Ce phénomène de prolifération de bouteilles et tessons de verre arrive même à supplanter par son ampleur le sachet noir et la bouteille d'eau minérale, dont ne sont pas indemnes nos campagnes. Ces actes d'incivisme ont pris de l'ampleur depuis la mise sur le marché de l'emballage jetable de la bière et des briques de vin de table. La non-rentabilisation de l'emballage fait que l'on s'en soucie moins. Mohand est un sexagénaire qui emprunte quotidiennement la RN 15 reliant Tizi Ouzou à Larbaâ Nath Irathen. Cette pollution le révulse, et il le dit : «Lorsqu'ils ne sont que de passage, les gens jettent depuis leur véhicule, sans même s'arrêter, ces bouteilles qui finissent à l'intérieur des champs et des vergers. Le pire est que les bouteilles se brisent et il est impossible de les ramasser ni de nettoyer ces amas.» En sillonnant les routes campagnardes de Tizi Ouzou, le soir venu, il n'est pas rare de voir des véhicules stationnés non loin de la voie carrossable : des groupuscules d'amis se forment ainsi autour d'un pot, portières ouvertes et autoradio d'où fusent des musiques variées. «C'est pour décompresser après une journée de dur labeur et se retrouver entre amis loin des villages et des cités», nous dit un groupe de jeunes qui pratiquent ce «sport de détente» régulièrement. «Nous préférons les paysages pittoresques de nos montagnes et cours d'eau, et l'air pur au climat feutré et parfois vicié des buvettes et des bars. Ici, c'est sans danger», nous dit Mokrane comme pour se donner bonne conscience. En sus de la pollution engendrée, cette pratique révèle que ces amateurs de pique-niques arrosés conduisent sous l'effet de l'alcool. Et c'est souvent à la faveur de la nuit qu'ils quittent les lieux laissant pêle-mêle cannettes et bouteilles de bière, sachets et déchets alimentaires. Le manque de contrôles et barrages routiers dans les espaces ruraux est assurément pour quelque chose dans l'amplification de ces actes d'incivilité. L'intervention des pouvoirs publics, au niveau local tout comme celui national, ainsi que les associations et autres collectifs est plus qu'impérative pour mettre fin à ce type de pratiques qui défigurent nos campagnes et polluent nos routes et surtout font porter au reste des automobilistes et usagers des risques. Il ne faut plus compter sur les effets pédagogiques des panneaux installés ici et là appelant les gens à «protéger la nature» et «préserver la propreté de nos cités».