Cette petite révolution prend pour objet un article féminin devenu presque classique : la robe d'intérieur. Elle intervient, selon les deux couturières Rachida et Fadéla qui travaillent à l'atelier de Mme Benouda, au niveau du haut et du bas de la robe. Pour le haut, la mode aujourd'hui est au port de cet article qui évoque par son aspect une voilette en plus grand et que Fadéla, qui donne des cours de couture au CFPA Malika Gaïd, désigne sous le vocable d'empiècement. La revue Houria, qui sert de guide aux deux couturières de l'atelier Benouda, en propose plusieurs modèles. Nos interlocutrices en ont retenu un seul : l'empiècement échancré, brodé au crochet, tout de fil perlé avec des perles en verre, de couleur rose et des franges de même couleur où pendent également des perles. Mais, les modèles de la revue de mode existent sous d'autres formes, comme pour la robe gitane ou l'empiècement est tout en guipure et en dentelle élastique posée de biais pour donner plus de liberté et de mouvement aux épaules féminines. La mode, dite pharaon, tente d'imposer le col arrondi tout en ruban et en strass. La patronne de cet atelier — installée dans les anciennes galeries algériennes aménagées en pépinière pour les jeunes artisans — était dehors au moment de notre passage. La jeune Rachida, qui la remplace pendant ses absences, explique : « Elle est obligée de faire appel à deux couturières modélistes pour faire le haut de la robe d'intérieur. » La première exécute la pièce entièrement au crochet avec du coton perlé. Les points sont serrés et donc la pièce est peu ajourée, par souci, sans doute, du respect de la décence, mais suffisamment espacés pour qu'ils livrent au regard la couleur et la matité de la peau de celle qui la porte. La deuxième couturière s'occupe du perlage qui nécessite un sens parfait de l'assemblage des perles pour créer des motifs et des harmonies de couleurs et de lignes. La tâche de la jeune Rachida consiste alors à coudre l'empiècement de la robe d'intérieur. La révolution opérée au niveau de cet article féminin, qui se porte pour les fêtes, concerne le bas. Plus évasée par le bas, la robe d'intérieur gagne aujourd'hui, grâce à cette petite touche, d'être ramenée à des proportions qui épousent le corps pour mettre en valeur les formes et la démarche dans un joli froufrou de tissu, de dentelle et de couleurs. Arrangée de la sorte, la robe d'intérieur donne plus de grâce aux mouvements. Fadéla déclare que la nouvelle coupe de la robe d'intérieur la fait ressembler à la robe paysanne. Tant de recherches et de peines pour en arriver là !