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La guerre d'algérie, le recul du temps
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

Les historiens se retrouvent face à des séquences mémorielles éclatées, diverses, quand elles ne sont pas antagoniques. Autant de groupes sociaux, autant de mémoires. Des historiens tels que Charles-Robert Ageron mettent en garde contre «une guerre des mémoires». Charles-Robert Ageron, lors du colloque de la Sorbonne qui lui rendait hommage (1), a mis en garde contre la «guerre des mémoires» parce qu'«elle est irrémédiable». «Il faut arriver à historiser la guerre d'Algérie.» Et d'ajouter : «Les enfants ont le droit de connaître la même vérité, la même histoire scientifique, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée.» Mais «c'est trop tôt de faire l'histoire neutre, impartiale, honnête que méritent les Algériens et les Français».
Dans une interview, il nous affirmait : «On peut se servir de la mémoire pour aboutir à la vérité historique. Pour y arriver, il ne faut pas se contenter de mémoire, il faut la repasser au crible. Elle aide à reconstruire le passé. C'est une remémoration personnelle. Mais interroger quelqu'un sur le moment et dix ans après, ce n'est pas la même chose.»
D'autres historiens, comme Mohamed Harbi et Benjamin Stora (2) , soulignent : «Les mémoires ont toujours une dimension subjective. Elles fonctionnent comme un discours de légitimation de sorte qu'elles sont à la fois rappel d'événements et miroir déformant. L'historien ne peut ni les dédaigner ni s'y soumettre. Le propre des souvenirs, c'est d'être une évocation d'un vécu passé, mais aussi un discours sur le contemporain.»
Cinq millions de personnes concernées
Les deux historiens précisent : «La construction du discours historique se fait dans la multiplicité des points de vue et en fonction des interrogations de chacun. Mais le traitement doit demeurer objectif et le conflit sur la méthode reste analogue à celui que connaissent toutes les recherches scientifiques.(3)» Mohamed Harbi et Stora rappellent : «Au total, plus de cinq millions de personnes, dans la France de ce début du XXIe siècle, sont directement concernées par la guerre d'Algérie. Avec des expériences très partielles, très individualisées, très différentes, où il se révèle difficile de délimiter les souvenirs communs. L'Algérie du début d'une guerre qui ne veut pas dire son nom, en 1954, n'est pas l'Algérie de la folie, de la haine ou de la liesse de l'année 1962. Dans la France actuelle, les groupes porteurs d'une mémoire enfouie se sont longtemps réfugiés dans le non-dit… Avec ses ambiguïtés, les contradictions militaro-politiques de son dénouement, la guerre d'Algérie est longtemps demeurée à demi taboue. (…) Longtemps, la mémoire des acteurs a pesé lourdement sur l'écriture des événements de cette période.»
Les organisateurs du colloque de la Sorbonne (op. cit.) précisent : «Par l'importance des enjeux qu'elle continue de véhiculer, la guerre d'Algérie révèle les rapports ambigus, conflictuels que l'historien entretient avec ses sources écrites ou orales, qu'il doit pourtant clarifier pour exercer son métier avec honnêteté. De ce point de vue, l'histoire de la guerre d'Algérie a une valeur méthodologique qui dépasse son propre objet.» L'Algérie est loin d'avoir écrit cette page de son histoire, quand bien même on assisterait à l'ouverture d'un débat et à une perte progressive du monopole du récit sur l'histoire. «Une autre histoire émerge, y compris dans les manuels scolaires. Dans les derniers manuels scolaires, il y a le portrait de Messali Hadj, c'est un tournant», note Benjamin Stora.
Dans un des entretiens qu'il nous avait accordés, Mohamed Harbi soulignait : «Peu de pays colonisés ont eu le sort tragique des Algériens. Parlons du 20 Août. C'est vrai que le comportement des insurgés n'était pas au niveau des valeurs dont se réclamait la résistance. Mais si on avait interrogé les victimes et les familles des victimes et si on avait fait le travail nécessaire, personne n'évoquerait aujourd'hui le 20 Août de la même manière. Et cela est vrai pour beaucoup d'événements. Qu'avons-nous fait en ce qui concerne les camps d'internement ? Les camps de regroupement ? Les prisons ? Nous devons nous sentir coupables de n'avoir pas fait nous-mêmes le travail de mémoire.» «Qu'a produit l'Organisation des moudjahidine qui puisse restituer l'ampleur de la tragédie algérienne ?» Quand les archives françaises se sont ouvertes, de tous les étudiants algériens que j'ai sollicités pour effectuer des recherches sur tel ou tel problème, aucun n'a accepté ; ils estimaient que ce qu'ils pourraient faire sur ce terrain objectivement, mais sans détachement, pourrait compromettre leur avenir vis-à-vis du Pouvoir algérien.
Mahfoud Kaddache, au colloque de la Sorbonne, en novembre 2003 (op. cit.), soulignait : «La multiplication de la documentation et des témoignages, le dialogue et la confrontation des méthodes de recherche et des résultats sont les plus sûrs garants de l'écriture d'une histoire scientifique narrant la vérité historique. Il faut savoir transcender les idéologies et les engagements personnels afin de respecter le savoir et la science de l'autre. Je rêve pour l'Algérie d'une histoire qui ne soit ni une histoire coloniale ni une histoire nationaliste, mais une histoire des peuples, de leurs conditions.»
Mohamed Harbi met en garde contre les tentations de révisionnisme quant à la restitution des faits et événements, attitude qui touche même certains historiens.
«On peut penser que l'heure de l'histoire dépassionnée est arrivée. Mais lorsqu'on examine la scène française, on voit ressurgir la parole de ceux qu'on peut appeler les vaincus de l'histoire, c'est-à-dire pieds-noirs, harkis… qui envisagent cette période de l'histoire, non pas en elle-même, mais en rapport avec l'actualité algérienne. Et ces vaincus de l'histoire veulent faire accréditer l'idée que la solution qui a été adoptée avec les Accords d'Evian était une mauvaise solution.» «Il y a aujourd'hui un vent de révisionnisme qui contamine même un certain nombre d'historiens.» Ce révisionnisme, Harbi l'explique : «L'Algérie n'a pas écrit l'histoire de la guerre d'indépendance qui a des dimensions multiples et profondes, l'histoire d'un peuple qui a vécu des épreuves douloureuses. Cette histoire s'écrit en France. Une distance réelle à l'égard de cette guerre est observée par la nouvelle génération de chercheurs qui considèrent globalement que c'est une guerre injuste. Mais dans le corps politique et dans les médias, on ne retrouve pas toujours le même sentiment.»
Ainsi Mohamed Harbi explique-t-il : «Les pieds-noirs croient que le responsable de leur malheur, c'est le FLN. Or, le responsable de leur malheur, c'est le fait qu'eux-mêmes se soient identifiés à des groupements aventuristes. Cela, on ne le dit pas assez. Parce que l'idée de l'égalité, pour eux, avec les Algériens dans une Algérie différente de l'Algérie coloniale, relevait de l'impensable. Ils n'ont jamais imaginé cela. Ils devraient revisiter les positions qu'ils ont prises à ce moment-là. Cela étant, la paix conclue, il faut admettre que les Algériens n'étaient pas en mesure, compte tenu d'un certain nombre d'hypothèques (l'action de l'OAS, la crise du FLN…), de maîtriser le cours des événements, et il y a eu une insécurité dont les dirigeants algériens étaient conscients. En juillet 1962, il y a eu un appel de Krim Belkacem et de Boudiaf pour mettre un terme aux arrestations, enlèvements et séquestrations.»
La question des harkis est «faussée»
S'agissant de la question des harkis, Mohamed Harbi considère qu'elle est «faussée» et qu'elle doit être «traitée». «La résistance algérienne a, dans ce débat, des atouts certains parce que des enquêtes sérieuses pourront déterminer ce qui s'est réellement passé et les harkis ne pourront plus se faire tous passer pour des innocents. Il y a eu peut-être des victimes innocentes parmi ceux qui ont aidé les Français, mais beaucoup sont dans la vengeance et non dans la politique. Ceux qui sont coupables ont droit à la justice. Encore que les Algériens avaient accepté l'amnistie pendant les négociations d'Evian. Pour les harkis, il ne faut pas consacrer le principe d'impunité, mais il faut traiter le sujet et en arriver au pardon, et le pardon ce n'est pas l'oubli.»
Sur le massacre de Melouza, «il faut le condamner officiellement. Des Algériens qui n'étaient pas des traîtres ont été tués. L'Etat algérien, héritier de la Révolution anticoloniale, doit assumer ses responsabilités.»
Et le spécialiste de l'histoire du FLN de considérer : «Le FLN n'a pas choisi la violence. La violence est intervenue quand il n'y a plus eu de possibilité de défendre par les voies légales ou la négociation une vision politique. Qu'il y ait eu ici ou là des dérives, c'est une chose, mais la violence du FLN était, pour l'essentiel, une violence révolutionnaire.»
Pour sa part, Benjamin Stora (El Watan, mars 2004) relevait : «Les passions sont toujours très vives, il y a en France des groupes de mémoire porteurs de la guerre et de la colonisation qui n'acceptent pas et ne reconnaissent pas l'indépendance de l'Algérie. 50 ans après, ils continuent à être dans une logique de négation du fait national algérien et ils sont toujours dans une problématique de revanche, de ressentiment. C'est une mémoire enkystée dans la société française, mais une réconciliation mémorielle se dessine progressivement. On l'a vu à travers l'Année de l'Algérie en France. Les nouvelles générations ne veulent pas vivre dans le ressentiment. Elles veulent essentiellement comprendre. C'est cela le passage à l'histoire.» «Ce sont des mémoires qui sont d'abord parallèles, parce que ceux qui ont été concernés par la guerre se sont situés des deux côtés de la barricade, ceux qui étaient pour l'indépendance et ceux qui étaient contre. Ce sont aussi des mémoires antagonistes. Mais ce qui les unit, c'est l'amour de l'Algérie. Mon travail sur l'Algérie depuis trente ans est de faire connaître l'histoire et d'essayer de parvenir à un apaisement citoyen, soit, à la fois sortir du silence – on n'est plus dans cette situation – et sortir du cloisonnement. C'est un autre enjeu.»
Benjamin Stora ajoute : «La guerre d'Algérie a été aussi une guerre civile franco-française. Des personnalités libérales françaises ont été assassinées par l'OAS. Il y a un traumatisme franco-français qui n'est pas évident à surmonter. Les cloisonnements internes à la société française s'ajoutent au cloisonnement franco-algérien. On sort du silence, mais il reste à faire circuler la mémoire, à faire en sorte que l'on entre dans la compréhension de la douleur de l'autre, dans le vécu de l'autre. Il faut comprendre la tragédie de l'arrachement pour les pieds-noirs, mais aussi les déplacements des populations paysannes algériennes, les exécutions sommaires de militants algériens, le bombardement au napalm de populations civiles du côté de Jijel…
On peut rentrer dans la souffrance des harkis après l'indépendance si on n'occulte pas les souffrances des populations algériennes victimes des exactions des harkis avant l'indépendance. S'il n'y a pas compréhension réciproque du drame vécu par l'autre, on ne peut pas arriver à la réconciliation. On ne peut pas exiger des Algériens qu'ils reconnaissent le massacre de Melouza, le massacre de harkis, les divisions internes du FLN… sans rien dire et sans rien demander aux Français du point de vue des crimes qu'ils ont accomplis. L'histoire doit prendre en compte la brutalité de cette guerre dans tous ses aspects.»
Extraits d'une interview accordée à El Watan en mars 2002
N. B.
– (1) Colloque les 23, 24 et 25 novembre 2003, l'Institut du Temps rrésent (CNRS), les universités Paris I, Paris IV, Paris VIII, l'Institut d'Histoire comparée des civilisations d'Aix en Provence et la Société française d'histoire d'Outre-mer (SFHOM) en hommage à Charles-Robert Ageron. Une quarantaine d'historiens français et algériens y ont pris part.
– (2) La Guerre d'Algérie – 1954-2004. La fin de l'amnésie. De la mémoire à l'histoire (éditions Robert Laffont). Le livre est sorti dans les librairies le 19 mars 2004, jour anniversaire des Accords d'Evian. Sorti le 19 mars 2004, le livre auquel ont contribué 25 historiens français et algériens regroupe également une bibliographie complète de la période étudiée. (3) Op cit.


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