Mauvaise passe dans le domaine de la recherche sur le virus sida. En effet, un consortium de chercheurs a exploré les interactions entre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et les cellules humaines hôtes chez différentes populations dans le monde. Résultat : le VIH mute avec une célérité inouïe, contournant la reconnaissance par notre système immunitaire. Le professeur britannique Philip Goulder de l'université d'Oxford, l'auteur qui a chapeauté l'étude internationale publiée la semaine passée dans la prestigieuse Nature, nous explique que « plus de 2 800 sujets infectés par le VIH réparties sur les cinq continents ont participé à l'étude. Nous savons que les cellules qui présentent des antigènes (substance étrangère à l'organisme capable de déclencher une réponse immunitaire visant à l'éliminer) devraient étiqueter des fragments des protéines du VIH grâce à des molécules de surface (CMH I) pour permettre aux lymphocytes (globules blancs) de reconnaître et éliminer ce virus. Et il s'avère que le VIH modifie ses séquences génomiques reconnues par les molécules ». Cible mouvante « Ces mutations sont transmissibles et s'accumulent au sein de la population. Ceci est à considérer lors de la mise au point du très attendu vaccin contre ce rétrovirus redoutable. Le VIH est malheureusement une cible mouvante et non fixe ». L'hétérogénéité des populations humaines met-elle le développement du vaccin hors de portée ? Pour Goulder la versalité du VIH fait que « même si toutes les populations étaient homogènes, nous serons toujours à l'affût et consentirons d'énormes efforts pour en venir à bout de ce défi de la virologie. De plus, il est évident que dans différentes localités du monde le virus s'adapte en mutant ses séquences génomiques qui lui permettent de mieux surpasser le système immunitaire, ce qui corse la tâche du développement d'un vaccin efficace ». L'étude a montré aussi que lorsqu'un génotype CMH I favorable au contrôle du VIH est présent chez une population donnée, il a été constaté un taux de mutations élevées pour permettre au virus de résister à cet effet génétique particulier. « C'est vrai que le virus change et mute tout le temps pour échapper à la vigilance du système de défense immunitaire, ce qui est impressionnant en si peu de temps (deux décennies). En ce 200e anniversaire de la naissance du père de la théorie de l'évolution, Charles Darwin, dont les mécanismes d'évolution s'étalaient sur des millions d'années, là le VIH suit une trajectoire évolutive incroyablement rapide au grand dam de nos sidéens. Toutefois, il y a aussi émergence de différentes réponses immunitaires qui s'ingénient à contenir la charge virale faute de l'anéantir. » Vu que le génome du VIH s'intègre dans le génome humain, et peut rester latent dans des réservoirs cellulaires qui ne se divisent pas souvent, cela rend l'élimination du virus impossible pour le moment. Modèle primate Le seul espoir, selon les virologistes, est de pouvoir élaborer des vaccins qui stimulent le système immunitaire pour ramener la charge virale à des niveaux très bas, de telle sorte que les sujets infectés par le VIH puissent vivre sainement une espérance de vie normale, comme dans les autres infections virales. Depuis son apparition au début des années 1980, le VIH a déjà emporté 25 millions de vies humaines, et 33 millions autres sont porteurs du virus, voire plus si on prend en considération les cas non déclarés. Enfin, des chercheurs américains de l'université Rockefeller ont très récemment rapporté dans PNAS, avoir développé pour la première fois un modèle primate de l'étude des souches du VIH-1 sur le singe macaque, et ce en altérant seulement le gène vif du virus. Auparavant, sur les modèles simiens les chercheurs pouvaient seulement étudier les SIV (Simian Immunodeficiency Virus) qui présentent 50 % de similitude avec les VIH.