Les responsables et agents des services de l'hygiène, de la direction de la santé publique, de la santé animale, de la conservation de la nature, de la Protection civile et des collectivités locales... ont à peine eu le temps de rompre le jeûne de lundi. Il ont été instruits de se mettre immédiatement à la recherche de cadavres de canards morts aperçus dans les marécages du lac Tonga, situé à 3 km au sud-est d'El Kala. Ce qu'ils ont fait illico presto, aidés de la lumière de projecteurs et de celle de la pleine lune. « Nous avons trouvé une vingtaine d'oiseaux morts flottant et quelques spécimens ont été prélevés pour être transférés à l'Institut Pasteur », nous a-t-on déclaré. C'est bien entendu à la grippe aviaire qu'on pense et pour qui les canards sont l'objet de tant d'attention. La découverte, annoncée le jour même par les médias, d'un nouveau foyer de grippe aviaire en Grèce a ajouté à la psychose qui enfle ici et ailleurs autour d'une très probable pandémie de grippe aviaire qui pourrait, selon l'OMS, faire 150 millions de morts. Hier, une de ces splendides journées couleurs d'automne, sur les bords du lac Tonga, les riverains que nous avons croisés ignorent pour la plupart de quoi il en retourne et certains nous ont même dit qu'« ils (les responsables) feraient mieux de s'occuper des canards et des loutres qui meurent par centaines dans les filets des pêcheurs d'anguille ». Les braconniers, qui eux traversent les marécages de part en part pour pouvoir chasser, nous ont assurés qu'ils n'avaient rien remarqué d'anormal et que les cadavres d'oiseaux et d'anguilles était chose courante et qu'il n'y avait pas motif de s'alarmer outre mesure. Nous avons poussé notre curiosité jusqu'à chercher à connaître les espèces des oiseaux généralement retrouvés morts. on trouve les canards, mais aussi les aigrettes (petit héron blanc), des foulques, des guifettes. des prélèvements d'eau ont été effectués pour détecter des substances toxiques. en fait, ce qu'il faut mesurer et qui ne s'est jamais fait, c'est la concentration du plomb, car il est fort probable que le saturnisme soit la cause de la mortalité visible des oiseaux et des anguilles. en effet, pendant de longues années, lorsque la chasse était encore autorisée d'énormes quantités de plomb ont été jetées dans le lac par des dizaines de chasseurs qui quotidiennement tiraient une moyenne de 20 cartouches. Le lac Tonga est une zone marécageuse de 2500 ha. C'est la plus importante zone de nidification de la sauvagine au Maghreb. C'est aussi l'une des premières de cette région à être classées en 1983 sur la liste Ramsar au titre de zone humide d'importance internationale. « Les premières vagues d'oiseaux migrateurs sont arrivées il y a quelques jours. On y compte les canards colverts, les canards souchets, les canards pilets, les canards chapeaux et les canards siffleurs », nous ont appris des gardes du parc national. Autour du lac, on trouve des basse-cours dans les maisons, mais peu de poulaillers avec un élevage intensif qui pourraient favoriser la transmission du virus de la grippe aviaire. A ce propos, nous avons pu constater que la bonne information sur les voies de transmission de la grippe aviaire faisait défaut même parmi le personnel de la santé. Il faut, en effet, rappeler que le virus de la grippe aviaire, notamment la souche H5N1, est porté naturellement par les oiseaux d'eau sauvages depuis la nuit des temps. Il ne devient hautement pathogène que lorsqu'il contamine les volailles après avoir subi une mutation génétique, mais il doit pour cela passer des volailles à l'homme. Une tentative de s'informer auprès des services vétérinaires pour connaître les suites qui seront données à la découverte de ces cadavres s'est soldée par un échec. Rien n'a filtré. La grève qui persiste ? L'ignorance des faits ? Le black-out ? Le Ramadhan ? A l'heure où nous mettons sous presse, nous apprenons de sources compétentes et qualifiées qui se prononcent après avoir effectué des autopsies et des analyses, que les canards morts du lac Tonga ont des pathologies qui n'ont rien à voir avec le virus de la grippe aviaire. Celle des poissons est causée, comme pour le lac Mellah récemment (El Watan du 12 octobre), par une baisse du taux de saturation de l'oxygène dans l'eau provoquée par la hausse des températures de ces derniers jours. Phénomène tout à fait courant dans les écosystèmes de ce type sous nos latitudes.