Ainsi, un inconnu vient de mettre fin à la vie d'un jeune de 26 ans ! Hier, les cheminots étaient en deuil. Tôt dans la matinée, ils ont bloqué l'accès des gares pour dénoncer cet acte abominable. Pas un seul train n'a quitté la gare de l'Agha. Et pas un seul n'y a été admis. «Ce qui s'est passé, c'est la goutte qui a fait déborder le vase», s'indigne Abdelkader Sid, secrétaire général du syndicat de l'unité traction d'Alger. Tous les agents, mécaniciens et conducteurs de l'unité ont observé, pour la circonstance, un sit-in dans les ateliers de Belouizdad après avoir immobilisé toutes les locomotives. Les travailleurs étaient tellement choqués par ce qui s'est produit qu'ils ont décidé d'engager des pourparlers avec la direction générale autour de la sécurité à bord des trains. Le directeur de la SNTF est venu la matinée pour assister ses travailleurs dans leur deuil. Ce genre d'agression est courant à bord de nos trains. Dans l'exercice de notre métier, nous ne sommes pas suffisamment protégés», souligne M. Sid avant que des témoignages ne fusent de toutes parts pour enlever l'omerta. «Un de nos agents a été tué il y a trois ans à coups de couteau par un passager, un drogué semble-t-il. L'agresseur a fait l'objet d'un contrôle à bord du train et comme il l'a reconnu, il l'a alors poignardé», nous raconte un agent de sécurité avant de se désoler : «Il y a un manque d'effectif en matière de sécurité à bord de nos trains. La direction devra se pencher sérieusement, sur ce problème». Un autre dont la mâchoire a été complètement fracturée raconte : «J'ai été victime, il y a quelques années d'un jet de pierre en plein visage. J'ai été hospitalisé pendant plusieurs jours avant de me rétablir. Les vitres des locomotives ne sont pas antichoc et avec la vitesse des trains vous pouvez imaginer les conséquences !» L'hécatombe se poursuit Le secrétaire général du syndicat des cheminots d'Alger avoue que depuis l'année 2000 à ce jour, plusieurs conducteurs-mécaniciens et agents de sécurité ont été évacués en Espagne pour des soins ophtalmologiques poussés à la suite de jets de pierres. Mais l'hécatombe se poursuit. «L'état d'insécurité que nous avons atteint aujourd'hui à bord de nos trains est lié à deux principales raisons : d'abord le vandalisme et ensuite le manque de normes de sécurité dans les trains. Des trains dont l'âge a dépassé 30 ans.» Abordant ce sujet, un mécanicien sursaute parmi l'assistence pour avouer : «Nous n'avons pas de pièces de rechange. Et pour remédier à ce problème, nous avons immobilisé un train de telle sorte que quand on aura besoin de pièces de rechange, on l'enlève carrément de ce train.» Etonnant dans une société nationale comme la SNTF. Un métier à haut risque Ainsi, mécanicien-conducteur devient un métier à haut risque et chaque jour ceux qui le pratique ne savent pas s'ils reviendront saints et saufs dans leur famille. En 2001, année du records des jets de pierres, la SNTF a enregistré 383 jets pour la seule banlieue d'Alger, faisant au total 121 blessés dont 77 voyageurs et 44 agents de sécurité travaillant à bord des trains. Ces jets de pierres ont eu lieu pendant que les trains roulaient. Selon les mécaniciens-conducteurs que nous avons rencontrés dans les ateliers de Belouizdad, les risques de jets de pierres sont encore plus importants lors des matchs. A ces moments-là, les conducteurs passent les plus durs moments de leur métier, surtout qu'après maintes plaintes introduites dans les commissariats de police par les victimes, aucune suite n'a lieu. Les jets de pierre sont souvent endossés à des personnes X, donc qui s'évaporent facilement dans la nature. Le ministère des Transports est plus que jamais interpellé, au même titre que les administrations intervenant dans ce domaine, afin de mettre fin à cette hécatombe et redonner au train de l'assurance. A la suite de la mort du jeune conducteur, Hadj Kouider, la direction générale de la SNTF a rendu public hier un communiqué dans lequel elle regrette ce qui s'est passé et exprime son entier soutien à la famille de la victime.