Washington se dit déterminé pour empêcher «l'Europe ou qui que ce soit d'autre» à contourner les sanctions prônées contre l'Iran. Les Etats-Unis ont répliqué par des menaces au projet européen d'instaurer un système de troc avec l'Iran pour contourner les sanctions américaines. «Nous n'allons pas permettre que nos sanctions soient contournées par l'Europe ou qui que ce soit d'autre», a averti mardi le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo à l'annonce européenne. Mike Pompeo a promis de suivre de près l'affaire tout en relevant le fait que «pour l'heure, cette entité n'existe pas et qu'aucune échéance n'est même annoncée pour sa création». Et d'observer : «L'Union européenne est forte en rhétorique mais faible en travaux de suivi.» Lundi, la cheffe de la diplomatie de l'UE, Federica Mogherini, a annoncé la création de l'«entité légale» ou «véhicule spécial», Special Purpose Vehicle (SPV), selon l'acronyme anglais, qui fonctionnera comme une Bourse d'échanges, pour permettre à l'Iran de continuer à vendre du pétrole. L'accord sur le nucléaire iranien de juillet 2015 est censé empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique. En échange, Téhéran bénéficiera d'une levée par étapes des sanctions qui l'étranglent. Mais en se retirant de l'accord en mai, Donald Trump a rétabli une série de sanctions lourdes de conséquences pour l'économie iranienne et les entreprises étrangères commerçant avec la République islamique si elles opèrent en dollars ou ont des intérêts aux Etats-Unis. Le 4 novembre, une nouvelle vague de sanctions frappera les exportations du pétrole iranien et les opérations bancaires avec ce pays. Le président français, Emmanuel Macron, a reconnu que l'initiative européenne ne comblera pas l'impact des sanctions américaines sur l'économie iranienne. «Ils ne permettront pas de corriger ou faire changer les décisions de certains grands groupes européens ou internationaux qui sont très exposés aux Etats-Unis», a-t-il affirmé. Sachant que nombre de grands groupes, à l'exemple de Total, Daimler, ont cessé toute activité avec l'Iran par craintes de représailles américaines. Visions inconciliables En préservant un minimum de dividendes au profit de la République islamique, les Européens espèrent convaincre Téhéran de rester dans l'accord nucléaire. Ils s'inquiètent aussi d'un affaiblissement du président iranien, Hassan Rohani, face à ses adversaires, vu qu'il n'a pas tiré jusque-là les bénéfices attendus du traité de juillet. «Si les fronts se durcissent, rien n'ira mieux, rien ne sera plus simple, tout deviendra plus difficile et plus dangereux. Ce chemin conduirait à une impasse et mènerait au danger d'une escalade régionale», a averti le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas. Pour Donald Trump, il est impérieux d'exercer une pression maximale sur l'Iran pour le convaincre de négocier un accord plus draconien, limitant aussi ses activités balistiques. «Nous ne pouvons pas permettre au principal soutien du terrorisme dans le monde de posséder les armes les plus dangereuses de la planète» ou de «menacer l'Amérique» ou Israël, a-t-il soutenu, mardi appelant «toutes les nations» à isoler le régime iranien. De son côté, le président Rohani a accusé Washington de chercher à le «renverser» par le biais des sanctions qu'il qualifie de «terrorisme économique». Le même jour, Emmanuel Macron a évoqué dans son discours la «loi du plus fort» sans pour autant citer Donald Trump. «Certains ont choisi la loi du plus fort. Mais elle ne protège aucun peuple. Nous choisissons une autre voie : le multilatéralisme», a indiqué le président français. «Nous savons que l'Iran était sur la voie du nucléaire militaire, mais qu'est-ce qui l'a stoppé ? L'accord de Vienne de 2015», a-t-il ajouté. Au lieu de renforcer les sanctions, Paris propose de dialoguer avec Téhéran sur un agenda plus large permettant de traiter toutes les préoccupations nucléaires, balistiques et régionales liées à la République islamique.