A chaque occasion protocolaire, on ressort les fameux projets skikdis (le tunnel de Bouyala, la route de l'Ilot des chevriers…). Les mêmes «utopies» qui reviennent depuis des décennies déjà et qu'on expose comme un faire-valoir de bonne gouvernance. Dans cette manie de délirer, on oublie l'essentiel : le quotidien. Ce dernier n'est pas toujours facile à vivre pour une population qui double de décennie en décennie dans les mêmes limites d'un espace cloîtré avec, cependant des commodités en moins et la décrépitude en plus. Skikda suffoque. Le tissu urbain de la vieille ville se meurt. La moitié de la population skikdie habite encore dans les immeubles qui datent des années 1840, tous construits avec des matériaux souples. Aujourd'hui, ils tombent en ruine. Des 460 immeubles (plus de 2800 appartements) constituant le centre-ville, seuls 54 immeubles sont jugés en bon état. Les immeubles menaçant ruine représentent plus de 50% du parc immobilier. En plus de ces réalités, le centre-ville subit aussi un grand chaos urbain. L'avidité des uns et l'incompétence des autres se bousculeront des années durant pour étouffer le centre-ville en le privant de ses aires encore libres. On a cloîtré la ville et ses habitants dans un espace où l'air est irrespirable, les routes impraticables, l'éclairage public défaillant, les réseaux sous-dimensionnés. On n'y enregistre qu'un seul développement : celui des déchets qui jonchent les ruelles. Au centre de Skikda, il demeure encore un trou béant taillé en plein cœur de la ville. Les terrains vagues dégagés en 1996 après la démolition de 46 immeubles du quartier napolitain sont une preuve de la bêtise. Ces terrains, situés en plein centre-ville, servent aujourd'hui de réceptacle aux poussières et à la gadoue. Un paysage chaotique et rural. Dans le même quartier qui fut jadis un repère de l'urbanité skikdie et une curiosité bien locale, il demeure encore 153 bâtisses quasiment en ruine. Selon une étude officielle, seuls 32 immeubles sont jugés plus ou moins en bon état, le reste continue à combattre l'humidité, la moisissure et aussi l'insouciance des responsables. Et dire que dans ces lieux vivent plus de 760 familles, c'est-à-dire une population de 4000 habitants qui continuent à partager des toilettes collectives. Quant aux autres commodités, elles sont quasiment absentes, puisque les trois quarts des immeubles ne disposent pas de salle de bains et que seuls 20% disposent d'une cuisine. Dans la même continuité du délabrement, et à quelques mètres du quartier napolitain se dressent encore, enfin presque, les fameusesa Arcades de Skikda. Elles donnaient dans le temps un cachet de civilité à la ville, aujourd'hui elles vivent une grande déchéance. A l'intérieur, la saleté est omniprésente. Toiles d'araignées, plafonds carrément délabrés, poussière… En s'y promenant, on constate vite que les lieux n'ont jamais connu de toilettage. Tout au long des 760 m des lieux, il n'existe aucune corbeille à papier. Celles qui existaient ont été enlevées «par mesure sécuritaire» lors de la première visite de Bouteflika à Skikda il y a plus de deux années et depuis on a oublié de les remettre à leur place. L'entreposage de couches de crasse fait des lieux un endroit des plus sales de la ville de Skikda. Certains commerces, donnant sur cette allée et qui se concurrencent sur l'agencement de leurs intérieurs, devraient un peu penser à leur extérieur en nettoyant de temps en temps devant leur porte. Mais le plus désolant dans l'histoire des arcades de Skikda, c'est l'incroyable idée qui effleura en 1996 les responsables locaux qui s'étaient empressés de «sécuriser» les lieux, suite à l'effondrement d'un immeuble, en érigeant des poutres métalliques pour «soutenir les immeubles donnant sur les arcades et éviter leur effondrement en attendant de rafistoler les bâtisses». Ce fut bien sûr la couleuvre du siècle à Skikda, puisque ces poutres ne soutiennent absolument rien et que cet arrangement «momentané» dure encore. Chacun sait que les immeubles longeant cette avenue ont été construits sur un sol gorgé d'eau. Ce fut là l'ancien lit d'oued Zeramna que les colonisateurs avaient dévié pour y construire en 1938 l'avenue où une nappe phréatique assez importante demeure à nos jours. Il suffit juste de se souvenir que durant la grande sécheresse, qui s'était abattue sur la ville en 2001, les puits personnels de plusieurs magasins implantés le long de l'avenue ne désemplissaient jamais et arrivaient même à alimenter une grande partie de la population. Donc, il serait quand même assez inopportun de dire que ces poutres métalliques corrodées peuvent soutenir des immeubles. A moins de chercher à fuir ses responsabilités et laisser ces poutres nuire à un paysage urbain déjà assez amoché, car il faudrait reconnaître, aujourd'hui qu'il n'y a désormais plus d'arcades à Skikda. La bêtise les a transformées en… cages !