Le silence de la présidence de la République adopté face à cette crise, malgré les sollicitations pressantes de Bouhadja à l'adresse du chef de l'Etat pour trancher le conflit, alors que cela ne relève pas de ses prérogatives, a mis, d'une certaine manière, dos à dos les protagonistes. Il ne fait plus aucun doute que la fin du président de l'Apn, Saïd Bouhadja, est désormais très proche. Ahmed Ouyahia, qui s'exprimait samedi lors de la rencontre avec les militantes de son parti non seulement en tant que patron du Rnd mais en tant que Premier ministre et porte-parole non déclaré de la présidence de la République, a remis les pendules à l'heure en arbitrant en faveur des contestataires de Bouhadja qui l'appellent à démissionner. A un certain moment du conflit, le doute s'était installé dans les esprits sur la direction du vent et les rapports de forces en présence qui conditionnent habituellement les positionnements dans les luttes du sérail. Le silence de la présidence de la République adopté face à cette crise, malgré les sollicitations pressantes de Bouhadja à l'adresse du chef de l'Etat pour trancher le conflit, alors que cela ne relève pas de ses prérogatives, a mis, d'une certaine manière, dos à dos les protagonistes. Avec un avantage naturel pour le camp des redresseurs forts de leur position de majorité présidentielle. Les quelques soutiens épars apportés au président de l'Apn par des cadres du parti, à l'instar de Abdelaziz Ziari, ancien ministre et ancien président de l'Apn, par des militants de la mouhafadha Fln de Tizi Ouzou qui se sont aussitôt rebiffés, par des militants de son fief à Skikda qui ont organisé un rassemblement, confortés par l'entrée en scène de l'Organisation nationale des moudjahidine ont fait penser, un moment, qu'il y avait de l'eau dans le gaz. Et que l'expédition punitive contre Bouhadja était loin d'être une simple sortie de bivouac. Le coup de sommation d'Ouyahia assurant qu'il n'y aura pas de dissolution de l'Apn et que l'issue de la crise ne peut passer que par le départ de Bouhadja avec lequel la majorité parlementaire ne veut plus travailler ont sans doute refroidi les ardeurs dans le camp de Bouhadja et de ses alliés, qui lui ont apporté leur soutien publiquement ou dans des discussions de salon. La preuve que la messe a été dite ailleurs est qu'Ouyahia ne se serait certainement jamais empressé d'enfiler le costume du président de la République s'il n'avait pas été instruit pour s'exprimer, avec la solennité du moment, sur des sujets et des domaines réservés au chef de l'Etat. Ouyahia n'ignore pas que c'est au président de la République et à lui seul qu'échoit la prérogative de se prononcer sur le sort de l'Apn face à la crise qui secoue cette institution. Maintenant que l'on est fixé sur le verdict annoncé dans ce bras de fer, à travers les messages en clair délivrés par Ouyahia lors de sa conférence de presse, pressant Bouhadja à démissionner, il reste que l'énigme de la contestation subite de Bouhadja par ses pairs demeure entière. L'épisode du limogeage du secrétaire général de l'Apn n'est que la partie visible de l'iceberg. On parle déjà dans les coulisses de l'Assemblée de dilapidation des deniers publics qui aurait donné lieu au lancement d'un audit sur la gestion de Bouhadja. Selon toute vraisemblance, c'est sur ce levier administratif et pénal que les adversaires de Bouhadja comptent s'appuyer pour pousser leur président à la démission et donner une légalité à leur action de désobéissance. Certaines indiscrétions parlent même de forces extra-parlementaires composées d'anciens du Fln en rupture de ban avec la direction du parti, qui auraient pris sous leur aile le président de l'Apn en prévision de l'élection présidentielle d'avril prochain. Bouhadja est suspecté de jouer un double jeu. Au début de la crise, Bouhadja avait marqué des points dans la bataille de l'opinion en se présentant comme une victime expiatoire de l'affairisme et le gardien vigilant de la légalité constitutionnelle. Il a commencé à creuser sa tombe dès lors qu'il a impliqué le président de la République dans ce contentieux en reconnaissant publiquement qu'il n'est comptable que devant le chef de l'Etat qui l'a choisi à ce poste. Cette maladresse politique n'a certainement pas été appréciée par la présidence de la République, mise à mal par ce témoignage accablant du 3e homme de l'Etat sur la confusion des pouvoirs dans le pays. De bourde en bourde, sur des conseils avisés ou sous la pression des événements auxquels il n'est pas habitué, lui qui est réputé être une force tranquille, un militant plus qu'un homme politique d'envergure, Bouhadja s'est mis dans une posture suicidaire. Il vient de signer définitivement son arrêt de mort en parlant de la vacance de la présidence de la République, poussant le bouchon jusqu'à faire le lien avec les déclarations de Bajolet, l'ancien ambassadeur de France à Alger.