Le procès du groupe français Sanofi-Aventis est fixé pour le 5 avril 2006 par un tribunal fédéral de New York, a indiqué récemment une dépêche d'agence de presse. Objet de l'accusation : contrefaçon du Plavix, son célèbre antithrombolique, menacé par le fabricant de génériques Apotex. En mars dernier, les sociétés Aventis Pharma Inc. et Aventis Pharma S. A. du même groupe ont introduit une action en justice pour contrefaçon du brevet 2045433 protégeant le Lovenox contre Novapharm devant le tribunal fédéral. Ces exemples, loin de constituer une exception, renseignent si besoin est que désormais le fléau de la contrefaçon ronge tous les secteurs d'activités économiques en n'épargnant pas le secteur du médicament, des plus sensibles pour la santé des consommateurs. Les médicaments de qualité inférieure ou contrefaits sont des produits dont la composition et les principes ne répondent pas aux normes scientifiques et qui sont par conséquent inefficaces et souvent dangereux pour le patient. La contrefaçon qui touche aussi bien des produits de marque que des produits génériques se présente sous forme d'une imitation de l'emballage ou par une absence ou une présence en quantité insuffisante de principes actifs dans le médicament. Elle touche aussi bien des pays riches où elle concerne le plus souvent des médicaments coûteux tels que les hormones, les corticoïdes et les antihistaminiques. Dans les pays en développement, les vaccins semblent être les plus exposés à la contrefaçon, comme ceux contre le paludisme, la tuberculose et le VIH sida. Une enquête effectuée sur une vingtaine de pays par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fait ressortir que 60% des cas de contrefaçon concernent les pays pauvres et 40% les pays industrialisés. La Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis estime à 10% les contrefaçons de médicaments du marché mondial. Les recettes mondiales de la vente des médicaments contrefaits et de qualité inférieure atteignent plus de 32 milliards de dollars US par an, selon cette autorité sanitaire américaine. Curieusement, cette même source indique que l'un des produits le plus contrefait aujourd'hui est le… Viagra, un produit largement vendu par internet dans les pays industrialisés. Mais il semblerait que même dans les pays en voie de développement, le commerce de ce produit connaît une véritable débandade. Dans nos colonnes, il a été fait état dernièrement de la mésaventure d'un patient quadragénaire avec le Viagra à Bordj Bou Arréridj. Si l'utilisation régulière de médicaments de qualité inférieure ou contrefaits entraîne un échec thérapeutique ou favorise l'apparition d'une résistance, dans bien des cas elle peut être mortelle. Selon l'OMS, l'épidémie de méningite au Niger en 1995 a fait 2500 décès, sur les 50 000 personnes ayant reçu des faux vaccins provenant d'un don d'un autre pays qui les croyait sûrs. La consommation de sirops contre la toux contenant du paracétamol préparé avec du diéthylène glycol (un produit chimique toxique utilisé comme antigel) a provoqué 89 décès en Haïti en 1995 et 30 décès de nourrissons en Inde en 1998. Alors que sur le million de décès annuels par paludisme, 200 000 pourraient être évités si les médicaments disponibles étaient efficaces, de bonne qualité et correctement utilisés. Une étude effectuée en Asie du Sud-Est en 2001 a révélé que 38% des 104 antipaludéens en vente en pharmacie ne contenaient aucun principe actif et avaient provoqué des décès évitables. Un rapport du FDA en 2004 intitulé «Combattre la contrefaçon de médicament» indique que 64% des médicaments antimalaria étudiés au Vietnam ne contenaient pas de principe actif et 50% des traitements antimalaria en Afrique seraient contrefaits. 10% à 12% des médicaments vendus aujourd'hui en Russie et en Chine sont contrefaits. Face à ces données alarmantes, qu'en est-il de ce fléau en Algérie ? «Le risque zéro n'existe pas» A en croire le directeur général de l'Institut national algérien de la propriété industrielle (INAPI), M. C. Aïssaoui, qui s'est déjà exprimé sur la contrefaçon, «le phénomène de la contrefaçon touche quasiment tous les segments de la production industrielle (textile, agroalimentaire, pièces de rechange, cosmétiques, matériel électrique…) mais épargne le secteur du médicament». Explication. «Si l'industrie pharmaceutique est épargnée, c'est parce que, précise-t-il, les circuits de production et de commercialisation dans cette filière sont bien définis et, de ce fait, l'évaluation de la conformité des produits s'effectue de bout en bout.» «Le risque zéro n'existe pas», rétorque le PDG des officines publiques, S. Si Ammour. Pour ce premier responsable de l'Endimed, le privé est plus vulnérable contre les produits de qualité inférieure. «Les pharmacies publiques développent la pharmacovigilance et tout le réseau est couvert par un réseau de contrôleurs à l'échelle nationale», a-t-il indiqué en précisant que les approvisionnements se font chez des fournisseurs obéissant à des règles draconiennes de sécurité (respect des normes, de la chaîne, etc.). «Il y a une traçabilité du produit du producteur jusqu'au pharmacien», a souligné Si Ammour, pour qui «toutes les pharmacies publiques sont couvertes par un réseau de contrôleurs qui scannent les vignettes, l'origine, le laboratoire, le lot, le fournisseur, les dates de fabrication et de péremption ainsi que le contrôle des notices». Sans citer des cas avérés de contrefaçon, notre interlocuteur n'a pas manqué de signaler que lors de visites inopinées de contrôleurs, «il se trouve des pharmaciens qui achètent des produits non commandés chez leurs amis” fournisseurs». Pour le PDG de l'Endimed, le mal pour le privé vient des grossistes-distributeurs de produits pharmaceutiques, parapharmaceutiques et cosmétiques. «Tout le monde peut devenir grossiste», dit-il, en soulignant que même s'il leur est fait obligation de désigner un pharmacien comme directeur technique, «certains le font pour la forme, fait-il remarquer. Si Ammour considère que l'étendue du territoire conjuguée à des frontières passoires favoriseraient la contrefaçon. Pour sa part, A. Kamel, un pharmacien privé, estime que le secteur du médicament reste le moins touché par ce fléau, tout en avouant des cas de sous-dosage de médicaments et de certaines «ruses commerciales». Pour ce jeune pharmacien, «le retour de la tuberculose ne signifie-t-il pas que les vaccins déjà administrés ont étés inefficients ?» Des vaccins antigrippaux, dit-il, ont étés parfois de nuls effets sur les consommateurs, et comment se fait-il que certains produits tel le paracétamol coûte trois à quatre fois moins cher qu'en France. Et à Kamel d'ajouter : «Même si ces cas isolés sont loin de constituer la règle, il n'en demeure pas moins que la vigilance doit être de mise.»