Bordj El Bahri, anciennement Cap Matifou n'est plus ce qu'elle était. En somme, rien n'est plus dur que d'en parler, tant le préjudice subi par cette localité du littoral est-algérois est grand et semble irréparable. Ceux qui ont connu jadis « El Bounta », comme aiment tant à l'appeler les anciens, savent mesurer l'ampleur des dégâts occasionnés par une politique qui a érigé le bradage, la prédation et le pillage en mode de gestion. Bordj El Bahri ne bénéficie désormais plus de l'aura qu'elle avait dans les années soixante-dix, où l'agriculture et le tourisme étaient alors les principaux créneaux d'activité dans la localité. C'est ainsi qu'une extension immodérée et effrénée du tissu urbain a complètement dénaturé la vocation première de la commune. Cela s'est fait « sous l'autorité et l'impulsion d'un certain nombre de responsables malhonnêtes », nous assure-t-on. Sous le prétexte trompeur de l'infertilité des terres agricoles, les responsables ont procédé à la dilapidation de ces dernières. Depuis les années quatre-vingt-dix, la commune est victime de la cupidité de ses élus. Les premiers habitants de la localité ont ramené de la terre agricole par train de la région de Mostaganem pour l'étaler sur toutes les surfaces jugées inconstructibles et en faire un paradis constitué de vergers et de jardins potagers. Aujourd'hui, le béton a fait des ravages à Bordj El Bahri. Les autorités locales attribuaient des lots de terrains après une transmutation magique de ces derniers qui passaient invraisemblablement de terre agricole à assiette foncière, « il n y a pas un centimétre de terre qui ait échappé au bradage », soutient un ancien habitant de Bordj El Bahri. Tandis que le tissu urbain s'élargissait, les beaux quartiers de la petite ville, au style architectural si particulier, disparaissaient. Avec la complaisance des autorités locales qui ont laissé faire, des bidonvilles ont envahi les moindres recoins de la commune. Des sites de baraquements ont vu ainsi le jour, même sur les plages, censées être l'objet d'une protection draconienne. Il en est de même non loin du site des chalets, aux Ondines et derrière le nouveau centre culturel. La vie sociale et le quotidien des habitants de Bordj El Bahri ne sont guère enviables, car les inégalités sociales sont frappantes. Les classes les plus démunies côtoient les nouveaux riches. Il est certain qu'à Bordj El Bahri, le climat d'injustice et d'inégalité qui y prévaut alimente une tension vive entre les autorités locales et la population qui a souvent recours, ces dernières années, aux démonstrations de rue pour faire entendre sa voix.