L'opposition parlementaire a opté pour le boycott de la cérémonie d'investiture du nouveau président de l'APN, Mouad Bouchareb, et le vote du rapport de la commission des affaires juridiques de l'APN relatif à la constatation de la vacance du poste de président de la Chambre basse du Parlement. Les 14 députés du FFS, les 9 du RCD les 11 du PT, les 34 parlementaires du MSP, les 14 du Front El Moustakbal, les 15 de l'alliance Adala-Ennahda, le député du mouvement El Islah ainsi que les 6 de l'ANR ont déserté hier l'hémicycle Zirout Youcef, pour ne pas cautionner ce qu'ils qualifient de «coup de force» et «coup d'Etat». Pendant ce temps, les députés des formations politiques du FLN, RND, MPA, TAJ, El Karama ainsi que les indépendants étaient tous là. Tous, à l'exception d'un député indépendant, en l'occurrence Belkacem Ben Belkacem, ont dit «oui» au rapport de la commission des affaires juridiques de l'APN relatif à la constatation de la vacance du poste de président de l'Assemblée et ont plébiscité Mouad Bouchareb comme troisième homme de l'Etat. L'opposition a dénoncé les conditions dans lesquelles s'est tenue cette élection. Pour les parlementaires du RCD, l'élection de Bouchareb comme deuxième président consacre une Assemblée «bicéphale», et c'est sur instruction de l'Exécutif que des députés agissant «en usurpation» de la qualité de bureau de l'APN ont convoqué, selon les députés du RCD, une séance plénière, en violation de l'article 55 du règlement intérieur de l'Assemblée, pour valider un coup d'Etat contre l'institution législative. «En effet, cette disposition prévoit un délai minimum de sept jours pour la convocation de toute séance plénière», précisent les députés de cette formation politique qui dénoncent, en outre, l'absence de quorum lors de ce conclave qui a fait office de plénière. Les députés du RCD accusent des agents de la police politique et des renseignements généraux d'avoir encadré, au su et au vu de tous, ce coup de force. «Ainsi, l'Algérie vient de rejoindre le cercle très fermé des régimes absolutistes. L'instrumentalisation des services de sécurité dans cette opération est un fait confirmé, par ailleurs, par le retrait de la garde rapprochée au président légal de l'APN, bien avant l'exécution du putsch», confient les élus du RCD. Ces derniers, ayant refusé de cautionner cette forfaiture, renouvellent leur appel à l'ensemble des députés opposés au coup de force pour engager une concertation en vue d'entreprendre des actions communes dans le sens de la légalité constitutionnelle. Par action commune, il s'agit soit d'une démission collective de l'opposition ou alors du gel de l'ensemble des activités et, pourquoi pas, un appel à la dissolution de l'Assemblée. Vers une action commune de l'opposition ! Lakhdar Benkhalef, qui espère l'intervention du président Bouteflika, affirme que les députés vont revenir vers leurs partis respectifs pour trancher cette question. «L'option de dissolution de l'Assemblée ou d'une démission collective n'est pas à écarter. Il demeure que chaque parti a sa propre vision et sa propre position, donc il faut attendre les prochains jours pour connaître l'évolution de la situation», note Benkhalef. D'ores et déjà, le MSP a affiché son opposition à l'idée de se retirer du Parlement. Rappelons que FFS, le PT, le RCD, le MSP n'ont pas voté en faveur de Bouhadja et donc logiquement ne voteront pas pour son successeur. «C'est une position constante du parti», soulignent les représentants de ces partis. Pour sa part, le député indépendant ayant voté contre le rapport de la commission juridique et s'est abstenu pour l'élection de Bouchareb explique son geste. Pour lui, il s'agit là d'une position de principe. Ben Belkacem ne soutient pas Bouhadja et reproche à ses adversaires le recours à la fermeture avec une chaîne de fer et un cadenas les portes d'une haute institution de l'Etat. «C'est une action condamnable, les députés n'avaient pas à recourir à ce genre de procédé. J'ai voté non pour cette vacance par principe, parce que nous, les députés du peuple, on a commis une erreur. Le fait de fermer avec une chaîne de fer et un cadenas la porte d'une haute institution de l'Etat, j'ai dit non à cette manière de faire», affirme Ben Belkacem. Ce dernier pense que la crise qui secoue l'APN est plus d'ordre politique qu'organique et que Bouhadja a commis lui aussi une erreur en se référant au règlement intérieur, tout en occultant la dimension politique du problème. «Bouhadja a été élu par la majorité, celle-ci a décidé de lui retirer sa confiance. Bouhadja aurait dû remettre son mandat et sortir par la grande porte. Je suis allé le voir et je lui ai proposé de convoquer une plénière et d'affronter ses pairs, il a refusé», souligne Ben Belkacem, précisant que Bouhadja a mis dans la gêne la Présidence, lorsqu'il a parlé du coup de fil du Président. «Il n'avait pas à évoquer un soutien du pouvoir exécutif, alors qu'il représente le pouvoir législatif. Ce sont deux choses différentes. On n'a pas à attendre un soutien de quiconque, il fallait prendre sa responsabilité», tranche cet élu.