Synthèse Hassan Gherab Si les spécialistes du monde entier ont du mal à trouver des anticorps pouvant contribuer à la création d'un vaccin contre le sida, c'est parce que le virus est en constante mutation. Mais au fil des recherches, la connaissance de sa structure s'affine, ce qui pourrait permettre aux scientifiques de trouver le défaut de la cuirasse et donc de neutraliser le HIV. Et il semble bien que des chercheurs américains ont fait un grand pas dans cette direction. Deux équipes américaines ont, en effet, découvert deux antigènes naturels susceptibles de constituer un vaccin efficace contre le sida. Les chercheurs ont réussi à mettre en évidence des constantes sur la surface du virus. C'est sur ces constantes qu'agissent les deux antigènes découverts chez un malade : VRCO1 et VRCO2. Dans leurs résultats publiés dans la revue Science, jeudi dernier, les chercheurs affirment que ces anticorps ont neutralisé, in vitro pour le moment, près de 90% des variétés de la souche du VIH la plus répandue dans le monde (ces anticorps ont été testés sur 190 variations du virus pour obtenir ce pourcentage). «Nous avons mis à profit notre compréhension de la structure du VIH, et dans ce cas sa surface, pour affiner nos outils moléculaires permettant de mettre le doigt sur le point faible du virus et nous guider dans le choix des anticorps qui s'attachent spécifiquement sur ce point et l'empêchent d'infecter les cellules humaines», expliquera le Dr Gary Nabel, virologiste du National institute of allergy and infectious diseases (NIAID), l'un des leaders de ce programme de recherches. Pour parvenir à isoler ces anticorps, une technique innovante a été mise en place. Le virus du VIH s'attaque, en effet, aux cellules du système immunitaire, et plus particulièrement aux lymphocytes T CD4. Les chercheurs se sont donc penchés sur la protéine située à la surface du virus qui lui permet d'attaquer ces cellules de notre système immunitaire. Ils ont alors passé au crible le sang de 15 personnes porteuses du virus et étudié 25 millions de cellules immunitaires productrices d'anticorps différents. «Les anticorps sont comme des êtres humains : ils sont tous différents à leur manière», souligne Peter Wong, un des co-auteurs, sur le site du magazine Nature. Dans le sang de ces 15 volontaires, seuls 29 types de cellules produisaient des anticorps interagissant avec cette protéine particulière. Et parmi elles, seules trois produisaient des anticorps particulièrement efficaces empêchant le virus proprement dit d'attaquer les lymphocytes T CD4. «Mais savoir que des êtres humains sont potentiellement capables d'en produire nous rend très optimistes sur la possibilité de susciter leur production par un vaccin», déclare au magazine Nature le Dr Nebel, coauteur de ce papier. Dans un deuxième article publié simultanément dans Science, la deuxième équipe américaine qui travaillait en collaboration avec la première, a explicité le fonctionnement d'un de ces anticorps. Son action se fait en deux temps. D'abord, il révèle l'endroit où se situe la protéine qui est «cachée» à la surface du virus avant de se fixer à elle, inhibant sa propre capacité à se fixer à nos cellules immunitaires. La prochaine étape pour ces deux équipes sera les tests sur de petits rongeurs, puis chez le macaque. Si l'injection de ces anticorps provoque une réponse immunogène chez ces animaux, elles pourront dès lors dire qu'elles viennent d'accomplir un grand pas vers un vaccin contre le sida qui a tué près de 30 millions de personnes depuis 1981.