Elle décroche un diplôme avec une spécialisation en haute couture. A l'indépendance, elle crée, du prénom de sa fille, le label Nassila.Voulant à tout prix s'affirmer, elle organise, en 1963, son premier défilé de mode à l'hôtel Saint-George, constitué exclusivement de costumes traditionnels. Son souci majeur, à l'époque, était de réhabiliter le patrimoine algérien. Elle a essayé avec succès de le faire revivre en le modernisant, en apportant, comme elle le dit si bien, sa touche personnelle. Ce premier défilé lui ouvre la porte des consécrations, de la gloire. Avec un style personnalisé, elle instaurera sa propre griffe en fidélisant une clientèle féminine. Depuis des années, elle participe, régulièrement à l'étranger à des défilés de mode. Deux fois par an, elle défile à Paris. Sur un ton fier, elle confie que quand elle défile en France ou dans un autre pays européen, ce qui l'interesse, c'est de montrer les potentialités de l'Algérie : «Je ne présente pas comme étant la maison de haute couture Nassila. Je représente l'Algérie avant tout, et là je peux vous dire que j'en suis fière.» Elle a été la première femme algérienne à entrer en 1995 au Carrousel du Louvre, qui est le panthéon de la couture mondiale. Elle se souvient également que le couturier parisien Yves Saint-Laurent s'était inspiré du caraco et du seroual qu'elle avait présentés en 1966 et repris à Paris dans les années 1980. La couture chez cette grande dame est une affaire de famille. Sa fille Nassila a fait des études de haute couture et de stylisme modélisme à Paris. Toujours en France, elle a suivi des cours dans une école de mannequinat. Elle s'est installée au Caire avant de revenir au pays pour travailler avec sa mère dans le prêt-à-porter. C'est dans une sorte de complémentarité que la mère et la fille unissent leurs efforts et leur créativité pour se consacrer l'une à la haute couture et l'autre au prêt-à-porter. La clientèle de Nassila est l'étudiante, la dame modeste ou encore la grande dame. «Je ne peux qu'être fière d'habiller la femme sur deux générations.» Les prix de ses articles, dit-elle, sont en fonction du degré de sophistication. «Les prix sont arrêtés selon la valeur du travail sur le vêtement. Chez Nassila, c'est la qualité et pas le prix. Dans le prêt-à-porter, de belles choses sont cédées à des prix abordables.» La styliste compte reprendre en main son école de mannequinat qu'elle a créée en 1986. Mais pour des raisons sécuritaires ses portes ont été fermées. «Les jeunes talents ont besoin qu'on les oriente et qu'on leur apprenne les critères de mode internationaux». Samedi soir au palais de la culture Moufdi Zakaria de Kouba, Nassila a organisé un très beau défilé de mode, présentant sa collection d'hiver 2005. En fait, les créations présentées ont été signées par la mère et la fille. En parfaite symbiose et complicité, les deux dames ont exhibé un tableau coloré, plongeant d'emblée les présents dans un voyage initiatique à travers les différentes régions de l'Algérie. Dans des coupes parfaites, avec des tissus soyeux et des accessoires adéquats, le pays a été revisité dans sa richesse et sa diversité. On pouvait apprécier à sa juste valeur le haïk marma avec son pantalon bouffon et son qouiète, le karakou en velours travaillé avec la technique du medjboud, la robe kabyle avec ses différentes créations ou encore la robe du Sud avec ses tissus aux couleurs chatoyantes. La maison de couture Nassila est devenue, par la force du temps et de l'expérience, une griffe attitrée où la clientèle se bouscule devant le portillon de sa boutique. Nassila est plus qu'une référence dans le monde de la mode. Elle est considérée sur la place d'Alger comme la doyenne de la haute couture.