 10 de l'ère chrétienne. On y a fait des travaux de dallage, mais ceux-ci ont été détruits volontairement par des mains qui, visiblement, n'ont aucune considération pour le patrimoine et l'histoire», regrette le professeur Aïcha Hannafi, qui participe aux travaux d'exploration du site. Selon elle, ce dernier fut un port de tocs très important à l'époque médiévale, ajoutant y avoir déterré des objets témoignant de phases historiques et civilisationnelles romaines et islamiques. Malgré les vestiges qu'il recèle, ce site qui s'étale sur 6 ha est relégué aux oubliettes depuis sa découverte en 2007. «Ce site représente un fragment de notre histoire, d'où la nécessité de le préserver pour en faire un musée à ciel ouvert et le faire visiter aux touristes. A l'époque romaine, il s'appelait Rusubikari et fut un important comptoir de négoce à l'époque des Phéniciens en raison de sa prospérité. Au XXe siècle, Ibn Haouqal raconte la dimension et l'importance de ce pôle économique qui portait le nom de Port-aux-Poules (Mers El Hadjadj)», précise Rabah Belabès, membre de l'association locale Souagui, de la préservation du patrimoine. Les chercheurs dépêchés sur les lieux depuis une semaine déplorent l'absence de clôture et de gardiens devant y assurer la sécurité contre d'éventuels actes de pillage. «Les autorités doivent remédier à ce problème dans les plus brefs délais, sinon tout ce que nous entreprenons en termes de recherche sera vain. La loi stipule qu'un site classé doit être protégé. Et l'affectation d'un gardien et une clôture seraient la moindre des choses qu'on puisse faire dans cette optique», a-t-elle estimé avant de se plaindre des mauvaises conditions de travail. «La fouille se fait avec des moyens rudimentaires. Et on n'a eu droit qu'à deux chapiteaux. Ce qui contraint nos étudiants à se mettre à l'abri du soleil à tour de rôle», se plaint-elle. Passionné d'histoire ancienne, le vice-président de l'APW de Boumerdès, Ibaouni Hamoud, incombe la responsabilité de la protection du site au ministère de la Culture et à l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels (OGEBC). Cet élu, qui a œuvré pour faciliter la mission des chercheurs, parle de nombreux autres sites archéologiques à travers la wilaya qui sont livrés à l'abandon. Il cite le cas du mausolée de Bey Ben Ali dit Edebbah (l'égorgeur), qui remonte au VIIe siècle, dont il ne subsiste que quelques pierres, à cause de l'absence de clôture et d'entretien. Autre exemple, le site archéologique de Si Mustapha, où a régné le roi amazigh Firmus, se trouve lui aussi dans un état déplorable faute de classement et de protection.