Le drapeau algérien flotte sur le Palais de la Berlinale. Rachid Bouchareb présentera, mardi 10 février, en compétition son dernier film London River. Le jury est présidé par l'Anglaise Tilda Swinton, aux côtés de Gaston Kaboré (Burkina). Berlin (Allemagne) : De notre envoyé spécial Solidement ancrée dans le quartier de Potsdamer Platz, pas loin de la porte de Brandenbourg où les buildings vastes comme des pyramides émergent de la brume glacée matinale et où le vent descendu des steppes du Nord fait claquer les fanions des nations, la Berlinale attire, dès le premier jour, la grande foule : artistes, professionnels, médias, cinéphiles berlinois sagement debout dans de longues chaînes devant les caisses des cinémas. Une grande question hante tout ce beau monde dès ce premier jour : Qui va remporter l'Ours d'or cette année ? Rachid Bouchareb, en très grande forme depuis la belle aventure de Indigènes, a écrit un très beau sujet. On attend de juger la mise en scène et ses acteurs, dont le grand Burkinabé, Sotigui Konyaté. C'est à Londres que se passe évidemment London River, en ce matin du 7 juillet 2005. Quatre bombes explosent, dans le rush du matin des transports en commun, que des terroristes transportaient dans leurs sacs à dos. 56 morts et 700 blessés. Trois rames du métro et un bus à étage visés. London River raconte l'histoire de deux personnes vivant loin de Londres bien que directement touchés par le drame. Ousmane vit en France et il est musulman. Mme Sommers vit dans une des îles anglo-britanniques et elle est chrétienne. Ils apprennent que leurs enfants vivaient ensemble et ont disparu depuis le 7/7. Sur les écrans de Berlin, on va pouvoir apprécier le travail d'un cinéaste grec hors catégorie, hors-tout, un auteur génial : Théo Angélopoulos. C'est un vieux metteur en scène mais qui garde la fraîcheur et le dynamisme des plus jeunes que lui. Dans son nouveau film The Dust of time (la poussière du temps), Théo Angélopoulos continue d'explorer la manière dont le destin des peuples est marqué par une histoire collective. Dans cette nouvelle tragédie, il filme une histoire qui lui est sans doute personnelle, du moins beaucoup de ses compatriotes grecs ont dû la vivre de cette manière. Un couple d'émigrés grecs aux Etats-Unis et en Union soviétique, sont pris dans le feu des événements : la seconde guerre mondiale, la guerre civile en Grèce, la mort de Staline, la guerre du Vietnam, la chute du mur de Berlin... Le récit et les personnages voyagent d'Athènes à Moscou, Tachkent, la Sibérie, New York, Toronto, Berlin... En compétition aussi, un autre vieux cinéaste qui embarquait souvent ses bobines vers la cinémathèque d'Alger : Bertrand Tavernier. Il a tourné en Louisiane un thriller radicalement américain, Dans la brume électrique, adapté du roman de James Lee Burke. Traitant aussi d'une histoire américaine, son compatriote François Ozon amène à Berlin un long métrage où s'entrechoquent, dit-il, le réel et le surréel : Ricky. D'Iran où le soutien de l'Etat et l'argent ne manquent pas au cinéma (on a vu le travail splendide de Abbas Kiarostami), le programme montre le film d'un jeune cinéaste né à Ispahan, Ashgar Farhadi : A Propos d'Elly. Suprême surprise, en lisant le catalogue, on sent que Farhadi a subi l'influence manifeste de Michelangelo Antonioni. Tragédie typiquement antonionienne. au cours d'une balade dans une île, une femme disparaît sans laisser aucune trace, ses compagnons sont paniqués, ils s'accusent mutuellement d'en être la cause... On se souvient tous du chef- d'œuvre L'Aventtura tourné du côté de Capri...On souhaite à Farhadi d'être digne du maître, avec ses maniérismes qui ont parfois agacé les cinéphiles. On peut sans doute se tromper, mais la section du Forum international du jeune cinéma en changeant de responsable (Grégor a quitté, tout en restant à la cinémathèque de Berlin) a baissé de niveau. Il fut un temps où le Forum de Berlin dans les mythiques salles du Delphi palast et l'Arsenal était une sorte de jardin des délices cinématographiques. Grégor venait à Alger, allait à Rio, La Havane, Buenos Aires, Manille, Le Caire, Calcutta et prenait les nouveaux films. Aujourd'hui, la balance du programme du Forum penche plutôt vers les productions de l'Europe. Exceptionnellement, un film venu de Beyrouth ou de Pretoria comme cette année. Sinon, on a la triste impression que le Forum a quitté le reste du monde.