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Sida : les limites de l'Espoir
Le professeur Sanhadji à liberté
Publié dans Liberté le 27 - 12 - 2005

Pour certains, la maladie a entraîné un isolement avec une perte de l'emploi, puis du logement ; et cet environnement social difficile rend encore plus vulnérable au VIH. Dans ces situations d'exclusion, les nouvelles thérapies du sida n'apportent alors aucun espoir : ces traitements contraignants supposent, notamment, une existence stable et des droits sociaux respectés
La déclaration d'Helsinki prévoit que l'intérêt des personnes prime sur les intérêts scientifiques et ceux de la société.
Et pourtant, la réflexion parlementaire à travers le monde n'a pas été suffisamment approfondie et certaines dispositions vont même à l'encontre de la protection des personnes, en particulier en ce qui concerne la femme, les enfants mineurs, les étrangers ainsi que l'accès des patients à leurs protocoles de traitements. Pourquoi ? Parce que le contexte international est inéquitable. À ce moment-là, ce qui était information devient sentiment d'injustice insupportable, d'impuissance et de découragement.
La situation sociale des personnes touchées par le Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH) peut être dramatique.
Pour certains, la maladie a entraîné un isolement avec une perte de l'emploi, puis du logement ; et cet environnement social difficile rend encore plus vulnérable au VIH. Dans ces situations d'exclusion, les nouvelles thérapies du sida n'apportent alors aucun espoir : ces traitements contraignants supposent, notamment, une existence stable et des droits sociaux respectés. Toutefois, pour influer sur le comportement des communautés médicale et politique, les meilleures alliées sont encore les associations de patients.
Lorsqu'elles ont pour objectif de peser, avec l'ensemble des acteurs concernés, sur les décisions politiques, en particulier les parlementaires qui se doivent d'être à leur écoute, les associations de malades se montrent tout à fait à même de jouer un rôle important. Forts de cette interaction au tissu associatif, les parlementaires ont plus d'ascendant sur les autorités ministérielles (en légiférant) que même le médecin en tant que simple individu. En conséquence, le parlementaire dans son tissage législatif puisera sa sève en faveur :
- d'une meilleure qualité de vie,
- pour plus d'associations de patients,
- pour le droit à l'autonomie de décision,
- pour des soins palliatifs apportant compassion et humanité,
- pour une humanisation de l'hôpital,
- pour une pédagogie de la prescription médicale.
C'est bien cela le respect des droits de l'Homme. Pour les concrétiser efficacement, le parlementaire ne doit pas renégocier les promesses faites par les Etats. Il est là pour contraindre les responsables à tenir leurs engagements. Le parlementaire ne doit pas négocier pour éradiquer les stigmatisations, pour renforcer les alliances qui permettront la mise à disposition d'un vaccin, pour développer la prévention et l'accès aux traitements. Peut-être que la science et la médecine ont besoin de plus de temps encore, mais les politiques, les parlementaires et la société ne peuvent attendre davantage.
Car combattre le sida, c'est s'attaquer à ses implications démographiques, politiques et économiques. Il ne doit pas privilégier le “politiquement correct” alors que les responsables politiques, dans le monde, renâclent à financer le Fonds global de lutte contre le sida, la tuberculose. Il y a tant à faire, en particulier en ce qui concerne la femme et l'enfant : sur les plus de 40 millions de personnes vivant avec le VIH/sida dans le monde, 18 millions sont des femmes.
Elles représentent même 55% des adultes infectés en Afrique subsaharienne. Dans cette région, plus de 2,6 millions d'enfants sont séropositifs, on estime à plus de 11 millions le nombre des “orphelins du sida”. C'est pourquoi, le parlementaire doit maintenant s'impliquer en accélérant la mise en place des mécanismes législatifs pour la mise en place des programmes de prévention et d'accès aux traitements. Dans les pays du Sud, en particulier, on ne doit pas seulement compter sur la coopération avec les pays du Nord : les plus avancés dans ces domaines doivent faire profiter de leur expérience les pays les plus démunis. Trouver des mécanismes législatifs favorisant la généralisation et la facilitation d'accès aux médicaments génériques, en matière de sida, est un point crucial dans la mise en place d'un début de justice sociale.
Pour la santé publique, il est difficile de prendre en compte la dimension “droits de l'homme” des problèmes auxquels elle est confrontée. Les solutions peuvent venir de l'observation des phénomènes mondiaux dans leur ensemble. Cette approche macroscopique a permis, après une période d'analyse en quelque sorte “myope”, des différents paramètres du problème, de prendre du recul et de se rendre compte que les facteurs sociaux constituaient le dénominateur commun de la propagation de l'infection du VIH.
La discrimination existe à tous les niveaux. Pour aller plus loin, il faut identifier la nature et le rôle des facteurs sociaux à l'œuvre dans ce phénomène. Par exemple, on a toujours accepté des taux de morbidité et de mortalité qu'il aurait été parfaitement possible d'éviter.
Et pour corriger l'inadéquation des réponses que propose la santé publique aux problèmes auxquels elle doit faire face, il faut imaginer l'intervention d'autres acteurs que les professionnels de santé publique, comme ceux concernés par les droits de l'homme. Cette extension de son champ d'action devrait constituer une nouvelle étape dans l'évolution de la santé publique.
THERAPIE GENIQUE EXPERIMENTALE DE L'INFECTION PAR LE VIH : ESPOIRS ET PERSPECTIVES
En matière de sida, les progrès de la recherche ont abouti à des traitements très actifs associant plusieurs médicaments. Ces traitements d'un grand bénéfice se heurtent, dans nos pays, à des difficultés liées aux résistances acquises par le virus ou à des effets secondaires et à une précarité des moyens dans les pays en voie de développement. De plus, l'espoir d'aboutir à un vaccin efficace n'est pas à la portée immédiate des chercheurs à cause des grandes capacités de mutations génétiques du VIH. Le système immunitaire ne peut faire face à cette rapidité de mutations et donc de résistance au virus du sida. Un grand espoir est suscité par les résultats expérimentaux prometteurs, chez l'animal de laboratoire, en matière de thérapie génique anti-VIH. Ainsi, son objectif consiste à introduire dans l'organisme des cellules modifiées par l'adjonction d'un gène d'intérêt, grâce auquel elles fabriqueraient et libéreraient en permanence des facteurs antiviraux in vivo. Les travaux de recherche en cours définiront les meilleures modalités de ce traitement en vue d'une utilisation chez l'homme et dans la perspective d'une efficacité durable.
1- “ESPOIRS”
La reconstitution génétique des mécanismes naturels de défense
Son objectif est de transférer un gène, connu pour la production d'un facteur antiviral, dans des cellules (moelle osseuse, lymphocytes, cellules fibroblastiques) prélevées chez le sujet infecté par le VIH et ensuite réinjectées.
De petits organes artificiels (éponges ou organoïdes) incluant des gènes thérapeutiques peuvent aussi être construits et implantés chez le patient. Ils fonctionnent comme une entité autonome capable de libérer le facteur ou la protéine thérapeutique. La thérapie génique expérimentale apportant une molécule ayant un effet antiviral utilisera les travaux suivants :
- molécule CD4 soluble (sCD4) : il s'agit d'une protéine leurre du virus, car le CD4 est le récepteur naturel du VIH (gp120) à la surface des cellules cibles ;
- anticorps neutralisants : ce sont des anticorps dirigés contre l'enveloppe du virus ;
- interférons (IFN), interleukines (IL) : il est bien connu que l'IFN constitue l'un des plus puissants systèmes de défense développés par la cellule contre les infections virales ainsi que certaines IL.
Le blocage de certaines fonctions régulatrices du cycle VIH
L'objectif de cette approche est de créer dans l'organisme des cellules incapables de multiplier le virus tout en restant vivantes et fonctionnelles (immunisation intracellulaire). Il s'agit d'induire une résistance cellulaire vis-à-vis de l'infection ou de la propagation du VIH par transfert de gènes codant pour des molécules (ARN ou protéines) inhibant une des étapes précoces du cycle viral, telles que la pénétration du virus dans la cellule, la transcription du génome viral, le transport des ARN viraux vers le cytoplasme ou encore l'accumulation cytoplasmique de ces ARN. On peut citer :
- inhibition des fonctions régulatrices des protéines TAT et REV du VIH ;
- transdominant négatif GAG ;
- gènes codant pour les ribozymes, les ARN leurres et ARN anti-sens ;
- cellules suicide.
2- LIMITES
Les vecteurs
L'insertion d'un ou plusieurs gènes dans la cellule constitue une étape primordiale dans le transfert génique. En général, on a recours à des vecteurs viraux qui servent de “locomotive” pour véhiculer le gène thérapeutique et l'insérer correctement dans les cellules à modifier. Les vecteurs qui sont le plus souvent utilisés sont des fragments de rétrovirus murins capables d'infecter des cellules humaines. Ce sont des vecteurs intéressants mais n'infectant que les cellules en division. Ils ont été utilisés avec succès dans la thérapie génique chez l'enfant atteint de déficit immunitaire primitif. En matière de sida, les adénovirus sont des candidats dans le transfert de gènes mais font l'objet d'une réponse immunitaire comme c'est le cas de la thérapie génique de la mucoviscidose. C'est pourquoi les vecteurs adénoviraux de nouvelle génération sont envisagés. La vectorologie, nouvelle discipline, est à l'œuvre dans la mise au point de nouveaux vecteurs (vecteurs synthétiques, liposomes...).
Les cellules souches hématopoïétiques Introduire un gène thérapeutique dans les cellules du sang périphérique ne constitue pas une solution car leur durée de vie est courte. Ces cellules sont issues de la moelle osseuse et migrent vers le sang. Pour des raisons d'efficacité, l'introduction de gènes d'intérêt dans les cellules souches hématopoïétiques en particulier les cellules CD34+ va donner naissance à des cellules dans le sang, les ganglions, la rate, le thymus indéfiniment protégées. Il reste, néanmoins, difficile d'isoler actuellement les cellules souches CD34+ pures. De plus, il est difficile de transformer, avec les outils actuels, un nombre suffisant de ces cellules souches pour obtenir dans la descendance un grand nombre de cellules résistantes au virus. La reconstitution hématopoïétique des souris SCID par greffe de fragments thymiques fœtaux humains et administration de cellules souches humaines génétiquement modifiées constituent une amélioration notable du système.
En conclusion
Bien que certaines stratégies de thérapie génique aient obtenu in vitro des résultats encourageants, il est évidemment prématuré de préjuger d'une réelle efficacité clinique, quelle que soit l'approche considérée. D'autant que les évaluations in vivo chez les souris SCID-Hu ou, mieux, chez des macaques, sont aujourd'hui encore limitées.
Cependant, il faut se rappeler que des progrès significatifs récents dans le domaine de la cartographie du génome humain en général et de la thérapie génique en particulier pourront profondément modifier le tableau des années à venir.
Ces travaux de recherches sont, pour la plupart, effectués à la faculté de médecine RTH Laënnec à Lyon (France), à l'hôpital Edouard-Herriot à Lyon (France) et dans d'autres centres de recherches en France. Une grande partie de ces thèmes de recherche sera transférée, dans le cadre d'une collaboration scientifique, au Laboratoire de recherche en immunologie, en cours de création, à la faculté de médecine de l'Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou (UMMTO.
Ce laboratoire de recherches dont le financement (70 millions de DA) vient d'être accordé (juin 2005) par le ministère de l'Enseignement supérieur et de le Recherche scientifique grâce au Fonds national pour la recherche (FNR). L'entrée en activité de ce laboratoire de recherche est prévue en janvier 2007.
K. S.


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