La proposition est simple et pas inintéressante : se mettre dans la peau d'un canard pour un cycle d'une année, observer ses habitats et imaginer des scénarios catastrophes, un peu à la Al Gore. Qu'advient-il de nos canards lorsqu'on touche à une zone humide ? Décollage. Premier site : un point d'eau situé dans la région septentrionale de l'Asie. On est en été, l'air est doux et, nous, canards, sommes à la recherche d'un coin intime. Un coin tranquille car phase intéressante dans notre vie de mammifères, il est question de nous reproduire… Notre choix va se concentrer vers et autour d'un trou d'eau, une mare. La végétation foisonne, monte haut et chaque point d'eau est éloigné de l'autre. Intimité garantie : on trouve un individu (canard) pour 10 km, même la portée va pouvoir brailler sans déranger le voisin… Ce cycle est le même depuis des milliers d'années et les canards ont adapté leur caractère de reproduction à ces habitats. Retour dans le trou d'eau pas loin de la toundra : les canetons sont grands, leur plumage s'est épaissi, ils sont aptes au grand voyage. L'hiver approche et l'heure de lever l'ancre a sonné, les canards prennent leur envol vers la Méditerranée pour s'établir dans leur quartier d'hiver. Là, l'habitat est très différent, il s'agit de grands plans d'eau, dégarnis de tous types de végétation où les individus se concentrent par milliers. La composante sociale dans le caractère du canard prend le-dessus. La loi de la proximité règne, ils sont tous dans une énorme étendue d'eau et tous à ce moment précis se reposent et végètent encore. Il s'agit de récupérer d'un vol de plusieurs jours, mais fait intéressant, à proximité de ces grandes étendues d'eau nue, se trouvent des petits marais à la végétation luxuriante. Grande source d'alimentation donc, c'est ainsi que les canards vont vivre dans ces quartiers d'hiver aux multiples résidences : ils occupent les grands espaces d'eau par milliers dans lesquels il manifestent un comportement de confort, comme le précise A. Tamisier. C'est l'endroit où ils se reposent, font leur toilette et entreprennent leur parade nuptiale. En effet, les femelles sont à portée de plumes. La nuit venue, ils regagnent les petits marais avoisinants pour se nourrir toute la nuit, ils vont faire la navette entre deux types de milieux et vont passer l'hiver dans les meilleures conditions avant de rejoindre leur lieu de reproduction. La femelle, à ce moment précis, va emmagasiner un maximum de graisse, c'est ce qui va conditionner la reproduction, elle a 4000 km à parcourir environ (à vol de canard) et doit avoir les capacités à se reproduire et couver. Hypothèses d'école : qu'adviendrait-il si on asséchait les grands plans d'eau ou si les petits marais étaient comblés ou encore si les trous d'eau, lieux de reproduction situés dans le Nord, étaient agrandis ? Dans le premier cas, les oiseaux, à ce moment sociable, n'auraient plus de théâtre pour leur parade amoureuse. Si les marais étaient comblés, les femelles ne pourraient faire leur réserve de graisse, nécessaire pour la reproduction et, enfin, si les trous d'eau situés au Nord étaient agrandis, les canards n'auraient plus l'intimité recherchée pour se reproduire et couver. C'est à ce titre que les zones humides sont importantes mais surtout que leur diversité est le socle nécessaire à bien des espèces dans leur cycle de vie. C'est à cela que nous a incités le scientifique A. Tamisier dans sa communication à la conférence internationale de Guelma portant sur les zones humides. Il rappellera à cet effet que « les zones humides régressent à un taux plus élevé que les autres milieux. Une zone humide ne peut jamais être récupérée, quant elle disparaît, c'est pour toujours ». Qu'est-ce qu'une zone humide ? Une zone humide, dénomination dérivant du terme anglais wetland, est une région où le principal facteur d'influence du biotope et de sa biocœnose est l'eau. On distingue généralement les zones humides côtières et marines différentiées par la proximité de la mer plus que par la salinité (des lacs salés peuvent exister à l'intérieur des terres). La Convention de Ramsar a retenu dans sa définition les zones littorales « où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur à marée basse n'excède pas six mètres ». La végétation poussant dans les zones humides d'eau douce est dite héliophyte.