Il y a quelque chose de vraiment anormal dans de nombreuses juridictions de pays européens qui avaient voté pour leurs justices respectives des lois dites de compétence universelle. Un merveilleux arsenal juridique pour traquer le crime et empêcher l'impunité, même si les crimes sont commis en dehors de leurs territoires, et les victimes, des ressortissants d'autres Etats. Des criminels, ou supposés comme tels, ont été condamnés. Mais l'on va vite se rendre compte à quel point c'est une justice à sens unique, ou encore au cas par cas, et que des pays européens se sont retrouvés à amender leurs propres lois ou geler certains disposions pour ne pas juger les crimes israéliens. Même la toute nouvelle CPI (Cour pénale internationale) n'arrive pas à trouver ses marques, tant le périmètre dans lequel elle évolue a été limité de manière drastique, car selon ses lois, ne sont jugés que les Etats membres. C'est ce qui permet nombre d'exemptions et autant de cas d'injustices. Que pourra alors cette honorable institution faite donc pour juger les plus faibles, si l'on en juge par certaines procédures ? On sait depuis peu que le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, mène un « examen préliminaire » sur les allégations de crimes commis à Ghaza par Israël lors de son agression contre ce territoire palestinien, selon les propos de son bureau à La Haye. Moreno-Ocampo a reçu des « communications » sur ce sujet, du ministre palestinien de la Justice, Ali Kashan, et de quelque 200 personnes et ONG, a précisé le bureau du procureur. « Le bureau du procureur va examiner attentivement tout ce qui est lié à ce sujet, y compris les problèmes de compétence », expliquent ses services dans une note écrite. « Cet examen préliminaire ne signifie pas qu'une enquête sera ouverte », a ajouté le bureau du procureur. Nous y voilà donc. Moreno-Ocampo a rencontré M. Kashan à La Haye le 22 janvier, et les « allégations de crimes commis à Ghaza » ont été évoquées, selon son bureau. La CPI est compétente pour les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides commis depuis 2002. Elle peut inculper un individu si les crimes ont été commis sur le territoire d'un Etat partie ou si cet individu est un ressortissant d'un Etat partie. Israël n'est pas un Etat partie de la CPI. Le procureur peut néanmoins se pencher sur la situation à Ghaza si le Conseil de sécurité de l'ONU le charge d'y enquêter, ce qui semble hautement improbable, ou si Israël reconnaît temporairement la compétence de la cour, ce qui là aussi semble exclu. Que reste-t-il donc aux Palestiniens, car même l'enquête ouverte par la justice espagnole contre un ex-ministre et des responsables militaires israéliens pour un bombardement meurtrier à Ghaza en 2002 pourrait être classée. Et en ce sens, la justice espagnole s'en trouverait soulagée, prenant prétexte du fait que l'ambassade israélienne à Madrid lui a remis très récemment un rapport faisant état d'une autre procédure pénale, menée en Israël sur les mêmes faits, alors même que cet assassinat a été ordonné par les plus hautes instances politiques israéliennes. Un subterfuge, et rien d'autre, car il n'y aura jamais de poursuite en Israël pour de tels faits. Mais pour l'instant, le parquet espagnol est favorable à la poursuite de l'enquête car la haute instance pénale espagnole, l'Audience nationale, n'a pas encore pu vérifier officiellement l'existence d'une autre procédure, selon El Pais. Le juge Fernando Andreu de l'Audience nationale avait jugé recevable, jeudi, une plainte du Centre palestinien pour les droits de l'homme, au sujet du bombardement qui, en juillet 2002, avait tué un dirigeant du Hamas, Salah Chehadeh et 14 civils palestiniens, « en majorité des enfants et des bébés ». Environ 150 Palestiniens avaient également été blessés pendant cette attaque par l'explosion d'une bombe d'une tonne larguée par un F-16 israélien à Ghaza, sur une maison du quartier Al Daraj. La plainte vise l'ex-ministre israélien, Benjamin Ben-Eliezer, et six hauts responsables militaires, dont l'ex-chef d'état-major Moshe Yaalon. Cette enquête a provoqué la colère d'Israël. Le quotidien espagnol ABC affirme que suite à cette affaire, le gouvernement espagnol envisageait de limiter le principe de « justice universelle ». Une loi se trouverait donc amendée pour ne pas gêner Israël. C'est ce qu'on appelle se faire violence. Le chef de la diplomatie suédoise à Ghaza Le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt, a effectué, hier, une visite dans la bande de Ghaza où il a pu constater une partie des dégâts provoqués par l'offensive israélienne de 22 jours dans le territoire palestinien. M. Bildt a visité une cimenterie détruite lors d'une attaque israélienne à la périphérie de Ghaza ville ainsi que l'hôpital Al Qods, sévèrement endommagé par des obus israéliens, dans un quartier de Ghaza. Ils s'est entretenu avec des responsables de l'ONU et de l'hôpital, mais aucune rencontre n'était prévue avec des responsables du Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle Ghaza.