«Cette grève irrégulière, illégale et sans fondement sérieux a néanmoins engendré un préjudice grave à l'entreprise tant au plan moral, financier, que commercial. C'est pourquoi, nous tenons à porter à la connaissance de tous les auteurs de cette grève, notamment les responsables syndicaux qui ont décidé et exécuté ce mouvement ainsi qu'à ceux qui ont été détournés de leur mission par cette initiative aventurière, que l'entreprise a engagé les procédures judiciaires et disciplinaires requises par la loi et que chacun doit prendre à présent ses responsabilités entières pour que de telles situations aventurières ne se reproduisent plus jamais à l'avenir», indique le PDG de l'ENTMV, M. Cheriet, dans une correspondance adressée au partenaire social en date du 6 juillet, soit le jour même du verdict. Par souci de légalité, une trentaine d'officiers ayant suivi le mot d'ordre de grève s'est présentée, hier, en compagnie d'un huissier de justice, à la direction de l'armement afin de discuter des modalités de reprise du travail. «Les officiers ont été reçus par le sous-directeur de l'armement qui leur a demandé d'attendre de recevoir un programme d'embarquement accompagné de mesures administratives», soutient M. Zermoun, le président du SNOMMAR, qui considère les «mesures administratives» comme synonymes de «sanctions». Cependant, il relève une grande contradiction dans les propos du PDG de l'ENTMV. M. Zermoun rappelle les propos de la direction générale de l'ENTMV estimant que la grève, déclenchée le 26 juin, n'avait eu «aucune incidence» sur l'exploitation des bateaux grâce au recrutement d'officiers de la Compagnie nationale de navigation (CNAN Group). Malgré les retards, dus au débarquement par la force des officiers de l'ENTMV et leur remplacement par leurs confrères de la CNAN, les car-ferries ont en effet navigué normalement durant les dix jours de débrayage. Sanctions «prématurées» Ces remplacements avaient amené le syndicat à introduire une action en justice contre son employeur pour atteinte au droit de grève conformément aux articles 33 et 57 de la loi 90-02 du 6 février 1990 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l'exercice du droit de grève. Malgré le fait que ces articles interdisent de tels recours, le SNOMMAR a également été débouté par la justice sur cette question. Pour le syndicat, les sanctions annoncées par la direction sont «prématurées» du fait du pourvoi en cassation introduit contre le jugement déclarant la grève «illégale». «La justice n'a pas définitivement donné raison à la direction de l'ENTMV», relève M. Zermoun. Les syndicalistes ne sont pas au bout de leurs déboires avec la direction générale de l'entreprise maritime. En plus des poursuites judiciaires, des télex annonçant des mesures disciplinaires ont été envoyés à plusieurs syndicalistes. Ces derniers sont en effet sommés de se présenter devant la commission de discipline pour répondre de deux principaux motifs, à savoir les refus de signer les décisions relatives aux officiers de sûreté du navire et de suivre un recyclage. S'agissant du poste d'officier de sûreté, exigé par l'International Ship and Port Facility and Security (ISPS) de l'Organisation maritime internationale (OMI), le syndicat des officiers de la marine marchande rappelle que la signature d'une décision relève des prérogatives de la direction générale de l'entreprise. Aussi, il indique que ces exigences portent essentiellement sur la définition de la mission attendue des officiers appelés à être, ajoute-t-il, des «antiterroristes, antitrafiquants de drogue, anti-clandestins…». «Si l'officier accepte ce nouveau poste, il faudra alors le dégager de toutes les autres tâches, car il n'est pas simple de contrôler 1200 voyageurs à la fois», réplique M. Zermoun, précisant qu'il a été déclaré aux officiers ayant suivi une formation d'une semaine que «l'occupation de ce poste était un acte volontaire et nullement obligatoire». Quant au recyclage, notre interlocuteur indique que le syndicat remet en cause la qualité de la formation. «Ce n'est pas une formation, mais juste une familiarisation avec la technologie moderne des nouveaux navires, à tel point que lorsque le bateau Tarek Ibn Ziad est tombé en panne, les officiers ayant suivi cette formation n'ont pas su quoi faire», justifie-t-il. Le SNOMMAR estime que ces citations devant la commission de discipline ne sont qu'un «prétexte pour sanctionner les grévistes». Les syndicalistes concernés refusent de ce fait d'y comparaître, d'autant qu'ils remettent en cause sa «légitimité», car trois de ses membres font partie du comité de participation dont l'installation s'est déroulée, selon eux, «sans élection et sans PV».