La pression s'accentue sur le président de l'Assemblée populaire nationale, Saïd Bouhadja, mais l'homme refuse toujours de céder, du moins jusqu'à hier mercredi. Objet d'une contestation sans précédent, englobant les députés de l'ensemble des partis de l'Alliance présidentielle, du groupe des indépendants ainsi que ceux issus de vingt-cinq petits partis alliés au FLN, Bouhadja campe sur ses positions, poursuit la partie de bras de fer engagée depuis plus d'une semaine contre la présidence créant, de fait, une situation inédite dans les annales ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire, rappelons que c'est sur instruction d'El Mouradia, à savoir Abdelaziz Bouteflika en personne, que les partis de l'Alliance présidentielle ont engagé, depuis le mercredi 26 septembre dernier, le processus devant aboutir, à terme, à le destitution de l'actuel président de l'APN. Le coup de starter sera donné par le parti majoritaire, le FLN, que préside, il est utile de le rappeler ici, Abdelaziz Bouteflika. Le secrétaire général du parti , Djamel Ould-Abbès réunissait, ce jour là, le groupe parlementaire du FLN, le plus important à l'Assemblée, en présence des membres du bureau politique, dont l'actuel ministre des Relations avec le parlement, Mahdjoub Bedda. «Les décisions du président de la République sont indiscutables et non négociables (…) le président de la République est une ligne rouge que nul n'a le droit de franchir», disait, en substance, Djamel Ould-Abbès. En fait, il faisait allusion au refus de Saïd Bouhadja de réhabiliter le secrétaire général de l'Assemblée limogé, comme demandé par la présidence de la République. Un secrétaire général militant du FLN et qui, par ailleurs, fait l'objet du soutien des députés. Les choses s'accélèreront à partir d'aujourd'hui, au cours d'une rencontre, au palais du gouvernement entre Ould- Abbès et son homologue du RND et Premier ministre Ahmed Ouyahia. Une motion sera ainsi préparée et signée par l'ensemble des députés du FLN, du RND, du MPA, de TAJ et du groupe des indépendants appelant Bouhadja à déposer sa démission. Les signataires de la motion n'omettront pas de joindre à cette demande de démission, la menace qu'au cas ou cela n'advenait pas, ils allaient procéder au gel de toutes les structures et des activités de l'Assemblée. Lundi dernier, Bouhadja recevait les présidents des cinq groupes parlementaires qui le contestent et qui lui remettront officiellement la motion en question. «J'ai déjà saisi le président Bouteflika pour l'informer que j'ai été démissionné !», dira Bouhadja à ses interlocuteurs. Publiquement, et à travers plusieurs déclarations médiatiques, le président de l'APN ne cessera de répéter qu'il n'allait pas démissionner «si le Président en personne ne me le demande pas». Il attendait, et il attend toujours en fait, une réponse officielle à son courrier adressé à la présidence. Or, la «réponse» en question lui parviendra à travers le ministère des Affaires étrangères qui, mardi dernier, procédait à l'annulation de toutes les audiences diplomatiques programmées par Bouhadja ! Cette implication du ministère des Affaires étrangères est en réalité un message on ne peut plus clair de la part de la présidence de la République. Un lâchage en règle de l'actuel président de l'APN. Comme nous l'annoncions dans nos précédentes éditions, Bouhadja aurait confié à quelques-uns de ses visiteurs, qu'il attendrait jusqu'à jeudi aujourd'hui, ndlr) la réponse présidentielle. «Si je ne l'obtiens pas d'ici là, je déposerai ma démission», affirmera-t-il. Face à cette situation de statu quo, les partis de l'Alliance lanceront une nouvelle attaque, ce mercredi, en vue de pousser Bouhadja à céder. C'était à travers les structures clés de la Chambre basse. Successivement, en effet, le bureau de l'Assemblée puis l'instance de coordination de cette même Assemblée se réunissaient pour prononcer, officiellement, le gel de toutes les activités de l'APN ! A préciser que le bureau de l'APN est composé des viceprésidents (en plus du président). Huit sur neuf vice-présidents ont pris part à la réunion d'hier. Quant à l'instance de coordination, elle est composée, outre des vice-présidents, des chefs des groupes parlementaires et des présidents des commissions permanentes. Autant dire que, désormais, l'Assemblée est complètement paralysée ! Combien de temps Bouhadja pourra-t-il résister dans cette épreuve de force ? «Pas pour longtemps !», affirme une source proche de la présidence. Quoi qu'il en soit, l'encore président de l'Assemblée se voit déjà attirer quelques sympathies de la part de certains partis de l'opposition, mais pas seulement ! Hier mercredi, c'est l'Organisation nationale des moudjahidine, l'ONM qui surprendra par un communiqué soutenant Bouhadja en sa qualité d'ancien moudjahid. Signé par Ali Boughezala, au nom du secrétariat national, le communiqué précisera que l'ONM «qui suit avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe au niveau de la Chambre basse du Parlement à la stabilité à laquelle elle tient (…) estime que le dialogue reste la seule voie à même de faire triompher l'intérêt de la nation et de barrer la route à tous ceux qui tentent de porter atteinte aux acquis du peuple algérien (…)». L'ONM, qui rappelle son soutien à Bouteflika appelle, par ailleurs, «l'ensemble des forces de la nation à (…) œuvrer à la stabilité institutionnelle, à préserver les constantes de la Révolution du 1er Novembre 1954 et défendre la Constitution et les lois de la République». Aussi, l'ONM tenait-elle à «les tentatives de certaines parties visant à porter atteinte à nos moudjahidine et à souiller leur passé honorable» qu'elle qualifie de «grave précédent». Le communiqué de l'ONM ne va, certes, pas changer le cours des choses dans cette affaire, mais constitue, en revanche, un soutien moral de taille, pour Saïd Bouhadja. K. A.