Au moment où partout dans le monde les groupements régionaux sont devenus un besoin primordial pour une intégration politico-économique permettant de contrecarrer toute agitation externe, l'idée d'un espace maghrébin commun a du mal à se libérer des carcans politiques liés, notamment, à la l'affaire du Sahara occidental. La tendance était, depuis des lustres, d'appeler à l'union sans se permettre d'aligner des jalons tangibles accédant à cet objectif. Laissant les frictions et les divergences politiques de côté, les opérateurs économiques privés maghrébins souhaitent accorder leurs violons en vue d'aboutir à une union économique réelle. Pour eux, il n'est plus question de tergiverser sur cette question. Ainsi, discuter des moyens permettant de stimuler l'intégration économique et commerciale de la région est à l'heure actuelle une exigence primordiale. Non seulement elle est considérée comme une des réponses prépondérantes à la conjoncture actuelle imprégnée par la crise financière et économique mondiale, mais elle constitue également une source pérenne de croissance économique partagée et durable. C'est avec cet esprit d'entraide mutuellement affiché par les hommes d'affaires maghrébins que les travaux du premier Forum des employeurs du Maghreb ont été ouverts, hier, à l'hôtel Sheraton, à Alger, auquel près de 700 chefs d'entreprise originaires des cinq pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et Mauritanie) ont pris part. Pour le président de la Confédération algérienne du patronat (CAP) Boualem M'rakech, l'un des organisateurs de cette rencontre et membre fondateur de l'UME, "si l'annonce de l'organisation de cet événement a été perçue au départ tel un projet irréalisable, aujourd'hui la conscience et le dévouement des cinq Confédérations patronales maghrébines, (l'UNPM pour le Maroc, l'UTICA pour la Tunisie, la CAP, la CGOEA, et la CNPA pour l'Algérie) permet de joindre le geste à la parole", a-t-il déclaré, tout en ajoutant que "nous avons la charge et la mission de nous adapter face à des exigences qui se globalisent de plus en plus. De l'audace, nous n'en avons pas manqué pour asseoir notre union. Nous sommes déterminés à atteindre un seuil qualitatif en vue d'assurer un avenir commun et un essor pérenne". M. M'rakech a affirmé dans ce sens que ''l'intégration économique des pays de l'UMA est la voie incontournable et un instrument privilégié pour arrimer ce groupement économique à l'économie mondiale.'' Il a relevé, dans ce contexte, la faiblesse des échanges commerciaux entre les pays maghrébins, estimé à moins de 3% des échanges des pays maghrébins. "Un volume qui reste très limité, comparé à celui de l'ensemble des échanges des pays de l'UMA avec l'Union européenne qui représente pas moins de 70% de leur commerce extérieur", a-t-il précisé. Selon une étude sur "la vision du secteur privé sur le processus d'intégration maghrébine", réalisée par un bureau de Consulting, l'Algérie écoule sur le marché communautaire 62% de ses exportations et en achète 58%, tandis que le Maroc effectue 60% de ses échanges commerciaux avec l'Europe, alors que près de 78% des exportations de la Tunisie sont destinés à l'Union européenne qui assure, à son tour, 72% des importations du pays, a indiqué M. M'rakech. En outre, l'étude soutient que le retard accusé dans le processus d'intégration économique coûte à chaque pays de la région 2% de son PIB par an, alors que le volume des investissements privés intermaghrébins reste "limité". Pour le Bureau d'Afrique du Nord de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), à travers un message lu par un de leurs représentants, suite à l'absence imprévue de Mme Karima Bounemra Bensoltane, directrice dudit bureau, celle-ci a souligné son soutien entier à l'intégration maghrébine. "Notre bureau est disposé à ne ménager aucun effort pour accompagner le processus d'intégration économique maghrébin. Nous mettons à votre disposition tous les moyens nécessaires, notamment la plate-forme électronique de la CEA, en vue d'aboutir à cet objectif. A l'heure actuelle, seuls les blocs régionaux économiquement intégrés peuvent tirer leur épingle de jeu. C'est uniquement à travers de tels regroupements que la nouvelle gouvernance mondiale est accessible". Le même représentant a révélé qu'une étude sur la place des PME au Maghreb est en cours de réalisation par le Bureau et qu'un sondage a été lancé durant ce forum afin de rassembler les avis des participants à cette rencontre sur les opportunités d'affaires et les contraintes à l'investissement et au commerce intra-maghrébin. Pour le secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe, M. Habib ben Yahia, ce forum constitue une opportunité extrêmement importante. Non seulement elle pourrait aboutir sur le changement du cadre économique, mais aussi elle permettra l'exploitation des moyens offerts afin d'étendre le cercle des échanges entre les pays. "Le secteur privé a toutes les capacités requises afin de "maghrébiniser" la production, créer un label maghrébin pour aboutir sur un pôle de croissance qui s'impose sur la scène mondiale", a déclaré M. Ben Yahia. Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, M. Tayeb Louh, quant à lui, a insisté sur le rôle actuel des regroupements économiques régionaux, notamment dans la création de nouveaux postes d'emploi, l'augmentation de la croissance et du volume des échanges commerciaux. "La modernisation des systèmes financiers et douaniers ainsi que la modernisation des ports, sont entre autres, les questions prioritaires facilitant l'intégration économique maghrébine", a-t-il indiqué. Le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, M. Abdelhamid Temmar, a signalé que "la meilleur défense contre la mondialisation qui nous submerge actuellement est de réaliser une union. Cependant, le problème ne réside pas seulement dans la création d'un marché uni, le problème c'est que les entreprises maghrébines soient en mesure d'avoir une compétitivité vis-à-vis des entreprises européennes, notamment, avec la mise en œuvre de l'accord d'association avec l'Union européenne". Selon le ministre, les relations industrielles intra-maghrébines sont extrêmement fortes contrairement aux relations commerciales. Interrogé sur l'ouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc, M. Temmar a indiqué que "les deux gouvernements sont maintenant décidés à se rapprocher pour trouver les bonnes solutions". Dans le même contexte, le président de l'Union maghrébine des employeurs (UME), Hédi Djilani, a indiqué que "si nos rangs demeurent dispersés, nous mettons l'avenir des générations qui viennent dans une aventure périlleuse". Selon lui, l'UME englobe des aspirations et des idées rationnelles permettant l'intégration économique et ce, à travers les projets fédérateurs qui sont en voie d'éclore. En marge de la rencontre, il a indiqué que l'homme d'affaires croit à un marché uni. Ce qui constitue une des craintes majeures de l'homme d'affaires maghrébin, selon lui, c'est qu'au moment où le monde est complètement libre et mondialisé, nous, pays maghrébins nous n'avons pas de place. "Ce que nous voulons, c'est que nos hommes politiques prennent la décision d'ouvrir les frontières (entre l'Algérie et le Maroc), facilitent le commerce et prennent la décision de faire en sorte que ce marché uni maghrébin ait un jour réellement une existence. Toutes des conditions permettant la création de ce marché existent. Ce qui manque, actuellement, c'est la décision politique". Hamid Mohandi