Bordj El Bahri, rien n'estplus dur que d'en parler. En somme, on est incapable de prendre cette posture de partialité et de recule qui s'impose, tant cette petite ville du littoral est-algérois a subi beaucoup de torts. Ceux qui l'ont connue naguère savent mesurer l'ampleur du préjudice qui l'a entièrement défigurée.En plus d'être une ville balnéaire par excellence, Bordj El Bahri (ex-Cap Matifou) était connue jadis pour ses vergers et ses potagers qui alimentaient Alger, aujourd'hui la dilapidation de ses terres, alors fertiles, a fait d'elle une zone où le béton a fait des ravages. Bordj El Bahri fut assurément belle, mais elle a perde de son charme depuis l'arrivée des nouveaux gestionnaires. Tout ce qui est beau à Bordj El Bahri a été livré à la prédation, au bradage et au pillage. El Bounta, comme aiment tant à l'appeler les anciens habitants de la ville, est devenue, à l'instar d'ailleurs de beaucoup d'autres petites villes de l'Algérois, une agglomération morte, où s'épanouissent tous les fléaux. Ses beaux quartiers au style architectural particulier s'affaissent de partout, ses nouvelles constructions par contre l'ont enlaidie. La ville a été réduite à la sinistre image des hommes qui la gèrent. Les nouveaux quartiers, qui ont vu cependant le jour ces dernières années, notamment à Ben Djaïda, à la Brise Marine, à Alger Plage ou encore à Cosider, ont métamorphosé la structure urbaine de la ville. Aucune forme d'étude en matière d'urbanisme, préalablement effectuée, n'est à signaler. Les autorités locales, dans un passé récent, attribuaient les lots de terrain, après une transmutation invraisemblable de ces derniers, passant magiquement d'une vocation agricole, à assiettes foncières. « Depuis les années quatre-vingt, notre commune est victime de la cupidité des élus et de leur inculture », assure un citoyen de la commune, outré par la dégradation du cadre de vie à Bordj El Bahri. La vie sociale et, la vie quotidienne à Bordj El Bahri ne sont point enviables, la dorure du sable fin de ses quelques plages étonnament autorisées à la baignade, par on ne sait quel procédé d'analyse, cache en fait une véritable misère sociale. Le chômage frappe la majorité de la population active et les recrutements même dans le cadre de l'emploi de jeunes se font par relation. Ces exemples quotidiens d'abus confinent parfois au tragicomique dans le contexte suffisamment dramatique d'une commune où un nombre important de citoyens, en âge de travailler, sont condamnés à l'inactivité professionnelle, au chômage. Les structures de santé sont sinistrées, les infrastructures routières délabrées, la distribution de l'eau et de l'électricité est plus qu'aléatoire. On peut voir à Bordj El Bahri cette image que l'on croyait bannie à tout jamais de notre société, celle d'enfants poussant des brouettes chargées de jerricanes d'eau plus grands que leur petit corps chétif. L'eau, qui est distribuée ailleurs un jour sur trois, n'est pas disponible toujours à Bordj El Bahri. Pour certains quartiers, les coupures d'eau dépassent souvent les dix, voire quinze jours. Les plus aisés de la population s'équipent en conséquence, qui de citerne, qui de surpresseur… le commun des mortels continue, lui, à haler ses pitoyables seaux d'eau dans les ruelles de la ville en quête de quelques litres afin d'étancher sa soif. La bidonvilisation de la cité de Bordj El Bahri, faisant l'exception parmi pratiquement toutes les communes du littoral est-algérois, se fait à une vitesse effrénée. « Même les plages n'ont pas été épargnées », assurent quelques citoyens de la commune. En effet, à Coco Plage, c'est un véritable désastre qui a touché cette partie du littoral, envahie par des indus occupants. Le centre-ville n'a pas été épargné à son tour, juste derrière le centre culturel, un autre bidonville vient de se greffer à l'agglomération, à l'instar d'un autre site de baraquements qui se trouve à proximité du site des chalets. Bordj El Bahri a tous les atouts pour redevenir une vitrine pour toute la région, que ce soit sur le plan du potentiel humain ou sur celui des richesses naturelles. Les lieux de l'anarchie L'anarchie qui prévaut à Bordj El Bahri est sont pareil égal, elle est en passe de devenir en fait endémique. En effet, la prolifération de marchés informels et le squat de l'espace public se sont institutionnalisés, dans un climat d'indifférence et de laisser-faire de la part des responsables locaux. Des cités, telles que Cosider, subissent depuis maintenant une dizaine d'années les affres d'un marché informel apparemment « indéracinable ». Les projets de marchés de proximité et autres structures destinées au commerce sont pour certains gelés, pour d'autres non attribués, malgré le parachèvement entier des travaux.