Georges Labica vient de décéder ; il a été enseignant en Algérie de 1956 à 1968 et, à ce titre, a formé et éveillé à la conscience des luttes politiques de libération toute une génération de jeunes algériens qui lui doivent beaucoup dans leur compréhension de l'évolution de leur pays et du monde. Né à Toulon (Var) en décembre 1930, d'un père ouvrier d'origine italienne et d'une mère infirmière, il grandit dans un milieu laïc de forte tradition démocratique et politique. Sa sœur, infirmière, sera militante et dirigeante fédérale communiste dans les Alpes-Maritimes, où la famille s'installe deux ans après la naissance du garçon. Il poursuit ses études à Nice puis à Aix-en-Provence et à Paris comme étudiant salarié. Enseignant, il rejoint son premier poste en octobre 1956 en pleine bataille d'Alger. Anticolonialiste dans l'âme, il s'engage pour le combat pour l'indépendance algérienne, tissant rapidement des liens avec les réseaux du FLN de la Zone autonome et apporte son soutien aux maquisards, comme le feront aussi d'autres intellectuels français en poste à Alger. C'est à Alger qu'il rencontre Nadya, celle qui deviendra sa femme et qui sera institutrice. Ne voulant pas être mobilisé dans les forces de répression coloniale, il parvient à se faire affecter en 1958 dans les chasseurs alpins à Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence) où il reste 28 mois. C'est au cours d'un de ses séjours à Nice qu'il rencontre l'ethnographe Germaine Tillion, venue le voir pendant une mission de bons offices entre le gouvernement français et le FLN. De retour à Alger en 1960, Georges et Nadya doivent affronter la fureur de l'OAS, qui les ont « condamnés à mort » et a mis leur tête à prix. Le couple doit regagner la France en mars 1962 avant la fin de l'année scolaire. Passé le cessez-le-feu, le référendum et la proclamation de l'indépendance algérienne en juillet 1962, Georges Labica obtient un poste à la faculté d'Alger. Il s'efforce de former les futurs cadres de l'Etat algérien naissant, élargissant son horizon intellectuel et culturel. Il collabore à El Moudjahid, organe du FLN, participe à de grandes campagnes d'alphabétisation, s'implique dans les débats de l'heure et s'engage dans le combat syndical en tant que délégué de section de l'enseignement secondaire (SNES). En tant qu'enseignant chercheur en Algérie, toujours près de ses étudiants, d'une extrême rigueur, Il consacre ses premiers travaux aux penseurs de l'Age d'or arabe (notamment Ibn Kaldoun dont il publiera un ouvrage remarqué), sous la direction de l'orientaliste et militant anti-impérialiste Maxime Rodinson. Sa relation avec le tiers-monde, les combats pour la décolonisation, contre le néo-impérialisme ont toujours été une dimension essentielle de son engagement d'intellectuel, syndical et militant. Dans le même moment, où les débats sur les voies de développement indépendant et les luttes anti-impérialistes connaissaient leur apogée, dans Alger capitale du tiers-monde, il perçut la nécessité de travailler les textes fondateurs du marxisme pour éclairer les débats théoriques, politiques et militants. Il n'abdiqua d'ailleurs jamais devant cette perspective de compréhension de l'évolution du monde et des luttes jusqu'à sa mort qui le trouva debout face à la tragédie de Ghaza. Hommage d'anciens étudiants de l'université d'Alger