Le document publié récemment par le Conseil lyonnais pour le respect des droits rappelle les conditions d'obtention de la nationalité française et analyse les témoignages reçus pour tenter de comprendre les dysfonctionnements d'un système qui remet en doute, avec toute la violence symbolique de cette suspicion, la nationalité de certains Français, au motif qu'ils sont nés à l'étranger, que l'un de leurs parents est né à l'étranger, qu'ils ont un nom à « consonance étrangère », qu'ils sont nés dans les Dom Tom, dans d'anciens départements français ou qu'ils sont « du voyage ». Lyon : De notre correspondant Comment tout a commencé… A la fin 2007, le CLRD a été alerté par un adjoint au maire de Lyon, lui-même informé par le secrétaire général d'une mairie d'arrondissement, sur le cas d'un homme né en Guyane qui n'arrivait pas à renouveler sa carte d'identité. Il devait prouver sa nationalité. A partir de ce cas et d'autres préalablement signalés, le CLRD, qui a alors lancé une commission ad-hoc sur le sujet, a décidé d'élargir son champ d'investigation en passant dans la presse, le 5 décembre 2007, un appel à témoins. Des témoignages sont ainsi parvenus sur le blog et directement sur le mail du CLRD, avec souvent des sentiments « d'humiliation, choc, colère, abattement, étonnement, peur… » L'un des témoins raconte : « Pour moi qui suis blanc de peau, qui ai un nom à consonance française, qui suis fonctionnaire depuis bientôt quarante ans… il n'a fallu que cinq mois pour retrouver une identité, mais j'imagine combien les choses doivent être considérablement plus difficiles pour qui a une filiation étrangère même lointaine, pour qui possède un nom moins commun que le mien, pour qui il est moins simple de faire établir les pièces administratives réclamées »… Au détail, sur 44 fiches étudiées par le Conseil lyonnais pour le respect des droits, 19 personnes sont nées à l'étranger, dont 6 dans un pays de l'Union européenne et 2 en Suisse. 13 personnes sont nées sur un territoire français à leur naissance qui a depuis accédé à l'indépendance. Et ce cas d'un Français d'origine algérienne : « Je suis un jeune homme de 21 ans, né à Villeurbanne, ayant fait sa journée d'appel pour le service national, possédant une carte d'identité française, une carte électorale... Bref, je pensais être Français jusqu'au jour où j'ai voulu faire mon passeport, soit il y a un mois. On m'a alors dit que ce n'était pas possible sans un certificat de nationalité française, car mon père est né en Algérie (avant l'indépendance donc ce n'était pas grave), mais c'est surtout à cause de ma mère qui est née en 1963 (soit un an après l'indépendance) qui posait problème. J'ai essayé de comprendre, mais je fus trop surpris pour comprendre quoi que ce soit. J'ai essayé de me justifier avec mes pièces d'identité... Comment ai-je pu voter pour les présidentielles ? Moi qui croyais que les ‘‘étrangers'' n'avaient pas le droit de voter... » D'autres, enfin, ont un patronyme à « consonance étrangère ». Ainsi Bruno, pourtant soldat dans l'armée française à qui on a fait des difficultés : « Stupeur, car la première des conditions pour servir dans l'armée française est justement d'être de nationalité française ». Réponse du préposé à l'état civil : « Nous avons de nouvelles directives à appliquer depuis peu, de plus votre nom n'est pas d'origine française. » Le CLRD, pour parfaire ce voyage dans le monde de l'absurde, a fait appeler l'ensemble des mairies des arrondissements avec un « premier constat à tirer de ces différents tests est qu'il n'y a pas d'harmonisation ni dans l'accueil ni dans la liste des documents demandés ». De ses travaux, le CLRD, institution consultative, en a induit que « quiconque naît d'un parent français au moins est Français, quel que soit son lieu de naissance et que quiconque est détenteur d'une CNI française est censé être Français ». Mais, comme l'avait écrit le dramaturge Bertold Brecht cité dans le rapport : « Le passeport est la partie la plus noble de l'homme. D'ailleurs, un passeport ne se fabrique pas aussi simplement qu'un homme. On peut faire un homme n'importe où, le plus étourdiment du monde et sans motif raisonnable ; un passeport jamais. Aussi, reconnaît-on la valeur d'un bon passeport, tandis que la valeur d'un homme, si grande qu'elle soit, n'est pas forcément reconnue. » Inutile d'épiloguer à ce sujet sur les demandes de papiers de ceux qui ne sont pas du tout… Français ou sans-papiers.