Les islamistes d'Ennahdha sont déjà en rangs serrés pour les prochaines élections de 2019 en Tunisie. Le thème de la deuxième conférence des cadres d'Ennahdha, tenue hier et avant-hier à Hammamet, «Pour la réussite du travail municipal et le renforcement du travail démocratique», montre que les islamistes tunisiens vont exploiter leur présence dans les 350 municipalités de la Tunisie pour édifier une base de données fiables sur la réalité du pays. L'objectif déclaré de la conférence est de finaliser les analyses et les projections permettant d'établir la stratégie du parti islamiste pour l'année électorale 2019. Les islamistes d'Ennahdha sont certes présents dans tous les conseils municipaux, détiennent la présidence de près d'une centaine de mairies, dont la capitale Tunis et la deuxième grande ville du pays, Sfax, il n'empêche que le discours de leur leader, Rached Ghannouchi, était très loin de tout triomphalisme. Il est même marqué par une prudence très prononcée. Ghannouchi a insisté sur le fait que l'unité d'Ennahdha, c'est «autour de l'amour de la Tunisie, de son intérêt et de ses principes», propos pas très en vogue dans un parti islamiste. Le leader d'Ennahdha a également exprimé son attachement au consensus établi avec le président de la République, Béji Caïd Essebsi. «Ennahdha est partenaire du président de la République et les islamistes sont à la recherche d'un nouveau consensus», a-t-il dit. De tels propos ont été prononcés alors que les islamistes ont soutenu le maintien de Chahed contre l'avis du président Caïd Essebsi. Cela traduit une crainte à peine voilée de voir le président de la République reproduire à l'étranger des avis doutant de la sincérité de la mutation d'Ennahdha d'un parti religieux en un parti civil, comme il l'avait dit dans une interview en Tunisie. Connaissant la notoriété internationale du président Caïd Essebsi, Ghannouchi ne veut pas provoquer sa colère et essaie de préserver de bonnes relations avec lui, autant que les intérêts politiques d'Ennahdha le permettent. Prudence Rached Ghannouchi est conscient des difficultés rencontrées par la transition démocratique en Tunisie, une expérience unique dans le monde, selon ses dires. Mais, «j'ai l'impression que les Tunisiens se lamentent et n'ont pas conscience de la grandeur de ce qui a été réalisé», a-t-il regretté, en mettant en relief les efforts de l'élite tunisienne, qui a permis de régler les différends «par le dialogue national, pas avec les armes». «Ce n'est pas un hasard si quatre organisations nationales ont obtenu le prix Nobel pour ce dialogue», a-t-il martelé. Le leader d'Ennahdha est également conscient des tâches à régler à l'échelle politique et socioéconomique. Il a affirmé que son parti propose un projet politique, où la liberté est l'un des principes avec ceux de l'islam et de la démocratie. L'essence de ce projet est certes de travailler pour satisfaire le citoyen, mais les résultats seront étroitement liés à la capacité des conseils municipaux ou des services de l'impôt à collecter les ressources nécessaires. Ghannouchi encourage les citoyens à s'acquitter de leurs taxes locales ou fiscales. Enjeux Conscient donc des enjeux économiques découlant de la crise traversée par la Tunisie, Ennahdha pense que la loi de finances 2019 est appelée à viser le renforcement des investissements, de l'employabilité des jeunes et du pouvoir d'achat. Le mouvement s'est dit aussi pour la mise en place des réformes nécessaires en ce qui concerne le secteur public et les caisses sociales ainsi que l'intégration du marché parallèle dans le secteur formel. Ennahdha essaie de s'éloigner du populisme, pour redresser la barre de l'économie nationale et des finances publiques. Concernant la discordance soulevée par la justice transitionnelle et l'Instance de la vérité et dignité (IVD), Rached Ghannouchi s'est dit pour l'achèvement du processus de réconciliation nationale, afin que les plaies soient définitivement refermées et la hache de guerre enterrée. Il a ainsi déclaré qu'Ennahdha proposera une initiative législative pour amnistier tous ceux ayant commis des dépassements au cours des années de dictature. Ghannouchi n'a pas manqué de parler des voisins de la Tunisie. Il a souligné que la stabilité de la Libye équivaut à celle de la Tunisie et s'est prononcé pour un rapprochement entre la Tunisie et l'Algérie, dans le cadre d'un Maghreb uni, à travers la création d'un marché commun et d'une monnaie unifiée. L'objectif étant que ce rapprochement soit le noyau dur de ce projet de Maghreb. Et, pour conclure, le leader d'Ennahdha a annoncé que son parti est en cours de préparation d'une vision stratégique pour 2030, qui sera présentée prochainement. «L'objectif final est de favoriser l'intérêt de la Tunisie et le droit des générations futures à un pays stable», a-t-il conclu. Ennahdha lance ainsi sa campagne électorale pour 2019.