Motif ? «Pour avoir mené une campagne d'affichage en faveur du rejet du référendum», a indiqué un communiqué du MDS. «Les intimidations et menaces proférées par Bouteflika, Belkhadem, Ouyahia et par le chef du Hamas (Bouguerra Soltani) à l'adresse de citoyens qui s'opposeraient au projet de charte se confirment», estime le MDS dont le bureau national «dénonce et condamne énergiquement ces atteintes aux libertés». Pour le MDS, «des militants démocrates sont intimidés et harcelés au moment où les chefs terroristes sont à la tête de cette campagne à sens unique». Allusion aux meetings en faveur du «oui» animés par Madani Mezrag, ancien «émir national» de l'Armée islamique du salut (AIS, autodissoute en 2000, présentée comme le bras armé de l'ex-FIS). La campagne visuelle d'affichage du MDS et la distribution de tracts appelant au rejet du référendum du 29 septembre 2005 a commencé la fin de la semaine dernière. «Pour organiser des meetings dans des salles, on a déjà l'expérience des interdictions, alors nous avons choisi de mener des campagnes de proximité pour toucher les citoyens», nous a indiqué un membre du MDS contacté hier. Le mouvement appelle les Algériens à un «boycott massif et actif», peut-on lire dans ses tracts et affiches avec les slogans, en arabe et en français : «Contre l'impunité de l'islamisme assassin, contre les pleins pouvoirs au Président et la pérennité du système rentier, contre la censure et l'absence de débat sur le projet de charte». «Nous poursuivrons notre campagne», a-t-on rassuré à la direction nationale du MDS. «Révolté par ces pratiques indignes des luttes et des sacrifices des citoyens, le MDS exige que cessent ces pressions exercées contre les militants d'une organisation démocratique», conclut le communiqué du parti. Par ailleurs, Arab Mouloud, la soixantaine, père de disparu et membre de SOS Disparu(e)s, a été arrêté par des policiers, mercredi 14 septembre 2005 à la place Addis-Abeba à Alger, alors qu'il quittait le lieu de rassemblement hebdomadaire des familles de disparus devant le siège de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle). «Il a été embarqué par quatre policiers au motif qu'il distribuait des tracts concernant le projet de charte et la situation des familles de disparus», précise le communiqué, cosigné par SOS Disparu(e)s et le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA), rendu public le 15 septembre 2005. Emmené au commissariat du boulevard des Martyrs, Arab Mouloud est resté trois heures en garde à vue. «Interrogé par un agent sur toute sa vie, il lui a enfin posé la question de savoir pourquoi il diffusait des tracts et s'il en détenait à son domicile», précise le communiqué. Arab Mouloud a été relâché à 15h, mais sa carte d'identité a été gardée au commissariat. Il a été convoqué pour se présenter à 8h aujourd'hui, samedi 17 septembre, devant les policiers pour, apparemment, récupérer ses papiers. SOS Disparu(e)s et le CFDA craignent qu'il ne soit déféré devant le parquet et exigent qu'«aucune poursuite ne soit engagée contre Arab Mouloud». Tutelles Les deux organisations disent confirmer leurs appréhensions vis-à-vis du «projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale». «Avant même son application, les familles des disparus sont interpellées par la police et harcelées. Elles revendiquent pourtant simplement et pacifiquement la reconnaissance de leurs droits.» Les responsables des cellules de communication de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de la Sûreté de la wilaya d'Alger étant absents de leurs postes hier, vendredi, nous n'avons pu recueillir leurs explications sur cette série d'interpellations. Fin août 2005, le chef de la daïra d'Illilten (wilaya de Tizi Ouzou) a refusé d'allouer la salle des actes de la commune à une rencontre animée par la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) au motif que les salles de réunion «sont réservées à ceux qui soutiennent le projet de réconciliation», selon le quotidien Liberté. A rappeler que les activités que peuvent encore animer les voix critiques, tels le FFS, le RCD, le MDS et la LADDH entre autres et des associations de victimes, sont systématiquement privées de la couverture médiatique de la télévision, de la radio et de l'APS, médias étatiques, en contradiction avec leur cahier des charges, organisant les obligations de service public. Le «oui» semble bénéficier de la massive mobilisation des moyens publics et des administrations centrales et locales sans que le citoyen ait un droit de regard sur l'équité des expressions, pourtant garantie par la Constitution. La fermeture des espaces d'expression contredit également les déclarations du président Abdelaziz Bouteflika, qui assurait, fin août à partir de Sétif : «Nous avons levé toutes les tutelles sur le peuple algérien.» Mais le chef de l'Etat a aussi déclaré lors d'un meeting à Béchar qu'«il n'y avait pas à philosopher» autour du projet de charte. Le 13 septembre 2005, le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a qualifié la charte de «projet divin» et le ministre de la Solidarité, Djamel Ould Abbas, affirmait le 3 septembre dernier que «seul un fou peut s'opposer à la paix et à la réconciliation nationale». «Des mesures seront prises contre ceux qui rejettent la réconciliation», a menacé Bouguerra Soltani, ministre d'Etat et président du MSP, à partir de Tlemcen, le 30 août dernier. Le 14 août, lors de son discours devant les cadres de la nation, le président Bouteflika a condamné a priori ses contradicteurs : «Des voix connues ne manqueront pas de s'élever pour tenter de s'opposer à cette attente populaire légitime (…). Ces voix seront sans aucun doute les mêmes que celles qui, à l'intérieur et à l'extérieur, ont assisté, hier, silencieuses aux horribles tueries qui nous ont frappés dans notre chair et dans notre âme.» «Le Président devrait encourager la discussion en s'abstenant de toute nouvelle attaque verbale à l'encontre de ceux qui remettraient en question son projet de charte. Il devrait faire en sorte qu'un référendum n'ait lieu que lorsque les Algériens auront eu l'opportunité de participer à un débat en toute connaissance de cause», a préconisé l'ONG américaine Human Rights Watch dans son analyse de la charte.