Tirant la leçon des catastrophes naturelles (inondations de Bab El Oued et séisme de la région algéroise) qui ont frappé le pays, le législateur impose aux instruments d'aménagement et d'urbanisme d'identifier dorénavant les terrains exposés aux risques de catastrophes naturelles, aux risques technologiques et les zones sismiques. L'autre nouveauté est l'obligation pour tout projet de construction d'être élaboré conjointement par un architecte et un ingénieur agréés dans le cadre d'un contrat de gestion du projet, qui comprendra, outre les plans d'architecture, les études techniques de génie civile et des corps d'état secondaire. Ces dispositions viennent après la publication de l'ordonnance faisant obligation d'assurer les biens contre les catastrophes naturelles, combler un vide et mettent de l'ordre dans un secteur aussi névralgique que celui de la construction à la grande satisfaction des opérateurs ou des simples citoyens inquiétés par la croissance désordonnée d'un urbanisme forcené. Mais la nouvelle loi a aussi corrigé les incohérences de la législation en matière de contrôle et de sanctions des infractions aux règles d'urbanisme en durcissant les sanctions contre les auteurs de construction sans autorisation. En effet, l'ensemble du dispositif de constatation et de répression des infractions aux règles d'architecture et d'urbanisme inséré curieusement dans le titre V du décret législatif n°94-07 du 18 mai 1994, relatif aux conditions de production architecturale et à l'exercice de la profession d'architecte a été abrogé par la loi n°04-06 du 14 août 2004 publiée dans le même journal officiel(1). La loi n°90-29 du 1er décembre 1990 modifiée et complétée a introduit de nouvelles dispositions en matière de contrôle de construction et de poursuites des infractions. Le nouveau dispositif 1) Contrôle Il incombe au président de l'APC et aux agents dûment habilités qui doivent visiter les constructions (art. 73), on notera que dans l'ancienne formulation de l'article 73 de la loi 90-29, le président de l'APC et les agents habilités «pouvaient» visiter les constructions ; désormais, c'est une obligation. La nuance méritait d'être soulignée. 2) Constatations des infractions Outre les officiers et les agents de la police judiciaire (police nationale et Darak el watani) sont habilités à rechercher et constater les infractions : – Les inspecteurs de l'urbanisme, – les agents communaux chargés de l'urbanisme, – les fonctionnaires de l'administration de l'urbanisme et de l'architecture. Longtemps écartées de la constatation des infractions aux règles de l'urbanisme, les collectivités locales sont désormais fortement impliquées non seulement dans le contrôle mais dans la procédure administrative de démolition des constructions érigées sans permis de construire. 3) Engagement des poursuites Les infractions donnent lieu à un procès-verbal dressé par l'agent verbalisateur légalement habilité qui relate avec précision les faits et qui recueille les déclarations du contrevenant. C'est un retour à la légalité des procédures pénales. 4) Sanctions Elles sont de deux ordres, selon qu'il s'agisse d'une construction réalisée sans permis de construire ou d'une construction édifiée en violation des prescriptions du permis de construire. Pour les constructions sans permis de construire, la sanction est immédiate et sans appel, le procès-verbal constatant l'infraction est adressé dans les 72 heures au président de l'APC qui, nonobstant les poursuites pénales, prend un arrêté de démolition. En cas de défaillance du maire, le wali usant d'un droit de substitution décide la démolition dans un délai n'excédant pas trente jours. En ce qui concerne les constructions non conformes aux prescriptions du permis de construire délivré, le procès-verbal constant l'infraction est adressé par l'agent légalement ou dûment habilité à la juridiction compétente. Dans ce cas, la juridiction saisie pour statuer dans «l'action publique» prononce soit la mise en conformité de la construction, soit sa démolition partielle ou totale dans le délai qu'elle aura fixé. Cette fois le législateur a clairement qualifié le délit qui constitue l'infraction aux règles d'urbanisme en précisant que la juridiction saisie statue sur l'action publique. En effet, dans de nombreux cas, les procès-verbaux transmis à la justice sous l'empire de l'ancienne législation aboutissent à des non-lieux au motif de l'absence des représentants des collectivités locales considérées comme partie civile. Désormais le juge pénal, indépendamment du juge civil, va pouvoir juger l'infraction sans exiger la présence obligatoire de la partie civile, étant donné que le ministère public est la partie principale, puisque c'est lui qui reçoit les procès-verbaux et exerce au nom de la société l'action publique et que c'est à lui de requérir l'application de la loi. Quant à l'action civile, elle peut évidemment être exercée en même temps que l'action publique ou séparément. En plus des mesures administratives et judiciaires, les contrevenants s'exposent aux amendes prévues par l'article 77 de la loi 90-29 qui sont de 3000 DA à 300 000 DA, une peine de prison d'un mois à six mois peut être prononcée en cas de récidive. Enfin, signalons que cette loi a prévu qu'en cas de non-exécution de la décision de justice par le contrevenant, le maire ou le wali compétents procède d'office à l'exécution des travaux aux frais du contrevenant. Voilà ce qu'on peut dire de ce texte qui traduit néanmoins une évolution dans notre droit de l'urbanisme, même si des omissions persistent. En effet, le dispositif relatif aux sanctions ne concerne que les infractions au permis de construire et semble viser davantage le phénomène des constructions illicites. Par contre, les infractions à la règle d'urbanisme et qui concernent, par exemple, les violations des règles du POS et du permis de lotir sont occultées. Mais il est évident que tout cela nécessite une profonde réflexion entre juristes et urbanistes autour d'un débat le plus large possible. C'est la condition pour qu'on puisse espérer un jour disposer d'un véritable code de l'urbanisme codifié, aux lieu et place de texte constamment modifiés au gré des circonstances. (1) JORA n°51 du 15 août 2004