Un colloque ayant pour thème «Kateb Yacine et la terre des ancêtres» s'est tenu à la bibliothèque principale de lecture publique de Tizi Ouzou les 27 et 28 octobre. L'activité rentre dans le cadre de la commémoration du 29e anniversaire de la disparition de l'auteur de Nedjma. Les deux journées ont été marquées par des communications portant sur la vie et l'œuvre du romancier, dramaturge et poète disparu, des ventes-dédicaces de livres et d'expositions d'ouvrages par les maisons d'édition participantes, un atelier d'adaptation destiné aux écoliers, intitulé «De l'écriture vers la dramaturgie», animé par le metteur en scène Lyes Mokrab, un autre pour adultes «Raconte-moi Nedjma», sous la houlette de El Hadi Boukerche et ses étudiants du 4e art à l'Itmas. L'Association des activités de jeunes de Yakourène a présenté la pièce théâtrale Tawrent n tiharci (La poudre de l'intelligence). Pour les organisateurs de cette manifestation (Maison et direction de la culture et le Théâtre Kateb Yacine), la terre des ancêtres de Kateb est une illustration de l'arbre généalogique des pénates de l'écrivain qui se conjugue à travers toute une chronologie littéraire exprimée par l'auteur de Nedjma, Les cercles de représailles et Le cadavre encerclé. «Cette double écriture est un témoignage concret de l'importance qu'accorde Kateb à l'histoire de son village et de ses aïeux. Tout est là, l'histoire commence avec une légende qui se dessine à travers les âges, héritée de génération en génération. Les personnages de Nedjma ne sont pas aussi fictifs que cela. La légende leur a déjà donné et pris la vie et Kateb, lui, les a ressuscités», note-on dans l'argumentaire du colloque. Les rédacteurs du texte rappellent que «Nedjma n'est pas seulement cette histoire d'amour impossible entre deux personnes appartenant à deux dimensions différentes- parlant d'âge et d'esprit- ni celle qui se conjugue dans tous les temps, mais c'est surtout la quête vers un passé ancestral, marqué par des légendes héritées par les Beni Keblout et Kateb Yacine, principalement, en fait partie». L'importance accordée par l'auteur à ses ancêtres est frappante, puisque son histoire se déroule sur cette terre même qu'il revendique à chaque fois. Les personnages choisis y sont tous issus, à l'exception des étrangers bien sûr, a-t-on relevé. «Cependant, quand on s'engage davantage dans l'intertexte, nous nous rendons compte du façonnage des personnages, du discours du texte, mais surtout de l'idéologie dominante, qui n'est autre que l'amour de la terre qu'a quittée Kateb. Ainsi, les souvenirs débordent, le regret prend place et les remords se multiplient.» Un intellectuel militant soucieux de rigueur Intervenant autour de «La mythologie de persistance à la réalité de résistance dans les écrits journalistiques de Kateb Yacine», Mohammed Lakhdar Maougal, écrivain et professeur de l'enseignement supérieur à l'Ecole nationale supérieure de journalisme, a déclaré : «Les écrits médiatiques katébiens se présentent depuis 1947 à 1967 comme un compact corpus de manifestations médiatiques de Kateb Yacine intervenant en situation d'un émetteur complexe (poète, chroniqueur, conférencier, journaliste- reporter, critique littéraire et politique, etc.).» Ces productions, a-t-il remarqué «n'auront pas fait l'objet d'une quelconque recherche, en tout cas en Algérie, si ce n'est une publication en 2004 sous le titre insolite Kateb Yacine, l'indomptable démocrate». L'universitaire a mis en relief dans son exposé le «lent et laborieux travail d'un intellectuel militant soucieux de rigueur, passionné de poésie, préoccupé de liberté et vertigineusement engagé dans la bataille de l'émancipation de son peuple avec une lente et visible évolution du nationalisme militant teinté d'idéologisme identitaire arabe anticolonial et qui va évoluer progressivement vers un autre registre de conscience doublement déterminé par la logique du gagne-pain et de l'exigence de reconnaissance culturelle émotionnellement articulé au nouveau combat au service des plus démunis, des plus déshérités qui voit émerger la figure du prolétaire amazigh». Dans son allocution d'ouverture, la directrice de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou a estimé que cet écrivain est l'un des précurseurs de la littérature maghrébine rédigée en français, et du théâtre algérien joué en langue arabe populaire. «Kateb Yacine est connu pour l'amour fulgurant qu'il éprouve pour son pays, l'Algérie, avec toute sa diversité culturelle et linguistique, la terre de ses aïeux, chacun de ses vers, demeure une illustration, une empreinte concrète à travers lesquelles il ne cesse de revendiquer cet amour. Et c'est justement pour cela que nous avons choisi le thème de cette journée d'étude qui porte principalement le thème ‘‘Kateb Yacine et la terre des ancêtres''», a souligné Mme Nabila Goumeziane. Le wali de Tizi Ouzou, Abdelhakim Chater, a salué la présence des professeurs à ce colloque et a mis l'accent sur «cette louable initiative d'évoquer et rendre hommage à ce grand écrivain».