Le commerce intermaghrébin peine à dépasser le seuil des 3% des échanges extérieurs de chacun des pays de l'UMA, au moment ou l'Union européenne en canalise 70%. Par pays, les exportations algériennes à destination du Maroc et de la Tunisie sont de l'ordre de 0,7% alors que ses importations sont de 0,8%. Le pays de Mohammed VI importe 1,4% de ses besoins depuis l'Algérie. Même chose pour la Tunisie, dont les importations provenant des voisins maghrébins sont estimées à 1,1% alors que les exportations qui y sont destinées sont de 1,9%. Ces chiffres, de par leur insignifiance, renseignent, si besoin est, sur le peu de cas fait à la coopération intermaghrébine. C'est la conviction amère relevée par de nombreux experts réunis à Tunis à l'occasion de la célébration du 20e anniversaire de l'Union du Maghreb arabe (UMA), fondée le 17 février 1989. Preuve en est, selon eux, la signature « sans une concrétisation sur le terrain », de 37 accords et conventions. Les discours ronronnants servis deux décennies durant n'arrivent toujours pas à donner une consistance à une intégration économique longtemps otage des problèmes politiques entre les cinq pays composant l'UMA. Première pierre d'achoppement : le dossier du Sahara occidental. Les cinq dirigeants de l'organisation n'ont pas réussi à tenir de sommet depuis 1994, date à laquelle la frontière entre l'Algérie et le Maroc a été fermée. « Pays voisins et frères », selon la formule consacrée, ces mêmes pays préfèrent toutefois faire les yeux doux au marché européen. Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international (FMI), exhortait en novembre dernier les dirigeants des pays maghrébins à s'appliquer à eux-mêmes les relations qu'ils entretiennent avec l'UE. Pourtant, ce ne sont pas les potentialités qui manquent. Mohamed Nouri Jouini, ministre tunisien du Développement, a indiqué durant ce colloque de Tunis que la zone Maghreb concentrait près de 3% des réserves mondiales en pétrole, 4% des réserves en gaz naturel et 50% des réserves prouvées en phosphates. Un potentiel qui reste « inexploité », selon lui. Mabrouk Bahri, président de l'Union maghrébine des agriculteurs, organisateur du colloque, a sonné le tocsin en alertant les pays de l'UMA sur le risque d'affronter en rangs dispersés les défis de l'insécurité alimentaire, du changement climatique, de la rareté des ressources halieutiques et du manque d'eau. Hédi Djilani, président de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'industrie (UTICA) et de l'Union maghrébine des entrepreneurs (UME), a déploré, pour sa part, l'absence de réglementations et d'instruments financiers communs, en mettant en cause les problèmes des transports aérien, maritime et terrestre dans la région. Ce dernier a surtout imputé au secteur privé « la responsabilité du non-Maghreb », tout en dénonçant « un environnement caractérisé par son protectionnisme et sa faible disposition à accepter les règles de la libre concurrence ». Il a appelé à la levée des barrières douanières et financières existantes et au rapprochement des politiques nationales en la matière. Les produits agricoles représentent près de 11% du total du commerce régional, selon l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche. Au-delà de cette intégration économique au ralenti, le blocage du projet de l'UMA tire aussi son explication, sans conteste, d'un déficit démocratique. C'est ce que notait une enquête menée par le Centre d'études et de recherches internationales (CERI) de Paris réalisée en 2006, en collaboration avec l'Institut national des études stratégiques et globales (INESG) d'Alger.