Synthèse de Sihem Ammour L'Ours d'or de la 59ème édition du Festival du film de Berlin a été remporté à l'unanimité par une jeune réalisatrice péruvienne, Claudia Llosa, pour son long métrage la Teta asustada (littéralement le sein effrayé), histoire bouleversante d'une jeune femme dont la mère a été violée pendant les combats entre l'armée et la guérilla maoïste du Sentier lumineux dans les années quatre-vingt, et qui souffre d'un mal mystérieux, la Teta asustada, transmis par le sein maternel. «C'est magnifique ! Merci, merci au jury», s'est écriée la cinéaste, scénariste et productrice italo-péruvienne de 32 ans, avant de faire monter toute l'équipe du film sur la scène du palais de la Berlinale. Elle confiera plus tard à la presse que «c'est le premier film péruvien à concourir à Berlin et à gagner un Ours d'or, bien sûr. Nous avons besoin de prix comme celui-ci, c'est important que les gens puissent voir notre film». Magaly Solier, aux origines andines, qui incarne le personnage principal de ce film émouvant a brièvement parlé et chanté dans sa langue, le quechua, après avoir lancé face à l'assistance : «Je veux remercier infiniment ma mère, toutes les femmes et vous tous, je dédie ce prix à ma mère et à tout le Pérou !» Repérée par Claudia Llosa pour son premier film Madeinusa, alors qu'elle vendait des friandises sur les marches de l'église d'un village dans la région d'Ayacucho au Pérou, Magaly Solier a composé des chants en quechua d'une grande beauté pour La Teta asustada. Le jury présidé par l'actrice écossaise Tilda Swinton a marqué cette 59ème Berlinale en faisant triompher des jeunes talents et l'Amérique du Sud sur les 18 films qui étaient en lice. Ainsi, l'Ours d'argent du meilleur acteur a été remporté par le Malien Sotigui Kouyaté, ancien griot de 72 ans, pour son rôle d'un père à la recherche de son fils disparu lors des attentats de Londres dans London River de Rachid Bouchareb. Sotigui Kouyaté qui avait déjà travaillé avec Rachid Bouchareb dans Little Senegal en 2001 a déclaré lors de la remise de son prix : «C'est la variété des arbres qui fait la beauté d'une forêt, la variété des couleurs qui fait un beau bouquet de fleurs, un beau tapis, et c'est deux mains qui se frottent pour être bien propres», rendant hommage à la Berlinale qui «permet aux peuples de se rencontrer». Côté féminin, c'est l'Autrichienne Birgit Minichmayr, 31 ans, qui a remporté l'Ours d'argent de la meille ure actrice pour son rôle dans Alle anderen (Tous les autres) de l'Allemande Maren Ade. Portrait tragi-comique d'un couple signé par l'Allemande Maren Ade, dont le film a reçu le prix du jury. De son côté, l'Iranien Asghar Farhadi, 36 ans, a gagné l'Ours d'argent du meilleur réalisateur avec About Elly, où la jeune bourgeoisie de Téhéran joue avec les codes sociaux imposés par l'islam. Quant au scénariste américano-israélien Oven Moverman, 42 ans, il a gagné le prix du scénario avec son premier long métrage, The Messenger, qui met en scène la douleur des familles de soldats américains morts en Irak. Par ailleurs, l'autre grand gagnant de la soirée vient également d'Amérique latine, il s'agit de l'Argentin Adrian Biniez, 34 ans, qui a raflé trois prix avec Gigante. Le portrait insolite et drôle d'un veilleur de nuit de supermarché qui tombe amoureux d'une cliente. Sous un physique menaçant, le veilleur de nuit cache en vérité une âme sensible. Gigante a ainsi remporté le prix du jury, celui du meilleur premier film et le prix Alfred Bauer. Fou de joie, Adrian Biniez s'est exclamé lors de la remise de ces trophées : «Je voudrais que ma maman soit là!»