L'histoire est celle de tous les colonisés de l'Algérie mais surtout de Maïssa Bey qui se fait fort de retracer l'histoire personnelle, celle de son père mort en 1957. Madame Lafrance, titre évocateur de la pièce jouée au CCF d'Alger, est ce mot qui revient dans la bouche des Chibani et des personnes émigrées de la première génération, celle qui a le plus souffert de l'éloignement du pays déchiré par des années de colonisation. Mais la France était ce pays qui a colonisé et voudrait « démonter » la personnalité du pays. Maïssa Bey, l'auteure, n'a que huit ans quand son père meurt sous les tortures de soldats français en 1957, elle fut enfant durant la guerre, et le personnage mis en avant dans la pièce peut être elle ou ses semblables. Maïssa Bey n'apporte pas d'explications ou d'arguments « massues » sur l'histoire, ses bienfaits ou les haines qui en sont les conséquences, mais fait un travail de fiction, a-t-elle insisté. Manque d'engagement ou de courage ? Nullement. « Maïssa nous fera découvrir la petitesse des grands avec l'ironie, l'humour et l'innocence des petits. Il était une fois… ou l'histoire réécrite comme une histoire », s'efforce-t-on de nous dire. Le thème revient toujours au-devant de la scène politique nationale des pays des deux rives de la Méditerranée. Madame Lafrance, c'est l'histoire de la force d'un pays qui vient coloniser un certain 14 juin 1830 les « terres barbaresques » et qui repart quelque 132 ans plus tard sans pour autant « oublier » de les façonner. Venues par vagues successives, des familles quittent l'Algérie sous le regard désabusé de l'enfant. L'enfant marche dans les rues du village, partout, partout, la mort a laissé son empreinte. L'enfant court, l'enfant retourne aux champs, il se cache au milieu des herbes. Rouge, rouge, le sang des coquelicots. Jaune, or des jonquilles... Ces instants sont repris dans un texte dont la forme est fortement poétique. Le texte de la pièce a été créé sous le titre de Madame Lafrance, au théâtre Nouveaux relax de Chaumont, en février 2008. Une adaptation et mise en scène a été faite par Jean-Marie Lejude avec pour comédiens, Fatima Aïbout et Lahcen Razzougui. Eric Proud est placé à l'accordéon.