Alors qu'il recevait dimanche en audience, au siège de la Présidence, le président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, Abdelaziz Bouteflika s'est laissé aller à quelques confidences sur son avenir politique. Qu'a-t-il dit ? A ce jour, il ne sait toujours pas s'il sera candidat ou non à l'élection présidentielle du 9 avril prochain. Il réfléchit à sa succession et il connaît le profil et le nom de la personne qui serait capable, un jour, de lui succéder. C'est la première fois que le président algérien se livre à un tel aveu. Présente à cette audience, qui aura duré trois heures, Samia Ghali, sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, confirme à El Watan la teneur de ces propos. Bouteflika n'a pas encore tranché sur sa candidature au scrutin d'avril 2009, nous confiait-elle hier au téléphone. « Bouteflika a indiqué qu'il réfléchissait et regardait autour de lui pour en savoir davantage sur la personnalité à même de prendre sa succession à la tête de l'Etat », révèle Mme Ghali. Priée de révéler le nom de cette personnalité citée par Bouteflika, la sénatrice a refusé de la divulguer pour raison de son caractère confidentiel. « Je peux vous affirmer que Bouteflika a cité une seule personne, précise-t-elle. A ses yeux, celle-ci a le charisme nécessaire pour lui succéder et diriger un jour le pays. » Au cours de la même audience, le Président a fait savoir à ses interlocuteurs français qu'il était conscient que l'heure du changement est venue. « Il disait qu'il s'est rendu compte que les choses évoluaient dans le monde vers davantage de démocratie et qu'il est persuadé que le pays a besoin d'une grande personnalité pour prendre les destinées de l'Algérie. »S'agit-il d'un discours à la carte servi à des visiteurs étrangers qui n'ont pas goûté que le président algérien ait modifié la Constitution pour s'offrir un troisième mandat ou s'agit-il plutôt d'une réelle volonté de sa part de passer le flambeau ? On ne saurait en dire plus. En revanche, une chose est certaine : les confidences du président ont été livrées d'une manière très spontanée, à en croire Samia Ghali. « J'ai trouvé Bouteflika vif et alerte. Il ne donnait pas l'impression d'être fatigué ou usé », dit-elle Alors que tout le monde, ou presque, tient pour acquis la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à sa propre succession, ces révélations risquent de jeter le trouble. Bouteflika est-il capable de surprendre à la veille de l'annonce officielle de sa candidature, prévue jeudi 12 février à la coupole du 5 Juillet ? Peu probable... Lorsqu'on sait que le chef de l'Etat a pris le risque politique de s'aliéner une partie de l'opinion publique nationale et internationale en modifiant la Constitution de 1996 qui limite l'exercice présidentiel à deux mandats, il est permis de douter d'un éventuel revirement de dernière minute. On en doutera davantage encore lorsqu'on mesure l'ampleur de l'armada déployée par ses partisans, par ses courtisans et même par des ministres en exercice pour faire aboutir sa candidature. Mais en politique, il ne faut jurer de rien. Bouteflika est versatile, inconstant et imprévisible, prévient un ancien ministre. Pourrait-il alors renoncer à un troisième mandat qui lui ouvre un grand boulevard vers la Présidence à vie ? La question ne peut pas être écartée d'un revers de main. QUINZE ANS APRÈS L'histoire renseigne que cet homme avait déjà refusé le poste en 1994 alors que les principaux dirigeants de l'armée, Khaled Nezzar, président du HCE (Haut Comité d'Etat), Mohamed Mediene dit « Tewfik », patron du DRS, Mohamed Lamari, chef de l'état-major de l'ANP, et Liamine Zeroual, ministre de la Défense, lui avaient offert la Présidence sur un plateau. Quinze ans après cet épisode rocambolesque, la situation a changé du tout au tout. Bouteflika a accédé à son vœu le plus cher, être président de la République. Après avoir exercé deux mandats successifs, il sait qu'il n'est pas éternel. Âgé de 72 ans, le Président souffre d'une grave maladie qui affecte de plus en plus ses fonctions quand bien même le sujet reste encore tabou. Bien sûr, ici et là, on dit qu'il souhaiterait finir sa vie sur un fauteuil présidentiel et se voir offrir des funérailles nationales, mais tout cela reste du domaine de la spéculation. Alors même s'il est quasi certain qu'il briguera ce troisième mandat, Bouteflika affirme devant ses hôtes français qu'il songe d'ores et déjà à sa succession. Serait-il candidat ? Organiserait-il lui-même sa propre succession. Qui pourrait alors prendre sa place ? Ahmed Ouyahia, l'actuel Premier ministre ? Son frère Saïd qui ne fait plus mystère de ses ambitions présidentielles ? Ou bien quelqu'un d'autre ?