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Commune de Tigzirt : Une journée avec les gens de la mer
Publié dans El Watan le 04 - 02 - 2009

Dehors le temps est presque maussade. La mer est démontée depuis quelques jours déjà. Les barques amarrées tanguent au gré des vagues. Le mauvais temps n'a pas épargné la petite ville balnéaire de Tigzirt. Son nouveau port, verdoyant, est un passage obligé pour quiconque prend pied dans cette ville.
Nous avançons pas à pas vers les cases des pêcheurs. A l'intérieur, ces « gens de la mer » comme on dit, retapent qui son filet, qui son moteur. « Nous ne pouvons rester les mains croisées. Il y a toujours une bricole à faire », nous témoigne d'emblée Mourad, jeune artisan-pêcheur. D'autres n'ont pas manqué d'attirer notre attention sur l'exigüité des lieux (les cases), auxquels on a dû ajouter des soupentes pour plus d'espace. Jusqu'à maintenant, on ne dispose pas d'eau courante, quant à l'électricité, elle est assurée par un compteur collectif que ces hommes du large considèrent comme un mépris. « Est-ce normal pour un nouveau port ? », manifestent-ils. Nous avons pressenti qu'ils ont gros sur le cœur et ont tenu à attirer les directions concernées quant à honorer les engagements auxquels elles ce sont assignées. Des propos des uns et des autres, il en ressort que cette activité est appelée à se développer si les conditions idoines lui sont garanties car pour ces pêcheurs artisans (au nombre de deux cents), le métier de pêcheur ne se limite pas à son aspect artisanal.
Vu les conditions draconiennes imposées à l'activité, elle ne dispose pas, à l'heure actuelle, d'aucun bloc administratif, ardemment revendiqué, du reste. Il n'y a ni les Garde-côtes, ni un bureau de la direction de la pêche, ni pour la chambre de la pêche également. L'EGPP (Entreprise de gestion des ports de pêche) « doit disposer d'une antenne, comme le stipule pourtant la réglementation en vigueur », selon dda Amar, le sage de ses pairs. Et de s'interroger : « Pour un simple papier administratif, faut-il se déplacer jusqu'à Azeffoun, sacrifier toute une journée de travail et encore, si on la chance de trouver sur place le concerné ? » Et un autre d'abonder dans le même sens : « Sur les plans tout y est prévu, mais dans la réalité…. », avant d'ajouter : « Où est la pompe à essence ? C'est bien un port de pêche et de plaisance, non ?!! » Ces artisans nous ont cité le phénomène de l'ensablement progressif de la passe (entrée maritime du port) qui, si on ne la drague pas, risque d'obstruer carrément l'accès au port. Car ceux autorisés jusque-là ne sauraient dépasser 12 m (maximum). De ce fait, on nous précise que la profondeur raisonnable est de 6 m, contre 2 m actuellement.
L'écueil supplémentaire auquel les pêcheurs de Tigzirt font face est l'absence d'une aire de vente, en d'autres termes, d'une poissonnerie. Celle-ci existe sur le papier, « d'un montant de 7 milliards de centimes », selon un intervenant, mais sa réalisation semble être reléguée aux calendes grecques ! Nos artisans s'impatientent de voir les verrous de « l'immobilisme » sauter l'un derrière l'autre pour une bonne rentabilité de leur activité. A la question de savoir quel rôle la chambre de la pêche de Tizi Ouzou joue-t-elle, M. Arezki M., son président, nous a informé que celle-ci est plutôt un intermédiaire entre l'administration et ses adhérents. De plus, elle les sensibilise sur le volet réglementaire. Sans oublier sa contribution à l'amélioration de la formation des pêcheurs. Ladite formation est dispensée d'après lui « par des enseignants de l'INSPA (Institut national supérieur de la pêche et d'aquaculture) au niveau des CFPA. D'ailleurs tous nos pêcheurs disposent d'un diplôme réglementaire pour prétendre exercer ce métier ».
M. Arezki M. nous a révélé qu' « en 2009, il sera procédé à la livraison d'un livret professionnel », dont le but est de faciliter l'accès à ce métier en plus d'un allègement conséquent des démarches administratives. Mais qu'en est-il de l'activité proprement dite ? Tous sont unanimes à se plaindre de la piètre qualité du matériel qu'ils sont obligés d'acheter, au demeurant, en sus des pièces de rechange, au prix fort. M. A.Tirouche, élu RCD à l'APW, contacté par nos soins, lui évoquant le sujet, se félicite des efforts fournis par la commission dont il est membre envers cette tranche d'artisans.
Il nous a appris que « c'est la raison qui a poussé l'actuelle APW, via la commission Pêche, environnement et agriculture, de voter récemment une aide de 300 millions de centimes en faveur de la filière pour l'acquisition d'un matériel adéquat ». Mais de la bouche des pêcheurs, les services de la DAL y seraient pour quelque chose dans les lenteurs rencontrées pour la concrétisation définitive de ladite aide.
L'absence de mécaniciens qualifiés dans ce domaine contraint tout le monde alors à la débrouille ! Les prévisions météorologiques tiennent une place prépondérante dans cette profession. Ils savent, en professionnels qu'ils sont, que la mer ne pardonne aucun amateurisme. « Aller au large sans consulter la météo c'est courir à sa perte ! », nous rétorquent-ils. Toutes les saisons sont prolifiques. Pour eux, la mer est généreuse ! La demande est particulièrement plus forte en été, on s'en doute de par le nombre d'estivants et vacanciers qui aiment bien déguster qui, un mérou, qui un pagre (accompagné d'un bon verre de rosé pour les amateurs de nos crus). Le reste de l'année, les pêcheurs « écoulent » leur marchandise aux restaurateurs locaux. Ceux de Zegzou occupent une place de choix, vu l'aspect pittoresque qu'offre ce lieu. Les pêcheurs arrivent à perpétuer ainsi donc ce métier, mais beaucoup ne comprennent pas l'attitude de la CNAS qui leur impose le même barème de cotisations que les propriétaires de chalutiers.
Ils nous ont fait savoir que plusieurs marins seraient endettés envers cet organisme qui leur refuse tout échéancier. Pourtant, preuve à l'appui, la loi 08/08 du 23/02/2008 publié au N°11 du Journal Officiel est claire. Celle-ci stipule, notamment dans son article 87, l'accord d'un échéancier de payement de 3 ans aux marins endettés, sans majoration. Avant de quitter nos pêcheurs, ils n'ont pas omis de dénoncer les atteintes perpétuelles à la côte. L'exemple de la pollution effrénée du cap Tadles ne doit pas occulter les autres, toutes aussi dévastatrices.
Le non-traitement des eaux usées déversées dans la mer a des répercussions irrémédiables pour la faune et flore marines. « C'est sérieux ! », se plaignent-ils. Ils affirment que plusieurs espèces ont soit quitté nos rivages, soit ont disparu complètement. N'oublions pas les stations de lavage qui ajoutent leur lot de destruction. Dans les filets on y « collecte » des sachets noirs, des pots de yaourt ! C'est dire l'ampleur du fait accompli. Même les chalutiers ne respectent pas les limites autorisées. Conséquence : des zones de reproduction sont « rayées » pour de bon des côtes ! Mais à qui profite « ces crimes » contre la mer ? L'avenir saura répondre.


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