Campant sur sa décision de ne pas démissionner, Saïd Bouhadja, président de l'APN, répond à l'ultimatum du secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, le sommant de quitter son poste sous peine de lui retirer la couverture politique. «Il fait une confusion criante entre les activités partisanes et les activités parlementaires. A l'Assemblée, je suis le président de tous les partis qui la composent, et non pas du FLN», lui dit-il. Samedi dernier, le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, avait menacé le président de l'Assemblée populaire nationale, Saïd Bouhadja, de lui retirer sa couverture politique (FLN), s'il ne démissionnait pas dans un délai de 48 heures. La déclaration a fait tache d'huile et les plus initiés se demandent comment un chef de parti, fût-il de la majorité parlementaire, peut-il exiger publiquement du 3e homme de l'Etat de quitter son poste. La réaction de Saïd Bouhadja ne s'est pas faite attendre. Cela fait presque deux semaines que la crise qui l'oppose aux chefs des groupes parlementaires de l'alliance présidentielle perdure. Ils veulent le débarquer de son poste. D'emblée, il déclare : «Je suis un ancien moudjahid, très vieux militant et ancien mouhafedh (commissaire du parti, ndlr). J'ai assumé plusieurs responsabilités au sein des mouhafadhate aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest, tout comme j'ai été un membre du bureau politique à plusieurs reprises, et présidé la commission de discipline aussi bien sous le parti unique qu'après. C'est pour vous dire que je connais très bien ces activités partisanes. Elles sont régies par le statut général du parti, alors que les activités parlementaires sont régies par la Constitution, la loi-cadre et le règlement intérieur de l'Assemblée. Il n'y a aucune relation entre les deux. Comment Ould Abbès peut-il parler de sanction à mon égard, alors que la mise de fin de fonction du secrétaire général de l'Assemblée est un acte qui concerne le Parlement et nullement l'activité partisane. Il fait une grave confusion entre le Parlement et le parti. Au Parlement, je suis président de tous les partis qui le composent et non pas du FLN seulement.» Bien à l'aise, toujours convaincu de sa mission et refusant toute idée de démission «sous la menace et la pression», il affirme que le secrétaire général du FLN «a fait preuve d'une méconnaissance totale des lois et des règlements. C'est sur son instruction que des députés veulent, à travers un mouvement illégal, créer un vide institutionnel». Sur la question de l'implication de la Présidence dans cette crise, Bouhadja précise : «Le Premier ministre avait déclaré que la Présidence n'avait aucun lien avec la crise. Or, lorsque j'avais mis fin aux fonctions du secrétaire général de l'Assemblée, le ministre, qui était venu me voir avec les députés FLN et RND, m'avait dit clairement qu'il était porteur d'un message de la Présidence me demandant de démissionner. Cependant, ce message je ne l'ai jamais vu. S'il y a une partie qui a impliqué la Présidence dans cette crise, ce n'est certainement pas moi.» Revenant sur l'ultimatum d'Ould Abbès et les menaces de lui retirer la couverture politique, Bouhadja laisse apparaître un large sourire avant de lancer : «Il n'y a qu'une seule raison qui peut justifier le retrait de la couverture politique. C'est la haute trahison. Sommes-nous dans ce cas ? J'ai agi dans le cadre de mes prérogatives en tant que président de l'Assemblée où siègent de nombreux partis. Cela ne concerne nullement le parti auquel j'appartiens. Cet acte relève des activités parlementaires et non pas partisanes.» Pour Bouhadja, ses actes de gestion sont «irréprochables», et les griefs retenus contre lui par les chefs des groupes parlementaires de l'alliance présidentielle «relèvent de l'affabulation». Il explique : «Ce matin, j'ai tenu une réunion d'évaluation avec les cadres de l'administration de l'Assemblée. Tous les rapports sur la gestion des différentes structures font état d'un fonctionnement en total respect avec la réglementation. J'ai assaini toutes les dettes cumulées depuis deux décennies, et passé en revue tous les marchés et toutes les dépenses de l'Assemblée. En une année et huit mois, j'ai réussi à équilibrer le budget, malgré les restrictions et mis un terme à la gestion anarchique qui régnait.» Bouhadja nous renvoie au communiqué publié (hier) par l'Assemblée qui énonce : «En présentant leurs conclusions documentées, les administrateurs ont rejeté les accusations, sauf dans certains cas hors contexte. Dans son allocution, le président a expliqué que les récentes questions de contrôle administratif n'avaient pas été posées lors des réunions du bureau de l'Assemblée, en notant les différentes orientations et instructions adressées à l'administration, insistant sur le respect de l'application de la loi et des procédures de gestion financière et le contrôle.» En clair, pour le président de l'Assemblée, ce communiqué est une sorte de quitus de l'Exécutif administratif et financier qui «prouve que les griefs retenus par les protestataires ne reposent sur aucune vérité. Mieux encore. Les mêmes députés à l'origine de la crise, qui siègent dans les commissions de marché et au bureau de l'Assemblée, n'ont, depuis mon plébiscite à la tête de l'APN, jamais évoqué ces soi-disant problèmes de gestion ou des revendications portées sur la motion de retrait de confiance et de gel des activités parlementaires». Mais, même s'il campe sur sa décision de rester à la tête de l'Assemblée, il se dit «prêt à toute initiative de concertation et de dialogue». «Je reçois de nombreux députés, y compris ceux dont les noms ont été portés sur la pétition à leur insu. Je leur dis que l'avenir de Bouhadja est derrière lui. J'ai plus de 80 ans, je n'attends rien. J'ai des principes sur lesquels je ne recule pas. Je ne démissionne pas sous la menace. C'est un principe. Je quitterai mon poste lorsque je serai convaincu de la nécessité de le faire, après avoir démontré que les griefs retenus contre moi sont fallacieux. Mes portes sont ouvertes à tous», conclut Bouhadja, avant de recevoir un groupe de députés. Les va-et-vient dans son bureau du 5e étage n'en finissent pas. Le gel des activités parlementaires n'a pas empêché la vie au sein de l'hémicycle, où les députés aussi bien de l'opposition que de l'alliance présidentielle se retrouvent. Mieux encore. Et alors que les chefs de groupes parlementaires du FLN et du RNd ont pris la décision de geler les activités parlementaires diplomatiques, deux députés, Mohamed Guiji (RND) et Lakhdar Benaoum (FLN), se sont envolés hier en direction de Strasbourg, pour prendre part aux travaux de la 4e session, pour l'année 2018, de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Doit-on comprendre que les missions à l'étranger ne font pas partie des activités parlementaires diplomatiques ? La question reste posée. En tout état de cause, cette crise aura certainement des conséquences sur les rapports de force au sein du sérail. Elle restera dans l'histoire parce qu'elle démontre à quel point les institutions de l'Etat sont vulnérables et à quel point la séparation des pouvoirs est théorique…