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Tout joue en faveur d'un exode important de l'élite médicale algérienne
Mohamed Mebtoul. Anthropologue de la santé
Publié dans El Watan le 31 - 10 - 2018

– Les autorités consulaires françaises ont décidé de faciliter les procédures de demande de visa aux étudiants en médecine. Suite à une instruction du consul général de France à Oran, répercutée par TLScontact, «les demandeurs qui sollicitent un visa long séjour afin d' effectuer un DFMS ou un DFMSA peuvent se présenter au centre TLS contact sans prise de rendez-vous». Comment expliquez-vous ces nouvelles facilitations ?
La captation offensive de l'élite médicale algérienne par les responsables français, par la médiation de nouvelles facilitations pour obtenir rapidement le visa long séjour, sans rendez-vous préalable, au seul profit des médecins, permet, me semble-t-il, d'accélérer le processus d'exode de ces derniers, déjà prégnant depuis quelques décennies. Toutes les études ont montré la désaffiliation des médecins algériens à l'égard du secteur étatique des soins, touchant plus radicalement les spécialités qui sont au plus bas de la hiérarchie médicale, notamment la psychiatrie et la médecine générale.
Les responsables des hôpitaux français, sont conduits à rationnaliser les dépenses de soins, à réduire de façon drastique le recrutement du personnel de santé français. Les pouvoirs publics n'hésitent pas à fermer certaines structures de soins jugées «non rentables». Dans un contexte sociosanitaire dominé par la logique financière, il est impératif d'intensifier les horaires de travail du personnel de santé, de faire en sorte que l'hôpital soit géré comme une entreprise économique. La santé s'ancre dans un marché mondialisé qui accentue le processus de mobilité externe des médecins algériens vers les pays d'Europe du Nord, en particulier la France (Rainhorn, Burnier, 2001).
Pour diminuer la surcharge de travail dans les CHU, l'hospitalisation à domicile de certains malades chroniques, beaucoup moins onéreuse, permet de mobiliser les compétences invisibles et gratuites des proches parents des malades, participant à la «démédicalisation hospitalière et à une médicalisation du domicile» (Bachemont, 1998).
La volonté des pouvoirs publics français est d'accéder à une flexibilité du travail médical pour tenter de faire face à un important déficit des médecins en France. Dans cet esprit, l'intégration des médecins algériens dans les structures de santé françaises, dont la formation a été assurée dans le pays d'origine, représente une alternative rapide, à moindre coût, aisée, face à la quête légitime des jeunes médecins algériens pour accéder à la réussite sociale et professionnelle.
Celle-ci est de l'ordre de l'utopie dans les conditions sociales et techniques de travail anomiques et médiocres caractérisant le fonctionnement des hôpitaux algériens. Les médecins algériens sont d'autant plus demandés du fait de l'usage de la langue française, mais aussi parce qu'ils sont aussi porteurs d'un modèle de santé qui a été conçu dans les pays occidentaux.
La santé globale déployée par les acteurs que sont l'OMS, la Banque mondiale, l'Europe et les ONG conduit inéluctablement vers l'extension des politiques mondiales de santé. L'objectif est de construire et de diffuser des normes et des valeurs à vocation universelle dans le domaine médical et sanitaire, même si l'on observe des accommodements, des transgressions, des contournements au niveau local (Gobatto, 2018). Les tensions entre l'universel et le local jouent incontestablement en faveur d'un exode important de l'élite médicale algérienne.
– Selon des études, une forte tendance à l'expatriation est remarquée parmi les étudiants en médecine. Une explication ?
Vous avez totalement raison d'évoquer une forte tendance à la fuite de l'élite médicale en formation. Au-delà des chiffres que l'on peut avancer, nos études de terrain de longue durée dans différentes régions du pays (Mebtoul, 2015), dévoilent un système de soins profondément éclaté, dévoilant une addition de structures de soins fortement administrées, peu régulées, s'interdisant toute mise en réseau entre elles, laissant peu d'autonomie aux producteurs de soins que sont les médecins mais aussi les patients.
La profession médicale, au-delà de sa diversité, s'est constituée historiquement par le haut, par injonctions politico-administratives, bannissant toute possibilité d'une territorialisation de la santé, qui supposerait une appropriation régionale de la santé.
Les pouvoirs publics se sont davantage appuyés sur une bureaucratie sanitaire vautrée dans des bureaux luxueux et peu au fait des enjeux réels de la santé au quotidien, tout en étant indifférente aux tensions importantes qui marquent l'exercice de l'acte médical déployé dans les différentes structures de soins. L'explication de cette fuite ou volonté de départ des jeunes médecins se donne à lire dans la mise à nu d'une identité professionnelle fragile, pour ne pas dire profondément abîmée.
On assiste en effet à une rupture entre l'imaginaire médical et la réalité sociosanitaire dominée par le flou socio-organisationnel et la rareté des moyens techniques et thérapeutiques. Les médecins exercent dans des espaces de soins producteurs d'indignité professionnelle, de frustrations et de désenchantement social, après avoir rêvé d'un statut plus valorisant.
Mais en amont de l'exercice de la profession médicale, la formation des médecins est aujourd'hui en déphasage avec les problèmes de la société. Nous n'avons pas suffisamment, me semble-t-il, réfléchi au rapport entre la médecine et la société, en enfermant la formation médicale dans la prise en charge de la maladie en soi, en faisant abstraction des transformations du statut du patient dans la société, de la famille qui, on l'oublie souvent, est la première à identifier et à interpréter le mal, à opérer des diagnostics profanes, à décider des différents recours thérapeutiques et à administrer les traitements. Des questions centrales restent occultées : quels types de savoirs faut-il enseigner pour intégrer, dès la première année de médecine, les multiples enjeux qui se cristallisent dans société algérienne ? Comment fabriquer socialement le métier de médecin ? Qu'est-ce qu'une médecine juste ?
Il est tout de même paradoxal que des segments professionnels comme la gériatrie sociale, la médecine de famille, la médecine hygiéniste, la prévention sociosanitaire… ne soient pas institués dans la formation des praticiens de la santé au niveau des facultés de médecine. Celles-ci doivent s'imposer un véritable décloisonnement en termes disciplinaires, par une ouverture conséquente vers les sciences sociales (philosophie, anthropologie, économie de la santé, etc.) dans une logique de dialogue et de croisement de regards avec les autres acteurs de la santé.
– Quelles sont les conséquences de ces départs sur le système de santé en Algérie ?
La désaffection des jeunes médecins à l'égard de l'hôpital a nécessairement des effets pervers sur son fonctionnement au quotidien. Les ruptures et les discontinuités dans la réalisation de l'acte médical sont plus prégnants, les échanges professionnels sont fragiles, subissant un incessant processus de déconstruction-construction tant sur le plan pédagogique que scientifique, face au départ des médecins. 80% de gynécologues exercent dans le secteur privé ou à l'étranger.
Dans ces conditions de travail médiocres, les structures étatiques de soins peuvent difficilement être crédibles face à l'errance sociale et thérapeutique des patients, que l'on peut caractériser par une mobilité forcée, les contraignant à recourir en urgence au secteur privé pour se faire soigner.
Ce sont les patients dépourvus de capital économique et social qui ont davantage recours aux cliniques privées qui se «nourrissent» et se renforcent par la double médiation de l'Etat et de la déliquescence des hôpitaux (Mebtoul, 2010). Ceci est loin d'être étonnant quand on observe que les pouvoirs publics ont administré le secteur étatique en opérant des greffes hasardeuses et précipitées de structures de soins, dans un tissu social sous-analysé, faiblement pris en compte, renforçant les inégalités de santé entre les différentes régions du pays.
– L'année 2017-2018 a connu un important mouvement de grève des médecins généralistes. Les autorités ont choisi de ne pas répondre favorablement aux revendications du mouvement mené par le Camra. Pourquoi cette manière de gérer les mouvements sociaux et quels en sont les conséquences sur cette frange de la société ?
Il faut rappeler que les médecins résidents, l'élite médicale en formation, assure le «sale boulot» dans les CHU dans des conditions sociales et techniques lamentables depuis de longues décennies, sans être pris en compte par les pouvoirs publics.
Ces derniers s'enferment dans un populisme étroit et un moralisme douteux, usant du terme d'«anarchie» pour qualifier ce mouvement social qui a duré plus de 8 mois, porté par 15 000 médecins résidents, qui ont identifié les problèmes essentiels du système de soins algérien : qualité de la formation, amélioration des conditions de travail, redonner de la dignité aux médecins en les reconnaissant socialement comme des acteurs sociaux importants, la révision du service civil dans une logique plus juste, etc.
Le mouvement social autonome et structuré s'est inscrit dans une logique de transformation du système de soins, devant permettre l'émancipation du travail médical, sa démocratisation et sa transparence par le débat public contradictoire. Or, ces perspectives centrées sur le nécessaire déploiement d'une véritable politique publique n'intéressent pas les différents pouvoirs.
Ces derniers ont toujours privilégié le statu quo, au sens où rien ne doit changer, en s'agrippant à un mode gouvernance administré qui autorise une reproduction à l'identique de leur pouvoir, même si le système étatique de soins risque de s'effondrer face au départ massif de cette élite médicale en formation. Ils n'ont nul besoin d'une réflexion approfondie et collective qui engage les véritables producteurs de la santé, marginalisés au profit de la bureaucratie sanitaire. Celle-ci se limite à parer les coups, à s'inscrire dans l'urgence, sans aucune ambition à l'anticipation, en s'interrogeant de façon critique et autocritique sur les questions sociosanitaires.
Force est d'observer la transformation du statut des patients, qui exigent de plus en plus une qualité de soins centrée sur la personne humaine et non pas uniquement sur la pathologie en soi, en rupture avec le fonctionnement du système de soins qui reste encore enfermé dans ses certitudes, résultant d'un mépris institutionnalisé (Mebtoul, 2015).
– Les études médicales attirent-elles autant qu'avant, sachant que le secteur s'est sensiblement dégradé ces dernières années ?
La médecine est une discipline de plus en plus sélective, exigeant une moyenne très importante au baccalauréat, impulsée dans la société par les catégories sociales détentrices d'un capital financier et culturel important, et plus particulièrement par l'élite médicale qui opère bien souvent des pressions sur ses enfants pour qu'ils optent pour les études en médecine, dans une logique de sa reproduction à l'identique. L'extension rapide du secteur privé de soins dans la société, depuis les années 1990, l'exode vers l'étranger, permettent, me semble-t-il, d'indiquer que la médecine n'a pas totalement perdu, aujourd'hui, de son prestige social.
Il faut pourtant convenir que les aspirations des jeunes ont profondément évolué depuis les années 1970, où il était important, du fait de la massification de l'enseignement, mais aussi de la prégnance d'entreprises nationales, de devenir médecin ou ingénieur pour se considérer comme missionnaire au service d'un projet étatique.
Or cette aspiration perd, aujourd'hui, de son épaisseur sociale, en raison de la violence de l'argent (Mebtoul, 2018), de la dépréciation des savoirs dans la société, conduisant les jeunes à déployer des stratégies de reconversion vers des métiers plus «rentables» qui permettent d'accéder à l'argent facile, notamment avec le déferlement de l'informel, la valorisation des métiers comme douanier, affairiste…marqués par la production sociale de la «gfaza» et de la débrouillardise, devenant des valeurs centrales dans un système social et politique qui fonctionne de façon dominante à la cooptation et à l'allégeance pour accéder à des statuts valorisés dans la société.


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