Sur les 843 écoles primaires que compte la wilaya de Sétif, 531 établissements possèdent une cantine scolaire. Ces restaurants, régis par la circulaire du 11 mars 1956 n'ayant fait l'objet ni de révision ni d'actualisation dépassée selon les dires de spécialistes sont à tout point de vue pléthoriques en déficits. D'après un récent rapport établi par l'Assemblée populaire de wilaya (APW), ces structures complémentaires de l'opération éducative sont hors normes. Les équipements, l'encadrement, l'hygiène, l'eau et le gaz sont le plus souvent inscrits aux abonnés absents. L'entretien des équipements existants n'est pas le fort de ces cantines sujettes, faute d'agents de sécurité, à des détournements de produits alimentaires. Pis encore, certaines structures sont même dépourvues de chaises et de tables outils indispensables pour une restauration en règle. L'approvisionnement pose lui aussi problème. Certaines autres infrastructures ont été à leur tour dévoyées de leur vocation première. El Eulma, par exemple, une cantine est devenue une coopérative de l'alimentation générale. A Aïn Oulmène, une autre a été transformée en logements. Une autre implantée à Beni Ourtilane fait désormais fonction d'agence postale. Le chef-lieu n'a pas échappé à cette frénésie, la cantine fait au grand dam des élèves nécessiteux, office de siège d'un syndicat. Sur les 209 243 élèves du primaire seulement 78 000 enfants bénéficient d'un repas gratuit à midi. Soit un taux de couverture de 37% qui sera, nous dit-on, revu à la hausse durant l'année en cours. Ces unités fonctionnent par intermittences, le plus souvent à cause de la vétuste des équipements qui n'ont pas été rénovés depuis, tenez-vous bien, 1968. Le matériel de base (chaises, tables et réfrigérateur) fait défaut. 49 % des établissements en sont pourvus. Pis encore, les assiettes est l'autre casse-tête chinois de ces cantines, décidément submergées par des petits problèmes, facile pourtant à régler. A chaque service, un ustensile est en moyenne utilisé à tour de rôle par trois gosses. Cette situation met à rude épreuve un personnel déjà tancé par la solde de 2700 DA du filet social. La qualification de ce dernier (le personnel s'entend) est une autre paire de manches. Dans ce marasme, les élus locaux ne sont pas exempts de tout reproche. Ces derniers, qui oublient que la récupération à midi et dans une certaine mesure le transport sont les principales causes de la déperdition scolaire en milieu rural, ne jouent pas le jeu. Pour fuir des responsabilités qui sont les leurs, de nombreux présidents d'APC demandent à être déchargés de cette mission qui s'apparente, selon eux, à un fardeau lourd à porter. La pathétique déclaration de Mohamed, un enfant d'Ouled Si Ahmed, l'une des plus pauvres communes de la wilaya est à ce sujet édifiante : « Je viens à l'école pour manger, c'est ici que j'ai fait connaissance avec les bananes. » « C'est une fois rassasié que je me concentre sur mes cours », nous lance notre interlocuteur qui souffre à l'instar de nombreux camarades de la pauvreté. Pour fournir plus de calories, la direction de l'éducation compte offrir des petits déjeuners à tous les potaches...