En l'absence de statistiques fiables établies par les services de la wilaya, le phénomène de l'emploi des enfants demeure une plaie béante dans notre société. Bouira. De notre bureau Il suffit, en fait, de faire un tour dans les marchés pour constater que des jeunes adolescents, en âge d'aller à l'école, vaquent à des occupations au péril de leur frêle jeunesse sans que cela n'émeuve outre mesure les pouvoirs publics. On trouve ces enfants de 10 à 18 ans sur les trottoirs, proposant des marchandises étalées à même le sol, au marché hebdomadaire, revendant des fruits et légumes, voire sur les chantiers et autres usines privées à fabriquer des parpaings, échappant au regard et à la vigilance de l'inspection du travail. « Le phénomène du travail des enfants interpelle toute la société et les pouvoirs publics qui doivent mettre un terme à l'exploitation machiavélique de cette frêle jeunesse par des employeurs qui osent recruter à bon marché des enfants issus de couches défavorisées », dit, dépité, un enseignant. Il conçoit mal que la législation du travail ne soit pas appliquée avec vigueur pour châtier les contrevenants qui sont passibles de peines d'emprisonnement sous d'autres cieux. Par ailleurs, lors d'une rencontre organisée récemment par les directions de l'action sociale, de l'éducation et l'inspection de travail de Bouira pour sensibiliser et informer sur ce phénomène, il ressort des chiffres communiqués que l'exploitation des enfants n'est pas si inquiétante. Ce que récuse un enseignant, arguant du fait que les chiffres en question ne reflètent pas la réalité du terrain. Preuve en est, ajoute-t-il, que les recensements effectués par les différents services (DAS, DE, inspection du travail) ne prennent pas en considération les emplois qui n'ont pas été communiqués ou ceux n'ayant pas fait l'objet de perquisition. Ces recensements font aussi abstraction des cas rencontrés dans d'autres créneaux tels que le ramassage des objets pour la récupération et le recyclage, le travail dans les champs chez les fellahs et bien d'autres cas non connus jusque-là, à l'image des vendeurs de galettes, de figues… au bord des autoroutes. Ces enfants sont exploités par des commerçants moyennant quelques sous. D'aucuns estiment, en revanche, que le travail des enfants est un épiphénomène qui résulte de la déperdition scolaire des moins de 18 ans. Cette catégorie d'âge, notamment dans les familles modestes, verse systématiquement dans le monde du travail. Pour étayer ses chiffres et faire la lumière sur la déperdition scolaire au niveau de la wilaya de Bouira, la direction de l'éducation avance, pour la période 2004-2005, 7472 élèves sur 55 000 scolarisés qui ont quitté l'école avant d'atteindre 18 ans, soit un taux de 13%. Alors que, comparativement à ladite période, l'année scolaire écoulée a enregistré un taux de déperdition de 9,33%. Sur les 55 901 élèves scolarisés, la direction de l'éducation a enregistré pas moins de 5700 élèves ayant quitté les bancs de l'école. En définitive, on ne peut prétendre juguler le phénomène de l'exploitation des enfants de moins de 18 ans sans pour autant prendre en considération le fait qu'il est plutôt juste de les protéger contre la déperdition scolaire qui est en général due à la pauvreté des parents, qui ne parviennent plus à assurer les frais de scolarisation de leur progéniture. Outre donc la nécessité de sévir contre les recruteurs d'enfants de moins 18 ans en appliquant la législation coercitive qui s'impose, l'apport de l'Etat pour protéger les cas sociaux qui ne peuvent pas, faute de moyens, suivre leurs études, est impératif. C'est à ce niveau, justement, qu'il faut agir. L'instauration d'un numéro vert pour alerter les autorités sur l'exploitation des enfants est aussi un moyen qui participe d'une stratégie de lutte contre ce fléau rampant.