En opposant les relations extérieures catalanes avec les deux principaux pays du Maghreb (le Maroc et l'Algérie), on peut constater que jusqu'à nos jours le Maroc jouissait d'une relation prioritaire avec la Catalogne. L'ouverture d'une délégation extérieure de la Generalitat au Maroc pendant la dernière législature ne fit que certifier une relation matérialisée fondamentalement dans le passé colonial espagnol du Rif et du Sahara et dans le volume de la population immigrante d'origine marocaine qui habite actuellement en Catalogne. Pourtant la relation historique qui lie la Catalogne et l'Algérie, l'immigration croissante d'origine algérienne et les investissements que les entreprises catalanes réalisent dans le territoire algérien devraient servir pour rapprocher davantage deux pays qui sont géographiquement très proches. En fait, à peine une heure de vol sépare Alger de Barcelone, deux capitales qui sont aussi reliées par voie maritime. La proximité géographique entre la Catalogne et l'Algérie et leur position privilégiée dans l'espace méditerranéen sont à l'origine du fait qu'Algériens et Catalans partagent une partie de leur histoire. Même quelques linguistes osent affirmer que la dénomination française d'Alger et de l'Algérie provient de la catalanisation d'El Djazaïr, la désignation arabe de la ville et du pays. Cette catalanisation s'est produite pendant le XIVe siècle, alors qu'Alger était un centre commercial très actif dans la Méditerranée et que les Catalans, surtout les rois Jaume I et Jaume II, en ambitionnaient la conquête. A cause de la proximité entre les deux pays, les expéditions avec pour but de conquérir le territoire algérien furent nombreuses. En 1494, Alexandre VI concéda aux Aragonais le droit à la conquête d'Alger, mais l'expédition échoua comme celle de Charles V en 1541. En fait, pendant le XVIe siècle, Alger était devenue un important foyer de piraterie qui menaçait les pays catalans. Mais la menace était réciproque comme le montre l'expédition de corsaires qui, sous les ordres du minorquin Antoni Barcelé, finit par le bombardement d'Alger. Les relations commerciales entre l'Algérie et la Catalogne se sont intensifiées lors de la paix signée à Alger en 1786, une paix qui ouvrait le territoire algérien au commerce catalan. Mais les liens entre les territoires catalans et l'Algérie se sont accentués d'une façon remarquable lors de la colonisation française en 1830. Les citoyens provenant des pays catalans (principalement du pays valencien et des îles Baléares) qui émigrèrent en Algérie furent nombreux et occupèrent principalement la région d'Oran et quelques quartiers de la capitale, comme Bab El Oued. A cause de cette présence, la presse en langue catalane publiée dans le territoire algérien pendant le période coloniale (1830-1962) fut nombreuse. La guerre pour l'indépendance menée par le peuple algérien, le FLN en tête, eut aussi des répercussions dans le territoire catalan. Dans le pays valencien émergèrent quelques ateliers d'armement du FLN et la région devint une halte importante dans les routes de l'armement vers la résistance algérienne. Par ailleurs, à Barcelone, quelques militants indépendantistes ont développé leur action extérieure en faveur du FLN, parmi eux l'écrivain Rachid Boudjedra, alors membre de la délégation du FLN en Espagne. Paradoxalement, la guerre de Libération nationale algérienne exerça aussi une remarquable influence sur le Mouvement indépendantiste de gauche catalan qui eut la lutte algérienne comme référence dans une époque dans laquelle Alger commençait à être connue avec le surnom de «La Mecque révolutionnaire», à cause du soutien que le régime algérien donnait aux mouvements révolutionnaires de la libération nationale partout dans la planète. Un autre point commun partagé par les sociétés catalane et algérienne est le soutien au droit d'autodétermination du peuple sahraoui, un peuple avec lequel la solidarité s'est manifestée largement aussi bien en Catalogne qu'en Algérie, car cette dernière a accueilli les camps des réfugiés sahraouis et est devenue le principal soutien international du Front Polisario et de la RASD. L'évolution subie par la Catalogne et l'Algérie a fait que le flux migratoire, qui s'est produit pendant la colonisation française et qui a conduit des dizaines de milliers de citoyens des pays catalans à l'émigration en Algérie à la recherche d'une vie meilleure, a aujourd'hui un sens inverse. Actuellement, les flux migratoires procèdent du sud de la Méditerranée vers son rivage nord. Ainsi la Catalogne accueille de façon croissante un volume important de populations algériennes, une situation qui devrait servir pour renforcer les liens historiques existants entre les deux nations méditerranéennes. Malgré l'histoire partagée, l'Algérie continue à être encore une grande méconnue pour la plupart des Catalans, car la Méditerranée est devenue, trop souvent, une frontière infranchissable. En fait, en Catalogne, on a tout juste parlé des inondations de Bab El Oued en 2001 ou du séisme qui frappa Boumerdès en 2003, malgré le tragique bilan des deux événements qui se sont produits tout juste à quelques kilomètres de la côte catalane ; par contre, d'autres événements beaucoup moins tragiques arrivés à l'autre côté de l'Atlantique occupent de grandes espaces dans les médias (un exemple qui suffirait aussi dans le domaine politique, car alors que les élections, en Californie remplissent les titres de presse, en l'élection présidentielle algérienne a un droit à peine à une petite notice dans la section internationale). Malgré la proximité géographique, en marge des investisseurs, ce sont encore peu de Catalans qui osent voyager dans une Algérie qui a été durement châtiée par la violence durant les 15 dernières années. La première visite d'un président catalan en Algérie doit servir, donc, au-delà d'objectifs à caractère économique, à rapprocher deux peuples qui partagent beaucoup plus que la mer Méditerranée.