D'origine urbaine, industrielle, agricole, ou marine, la pollution est présente à Béjaïa et menace autant l'oued Soummam que le littoral et le ciel. Les spécialistes de la question estiment que nos industriels et gestionnaires des affaires de la cité ne s'inquiètent pas trop des atteintes à l'environnement du fait notamment du non-traitement des différents déchets que génèrent les activités industrielles et urbaines. Selon le rapport de la direction de l'environnement, ce sont 540 t de déchets générées chaque jour par les ménages. Une quantité qui ne finit pas forcément dans les décharges publiques de la wilaya. Le même rapport mentionne que 246 t seulement sont mises en décharge. Le reste, soit 54,5%, ne l'est pas. Ainsi, ce sont 294 t de déchets solides urbains, qui ne sont pas collectés quotidiennement, et c'est autant de tonnes qui sont dans la nature pour de longues années. N'est-ce pas que ces fameux sachets noirs sont toujours là à «guirlander» arbustes, arbres, mobilier urbain ou oueds pour un long temps quand le vent ne les prend pas dans les airs ? En revanche, l'acheminement des déchets ménagers vers les décharges publiques ne solutionne pas à lui seul le problème de leur traitement et élimination. Toutes les décharges ne sont pas forcément contrôlées. Plus de cinquante décharges sauvages sont éparpillées un peu partout sur le territoire de la wilaya. Elles ne sont soumises à aucun dispositif de contrôle. A ce propos, des voix attirent l'attention sur le fait que la décharge d'Amalou, par exemple, se trouve «près d'un forage», celle d'El Kseur «dans une ferme»,… L'éradication des décharges sauvages tient entre autres à la mise en œuvre du plan directeur de gestion de déchets solides urbains dont l'étude a été faite par un bureau spécialisé. Sa mise en application n'est pas une sinécure. Elle se heurte à l'opposition des citoyens. Par conséquent, des projets ne sont pas encore lancés et d'autres demeurent en étude dans l'objectif sinon de stopper ou du moins d'atténuer autant que faire se peut les différents types de pollution. Du côté de la vallée, l'oued Soummam reçoit 35 000 m3 d'eaux usées non traitées quotidiennement. De Tazmalt à El Kseur, 120 rejets le menacent sur une longueur de 80 km. La direction de l'environnement y a prévu des stations de traitement des eaux sans trop espérer voir disparaître le problème. Une solution similaire est aussi préconisée pour la côte est de la wilaya qui n'échappe pas au problème. 5000 m3 d'eaux usées non traitées se déversent journellement dans la mer. La Soummam vomit dans la mer Tous les rejets d'eaux usées de la haute ville vont vers le port. Chaque jour, un peu plus polluée, la Méditerranée arrive à changer de couleur par endroits. Le jour de l'Aïd, à l'heure du sacrifice, l'eau devient rougeâtre, fait-on constater du côté du port. Au même titre que le transport maritime qui participe à la pollution du milieu marin, l'agression vient aussi de nos unités industrielles dont l'activité engendre des déchets spéciaux dangereux (DSD). Près de 42 000 t de ces déchets sortent annuellement des ateliers de 42 unités industrielles. Le chiffre est effrayant. Si les premiers textes régissant ce domaine remontent à plusieurs années, ceux qui semblent vouloir prendre à bras-le-corps la chose environnementale datent de l'année 2000. L'instruction ministérielle ordonnant l'élaboration d'un plan de gestion des DSD, quant à elle, n'a qu'un trimestre. Importante entreprise industrielle spécialisée dans l'agroalimentaire, installée à l'arrière-port, Cevital a fait l'objet de sévères critiques de la part des élus. Le complexe est-il polluant ? Selon l'inspecteur de l'environnement, celui-ci «est doté de l'une des plus performantes stations d'épuration de la wilaya». Un constat que partage le PDG de l'entreprise portuaire (EPB) : «Cevital ne pollue pas le bassin du port.» D'où vient la pollution ? Sur l'ensemble des entreprises de la wilaya, huit seulement se sont dotées de station d'épuration. Où va le reste des déchets ? Il est avalé par la Soummam qui le vomit dans la grande bleue. Une grosse atteinte à l'environnement qui continue parce que, comme le fait remarquer la même direction, les conditions de stockage, d'élimination et de transport «ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur dans la grande majorité des cas». Sur les cinq centres sanitaires de la wilaya, seuls ceux d'Akbou et Béjaïa sont dotés d'incinérateurs. Une partie seulement des 429 kg de déchets hospitaliers générés chaque jour est traitée. Concernant la récupération des huiles usagées, jusqu'à présent, ce n'est pas toutes les stations-services, de lavage et graissage qui ont jugé urgent de mettre en place des bassins de décantation. Une quarantaine d'entre elles ne s'est pas encore conformée à la recommandation des services concernés. C'est le cas aussi pour une soixantaine de huileries modernes. La pollution est également d'origine agricole à travers les pesticides périmés qui sont actuellement en stock au niveau surtout des unités de l'OAIC. Région côtière, Béjaïa connaît le problème de la pollution marine depuis plusieurs années. L'érosion marine est une dangereuse menace et l'avancée de la mer en atteste. Des pans de terres ont disparu du fait de ce phénomène auquel participent les pilleurs de sable. Le littoral n'est pas cadastré, et les pouvoirs publics entendent le faire à la faveur du plan d'aménagement côtier (PAC). C'est dans le cadre de ce PAC qu'il est prévu de mettre en place, entre autres, une station de relevage devant dévier les eaux usées vers la station d'épuration de la ville au lieu de se déverser dans le port. Beaucoup reste à faire dans le domaine de l'environnement à Béjaïa. Le problème semble être confiné dans des textes dont la réalité n'en a cure et où le «pollueur payeur» reste tout juste un slogan.