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Egypte : le pouvoir aux blogueurs
La société cairote entre le « moussalssal et l'underground »
Publié dans El Watan le 24 - 02 - 2009

D'abord le visa. Entre 5 et 10 jours en temps de paix. 2100 DA pour un mois en formule touriste. Plus le billet : 59 000 DA sur Air Algérie. Le vol est bondé. « Il part toujours plein », commente un prof de fac dans la file à l'embarquement. Dans le lot, il y a de tout : des doctorants, des étudiants à l'université d'Al Azhar, des businessmen.
Le Caire (Egypte) : De notre envoyé spécial
Tout le monde ne va pas en pèlerinage aux pyramides de Ramsès et Toutankhamon. Il faut trois heures et demie à quatre heures pour atteindre Le Caire. Quand on débarque dans la capitale égyptienne pour la première fois, on se sent presque dans une ville familière. C'est surtout le cas de ceux qui possèdent les codes de la culture égyptienne, que ce soit par la « voix » de la musique (Mohamed Abdelwahab, Oum Kaltoum, Sayid Mekkaoui…), par le canal de la littérature (Naguib Mahfouz, Gamal Al Ghitani, Alaâ Al Aswany), par le cinéma (Youcef Chahine, Henry Barakat, Salah Abou Seif) ou encore via ce média très populaire qui a marqué des générations d'Algériennes et d'Algériens : le feuilleton télé, le fameux « moussalsal de 19h » d'antan. Le Caire. Ville tentaculaire, millénaire, baroque, épicée, folle, festive vous ensorcelle, oui, dès l'aéroport d'Héliopolis, une très belle structure de facture high-tech.
Le temps est doux. Un bon 20° en plein hiver. On a coutume de dire de Paris ou de Rome que ce sont des « villes musées ». Eh bien au Caire, tout est précieux. La ville dégouline de culture, regorge d'histoire, elle dont chaque empan de mur est un hiéroglyphe à déchiffrer et chaque édifice, palais, khan, venelle ou souk un vestige fatimide, mamelouk ou ottoman. Et quand vous descendez à Khan Al Khalili, c'est l'envoûtement total entre la somptueuse mosquée Al Hussein (où, affirme-t-on, la tête d'Al Hussein, le petit-fils du Prophète, est enterrée, lui qui a été décapité à Karbala) et le fameux café El Fishawi qu'affectionnait Naguib Mahfouz. C'est d'ailleurs un lieu très couru que ce bazar turc datant du XVIe siècle. Il est bondé de touristes et c'est ce qui explique qu'il a été visé par l'attentat de ce dimanche, une attaque terroriste qui a fait, rappelle-t-on, 1 mort – une touriste française de 17 ans – et 25 blessés. En avril 2005, le même bazar avait fait l'objet d'un attentat terroriste, tuant trois touristes.
Au-delà du « film massar »
Mais tout cela, tout ce Caire pittoresque, ce n'est peut-être que le vernis. Le côté « carte postale ». Le dernier attentat, ajouté à tous ceux qui l'ont précédé (Taba, Charm Al Sheikh, etc.), ajouté aux séquelles psychologiques de la dernière guerre contre Ghaza, rappelle qu'on est tout de même dans une ville sous tension, au cœur du Proche-Orient et ses spasmes violents. Au reste, la misère sociale écorche ce tableau romanesque. Le vieux Ahmed, chauffeur de taxi, peste contre la cherté de la vie en accablant Moubarak. « Mon fils est fonctionnaire. Il touche à peine 300 livres (environs 3600 DA). Comment va-t-il vivre avec un salaire aussi dérisoire ? Pour arrondir ses fins de mois, je lui laisse le taxi le soir », dit-il, avant d'ajouter : « Les salaires ont augmenté de 30%, mais les prix de 150% ! » La crise financière semble avoir aggravé les choses. Le tourisme, première ressource de l'économie égyptienne, a accusé un coup. Avec l'attentat de Khan Al Khalili, la destination Egypte risque d'être boudée par les tour-opérateurs. La vie au Caire grouille. Les Cairotes sont d'un commerce agréable. Les Egyptiens ont du miel sur la langue. Beaucoup sont, il est vrai, de parfaits bonimenteurs, ne voyant en vous qu'un client potentiel à plumer. Il n'est pas rare de voir un chauffeur de taxi vous tendre une cigarette par courtoisie. Avant de vous assommer avec un tarif qui peut atteindre dix fois le prix appliqué localement.
Une horloge biologique bien orientale
Cairo by night. La nuit, Le Caire ne dort pas, suivant en cela le cycle d'une horloge biologique bien orientale. La mégapole brille de mille enseignes. Les commerces, les boutiques, les échoppes, les bureaux de change, les restaurants fourmillent de monde. C'est un peu la rue Didouche Mourad au plus fort de l'effervescence des soirées ramadhanesques. Une faune de rabatteurs vous accroche à chaque coin de rue. Les hôtels sont très abordables, une chambre d'hôtel très correcte au centre-ville pouvant se négocier à 110 ou 120 livres (environ 1500 DA). La ville est bien irriguée côté transport. Les taxis sont légion, mais c'est surtout grâce au métro que le Caire respire. En outre, le métro donne un côté très urbain, très « contemporain » à une cité au cachet pittoresque marqué. La première ligne du métropolitain, desservant l'axe Ramsès-Halouane, a été mise en service en 1987. Dans les entrailles du métro, la misère se retranche dans les plis suburbains. Sur l'esplanade de la place Al Hussein, à Khan Al Khalili, les mendiants crient famine. Des cireurs de chaussures proposent leurs services pour quelques piastres. Les appariteurs et autres femmes de chambre dans les hôtels sont à l'affût du moindre bakchich. Mais les gens vivent, sortent, rigolent, travaillent, acceptent leur sort avec une douce résignation. Les librairies, les cinémas, les cafés populaires, les restos foisonnent. Des petits riens qui font d'une ville un espace convivial ou, au contraire, un mouroir lorsqu'ils viennent à manquer.
De « kifaya » à l'activisme de la blogosphère
Au-delà de cette Egypte fataliste, l'Egypte des « ghalaba », celle des gens pauvres et résignés, se dresse une autre Egypte jeune, rebelle et insolente. Elle a commencé à bouger de façon décisive au milieu des années 2000 avec le mouvement des magistrats relayé par la mouvance Kifaya (littéralement « ça suffit ! »), celle du Mouvement égyptien pour le changement. Leur principale revendication : de vraies réformes démocratiques, en finir avec le régime Moubarak corrompu et écarter toute velléité de pérennisation héréditaire du pouvoir au profit de son fils, le « prince héritier » Gamal Moubarak. Ces dernières années, ce mouvement puissant de la société civile s'est vu réactivité sur la Toile à la faveur d'une poignée de cyber-activistes qui ne manquent pas de donner du fil à retordre au régime égyptien. L'un des symboles de cette génération est Wael Abbas, initiateur d'un blog très influent qu'il a créé en 2004 et baptisé Al waae al misri (conscience égyptienne) (http://misrdigital.blogspirit.com). Diplômé de lettres anglaises et journaliste free-lance, ce jeune de 35 ans est une véritable icône de l'underground cairote. Il fait en tout cas beaucoup de mal au régime avec son blog, à telle enseigne, dit-il, qu'« un haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur m'a accusé, dans un talk-show, d'être un dangereux criminel pour me discréditer » (lire interview). Loin du caractère « adolescent » de la majorité de nos blogs, « conscience égyptienne » se veut un canal pour dénoncer les atteintes au droits de l'homme, la torture dans les commissariats, les injustices subies par l'homme de la rue égyptienne. « Moi je ne suis pas de ces bloggueurs en pyjama qui se contentent de faire de la résistance en pantoufles derrière leur PC », lâche Wael Abbas. « J'ai pris part à toutes les manifs du mouvement des magistrats. D'ailleurs, c'est nous qui avons alimenté Kifaya », ajoute-t-il. Et de préciser : « Après, quand Kifaya a commencé à s'essouffler, nous avons lancé un autre mouvement : chabab min agli attaghyir (des jeunes pour le changement). » Ainsi, pour lui, le blog n'est qu'un média, certes plus libre, mais qui ne saurait se substituer à l'action de terrain.
Abou Ghreib dans les commissariats du Caire
Ces jours-ci, sur le blog de Wael Abbas est postée une vidéo poignante dénonçant des sévices physiques et sexuels infligés à un jeune. Cela s'est passé dans un commissariat de Aïn Chams. La vidéo, crue, n'est pas sans rappeler les scènes avilissantes subies par des détenus irakiens dans la prison d'Abou Ghreib de sinistre mémoire. On peut y voir un jeune homme nu, les mains et les pieds attachés, et un policier le sodomisant à l'aide d'une bouteille de soda. La vidéo a été filmée par une femme qui était internée dans le même commissariat, précise Wael Abbas. Cette femme a ainsi eu le courage de filmer ce détenu avec son téléphone portable et la chaîne citoyenne a fait le reste. Wael Abbas a provoqué récemment un procès par la diffusion d'une vidéo similaire qui a fait scandale et qui a valu aux auteurs de ces sévices une condamnation à trois ans de prison ferme. Une première. Wael Abbes a une autre action d'éclat à son actif : il a lancé, début février, une campagne de solidarité pour le moins cocasse avec un bloggueur du nom de Mohamed Adel, alias Al Amid Meet. Mohamed Adel était, semble-t-il, à Ghaza dernièrement et à son retour, il avait posté sur son blog une photo où il posait avec une kalachnikov. Il n'en fallut pas plus aux services de sécurité égyptiens pour l'interpeller sous le motif d'appartenance à une organisation djihadiste et d'avoir participé à un camp d'entraînement du Hamas. En guise de riposte, Wael Abbes et d'autres bloggueurs organisent une campagne de soutien empreinte de dérision en se faisant passer pour de dangereux terroristes relevant d'une organisation qu'ils ont baptisée « organisation du 30 février ».
Une communauté de 170 000 bloggueurs
Faisant dans la provoc', Wael et sa bande publient sur Facebook et sur leurs blogs respectifs une série de photos dans lesquelles ils posent avec toutes sortes d'armes (des fusils en plastique bien évidemment) ainsi que d'autres photos où ils parodient Ben Laden et les « spots » d'Al Qaïda diffusés sur Al Jazeera. Une manière pour eux de souligner le ridicule de cette interpellation et de signifier : « Si Mohamed Adel est un terroriste, alors nous sommes tous des terroristes. » Dans un communiqué loufoque, Wael Abbes écrit sur son blog : « Nous avons décidé, nous, la glorieuse organisation clandestine interdite et "undergroundiste", l'organisation du 30 février (…) de mener une contre-offensive en répondant au grotesque par le grotesque. » La campagne a connu un succès tel qu'elle a été relayée largement par les médias. Mais à l'heure où nous mettons sous presse, nous ne savons toujours pas si Mohamed Adel a quelque chance d'être relâché ou pas.
Forte de quelque 170 000 blogueurs selon Wael Abbas qui cite un chiffre officiel, la blogosphère égyptienne représente une plateforme revendicative très dynamique et joue un rôle de plus en plus important dans la dénonciation des exactions du régime. Là où les atteintes aux droits humains pouvaient passer sous silence, aujourd'hui, avec le pouvoir de Youtube, de Bluetooth et des téléphones portables, tout éclate à la surface. « Ils peuvent bâillonner la presse, ils ne peuvent pas contrôler internet », se félicite Wael Abbes. Notre cyber-dissident affirme que même si les blogueurs ont de plus en plus maille à partir avec la justice et les services de sécurité, les activistes de la Toile égyptiens ne sont pas empêchés de diffuser leurs contenus subversifs. Une liberté de ton que l'on retrouve d'ailleurs dans une partie de la presse écrite, à l'instar d'Al Doustour du tonitruant Ibrahim Issa. Wael Abbas a décroché plusieurs distinctions internationales, dont le prix Human Rights Watch 2008, celui de personnalité la plus influente de l'année 2006 décerné par la BBC ainsi que le trophée du site Misriyoune dhida al fassad (Egyptiens contre la corruption).


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