La tragédie humaine que vit le peuple américain aurait pu être plus meurtrière si le cyclone n'avait pas décidé d'épargner la Floride, un Etat qu'il avait pourtant inscrit sur sa trajectoire au début de la semaine dernière. Le nombre de victimes avait déjà dépassé jeudi le millier de morts. Les disparus se comptent également par milliers. Mais ce n'est là qu'un bilan provisoire puisque les recherches n'en sont qu'à leur début. Les grands titres de la presse américaine, tels que le USA today ou le New York Times, s'attendent à voir les chiffres s'alourdir davantage durant les prochains jours compte tenu de l'étendue du désastre. Les médias n'hésitent d'ailleurs plus à qualifier l'ouragan Katrina de «tsunami américain». Sur le terrain, le chaos régnait encore hier à travers l'ensemble du territoire de la Nouvelle-Orléans. Cette ville de près d'un million d'habitants donnait l'impression d'avoir vécu l'apocalypse à la vue de ses habitants fuir par dizaines de milliers, de ses artères inondées charriant des corps sans vie de citoyens pris au dépourvu par la tempête et de ses buildings entièrement dévastés sur plusieurs kilomètres à la ronde. De nombreuses petites agglomérations situées au sud de l'Etat de Louisiane ont aussi connu le même triste sort. Le passage en boucle par les grandes chaînes de télévision américaines de scènes de citoyens au bord de l'épuisement et du désespoir, pleurant leurs proches disparus ou appelant au secours à partir de toits de maisons a ému toute l'Amérique. «Help me» (aidez-moi, ndlr), indiquaient des panneaux en carton brandis par des citoyens face aux caméras de télévision embarquées dans des hélicoptères. Au lendemain du drame, La Nouvelle-Orléans, une ville à majorité noire, s'est réveillée avec dans ses banlieues 50 000 sans-abri, des dégâts évalués à plus 25 milliards de dollars et un million de foyers privés d'électricité et d'eau potable. Si la plupart des habitants ont préféré, à l'approche de l'ouragan, se mettre à l'abri au Superdome, une immense structure sportive en béton, conçue pour résister aux catastrophes naturelles les plus intenses, il y en a beaucoup d'autres qui ont refusé de quitter leurs maisons par crainte de pillages. Aussi, le gros des victimes se recense-t-il parmi cette dernière catégorie de personnes. Beaucoup d'entre elles ont été retrouvées noyées chez elles. Malgré l'importance des moyens dont elles disposent, les équipes de secours dépêchées sur les lieux, dès les premières heures du drame, ont été très vite dépassées. Les équipes de secours dépassées Plusieurs centaines de personnes restées prisonnières chez elles ont dû patienter plusieurs heures avant d'être secourues. Devant l'impossibilité d'accéder dans les quartiers en raison des inondations, les équipes de secours ont continué de sillonner la ville en hélicoptères à la recherche de rescapés. Las d'attendre l'arrivée des secours et gagnés par la crise de nerfs, des rescapés ont laissé exploser leur colère. Devant l'étendue de la catastrophe, le président George W. Bush a exhorté les Américains, lors d'un discours à la nation prononcé mercredi dernier, à relever le défi de la reconstruction et a annoncé sa décision de mobiliser 30 000 éléments de la Garde nationale américaine pour encadrer les équipes de secours et rétablir la sécurité dans certains quartiers de La Nouvelle-Orléans, qui étaient en proie à des actes de pillage et de vandalisme. Il a appelé, en outre, les autres Etats de l'Union à se mobiliser pour venir en aide à la population de Louisiane. En plus de la Croix-Rouge américaine, les ONG et les associations caritatives, nombreuses aux Etats-Unis, ont commencé à rassembler des fonds, des vivres et des couvertures au profit des sinistrés. Alors que les premières aides commençaient hier à parvenir à La Nouvelle-Orléans, l'Etat du Texas s'apprêtait pour sa part à accueillir les premiers réfugiés au niveau de sa frontière avec la Louisiane. A signaler que 300 000 personnes attendent toujours d'être évacuées. Malgré les actions lancées, les habitants de La Nouvelle-Orléans se sont montrés critiques vis-à-vis de leur Président auquel ils reprochent d'avoir réagi un peu «tardivement». Ils disent ne pas comprendre pourquoi il a attendu deux jours pour prendre la décision d'écourter ses vacances au Texas et regagner son bureau à la Maison Blanche. Des citoyens se sont également plaints du fait que «le président Bush soit trop absorbé par la lutte contre le terrorisme et qu'il ne consacre pas suffisamment de temps aux questions nationales». Le discours du président américain a suscité aussi des réactions mitigées au sein de la presse. Des journalistes rencontrés au Texas ont estimé que le président Bush ne s'est pas montré suffisamment compatissant avec les familles des victimes de La Nouvelle-Orléans. Mais plutôt que de s'attarder sur l'intervention du président Bush, la majorité des médias ont préféré multiplier, dans leurs éditions spéciales, les reportages sur l'évolution des secours, relater la souffrance des citoyens de La Nouvelle-Orléans et «zoomer» sur les immenses scènes de désolation laissées par l'ouragan Katrina. Pour sa part, le Wall Street Journal s'est intéressé à l'impact de la catastrophe sur l'économie américaine. Les analyses présentées par ce quotidien n'excluent pas l'idée que les retombées du passage de l'ouragan Katrina en Louisiane se feront ressentir à travers l'ensemble des Etats de l'Union. La principale raison résiderait dans l'arrêt d'installations considérées comme vitales pour les Etats-Unis, telles que les raffineries de pétrole situées le long des côtes de la Louisiane donnant accès au golfe du Mexique. Cet Etat de fait a déjà provoqué une augmentation des prix de l'essence à travers l'ensemble des Etats-Unis. Si la situation venait à perdurer, elle pourrait, annonce-t-on, provoquer un ralentissement de l'économie américaine et même amener certains Etats à prendre la décision de rationaliser le carburant.